« Ce livre est un curieux album de famille. Vingt-quatre hommes et femmes s’y côtoient. Des gens que j’ai choisis par un hasard qui n’existe pas » écrit Martine Francillon dans l’avant-propos de cet ouvrage qui permet au photographe Christian Rausch d’encadrer quelques grenobloises et grenoblois. Un premier livre pour ce senior du photojournalisme.
« Grenoblois un jour, Grenoblois toujours !
Être né ici une fois la paix bien assurée (octobre 1945), avoir commencé sa scolarité « rue des Bons-Enfants » (sic), puis étudié (beaucoup plus longuement), à Champollion avant d’être de ces pionniers du campus qui devaient s’équiper de bottes pour rejoindre des préfabriqués; avoir travaillé au Dauphiné Libéré dès l’âge de dix-neuf ans (dans le feu local de la rue Denfert-Rochereau, aux pieds d’un aigle terrible) … »
Voilà l’autoportrait en forme de préface d’un vrai grenoblois : le journaliste Bruno Frappat, ancien du quotidien Le Monde, aujourd’hui éditorialiste à La Croix et président du directoire du groupe Bayard.
Et pourtant c’est à deux « étrangers », une nantaise Martine Francillon et un éternel voyageur le photographe Christian Rausch qu’est revenue la charge délicate de « tirer le portrait » de 24 « êtres à Grenoble ».
« Compliqué de décrire une photo. » écrivait fort justement Roland Topor en 1981 dans « Les héros du moment », avant-propos de « 59 auteurs de bande dessinée » portraits réalisés par le regretté Claude Raymond Dityvon.
Une photo ? « Ce qu’il y a d’important dedans, d’unique, vient peut-être d’un livre posé sur une table avec une tache de lumière sur la manche gauche d’un costume, d’une certaine façon qu’a le modèle de baisser les yeux en levant le nez, ou d’une tache sombre, en bas à droite, qui évoque à la fois un bouquet de fleurs ou un enfant à quatre pattes. Le sujet d’une bonne photo n’est jamais évident… »
Comment réaliser deux grosses dizaines de « bons » portraits d’une façon intéressante et créative quand vous arrive une telle commande ? Telle fut la question qui hanta Christian Rausch quelque temps avant de se mettre à l’ouvrage. Il choisit d’abord de travailler en couleur et en « N&B ».« Je voulais donner deux visages à chaque personne, essayer de transmettre deux impressions d’une même rencontre » nous a-t-il confié.
« J’ai eu besoin d’un ciment. » écrit-il dans l’ avant-propos aux personnes photographiées. « J’ai exploré les limites du cadre. J’ai juste cherché le partage. Le cadre doré était un prétexte. Difficile d’être photographié ! » reconnaît-il avant d’ajouter « Si vous saviez comme il est difficile de photographier quelqu’un en n’ayant pas l’impression d’une trop intime intrusion ! Portrait : reconstitution d’une personnalité, d’un individu. Le cadre était un vecteur de partage. Je vous l’ai proposé, vous l’avez saisi, chacun à votre manière. Vous avez su vous révéler à l’intérieur du cadre, à l’extérieur du cadre.
Un cadre mais des cadrages !
« Le cadrage : c’est un des facteurs majeurs de la composition » écrit Willy Ronis dans son manuel du photoreportage (Ed Paul Montel 1951) car « il s’agit de supprimer tout ce qui risque d’affaiblir l’intérêt du sujet traité. »
Cadrer avec un cadre c’est à la fois attirer l’attention du « voyeur » sur le sujet, jouer avec la contrainte et s’adonner à un exercice photographique prisé par les maitres. On pense à Ronis naturellement, mais aussi à Reza.
Voilà donc un cadre doré qui se promène de photo en photo, passe de main en main, et qui selon les personnalités devient un atout, un objet de mise en valeur de l’activité du modèle, ou parfois, le révélateur d’une personnalité qui ne voudrait pas se dévoiler. Le cadre n’est pas doré pour tous.
Au travers du cadre, nous découvrons des grenobloises et des grenoblois, mais cet accessoire cadre ? « Je l’ai acheté en 1986 aux puces de Clignancourt » raconte en riant Michel Abadie, un ami du photographe. « Je l’ai doré moi-même à la feuille d’or avec les conseils d’un professionnel. En fait, à l’origine, ce cadre a été acheté pour réaliser un reportage sur les peintures rupestres de Lybie. Un très beau reportage de Christian »
Christian Rausch, on le voit dans « êtres de Grenoble » n’est pas un novice. Formé à l’école Louis Lumière, il travaille d’abord en studio avant de s’engager dans le reportage social au sein de l’Agence de Presse Libération (APL), puis à l’agence Fotolib. Devenu free lance, il réalise de nombreux reportages pour Le Figaro.
A partir de 1980, il collabore à l’agence La Compagnie des Reporters puis à Viva-ACR, et en 1986 confie la diffusion de ses archives à l’agence Rapho. Il réalise de nombreux grands reportages pour des magazines français et étrangers tant en Europe qu’en Amérique centrale, mais c’est finalement l’Asie qui va devenir sa destination préférée.
Il travaille en binôme avec Marie-Florence Bennes, ex journaliste du quotidien Le Monde avec laquelle il arpente régulièrement les flans de l’Himalaya où ils séjournent actuellement pour préparer une grande exposition prévue pour l’an prochain à Grenoble, naturellement !
Michel Puech
LIvre
êtres à Grenoble 24 portraits grenoblois racontés par Martine Francilon et Christian Rausch
Maquette et réalisation : Romain Fourcy, Emilie Escoulen
Critères éditions 11, rue Aimé Berey 38 000 Grenoble
Editeur : www.criteres.org Prix TTC : 30 €uros ISBN : 978-2-917829-03-5
Personnes photographiées : Sylvie Guillermin – Le roseau dansant, Sébastien Roché – Chercheur en insécurité, Isabel Herault – Archi-Philosophe, Didier Passerat – Le petit prince déchu, Anne-Marie Mingat – « Mimi, Juste pour les autres », Michel Jacquier – Destination design, Olivier Tomasini – Le Bâtisseur de Beau, Caroline Chauffin – La fleur militante, Claude Setbon – Hugo Business, Joëlle Vernay – Droit au coeur, Michèle – Une fille de Grenoble, Eric Siong – Asie mon Amour, Jenny Simon – Princesse Zoulou, Jean-Marie Cupillard – Un Giacometti qui marche, Nicolas Mouz – Mystère Protéine, The Hacker – Electro Choc, Carine Serre – La révolte et la grâce, Maxence Flachez – Soleil Noir, Catherine Garrel – Femme au bord de la crise de nerf, Rémi Perrier – Rock and Roll Citizen, Marco Ciaramella – Chaleur napolitaine, Bruno Garcia – Accords à coeur, Sylvie Berthemy Pellet – Regard chaviré sur l’art, Diden Berramdane – Le seigneur du désert et des motsDernière révision le 26 mars 2024 à 4:51 pm GMT+0100 par Michel Puech
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