Si votre mère vous disait « Ne parle pas aux gens que tu ne connais pas » elle doit être horrifiée de votre penchant pour le Minitel. Vol à Nice, Vol à Charenton-le-Pont, sont des titres qui ont retenu son attention. A chaque fois Mister Minitel était dans le coup ! Et pourtant…
Le connecté n’est pas celui que l’on attend par Michel Puech pour Minitel Magazine avril 1988
La première fois, c’était il y a quelques années dans un hall d’immeuble. Une rencontre anonyme et sans conséquence, croyaient-ils.
« C’était un type gentil. Toujours prêt à rendre service. Il était gardien de l’immeuble où j’habitais. Je savais peu de choses sur lui… si qu’il était arbitre officiel de football et amateur de CB ».
Pourtant les revoilà en face l’un de l’autre… au parloir des Baumettes, la prison de Marseille.
Le gardien d’immeuble est dans les murs depuis le 21 mars dernier et le locataire est son avocat.
« Ça met un mauvais climat… » dit Maître Ange Toscano.
« Ça », ce sont les victimes !
Un couple de vieillards de 79 et 83 ans, agressés, ficelés , dévalisés, pour 5000 francs en liquide. « Il y avait aussi quelques étains et une super collection de pipes ».
« Ça doit valoir cher » apprécie le Commissaire divisionnaire Petitjean. Ce sont ses hommes qui ont procédé à l’arrestation de « Kojack » alias Paul Douhet et de son complice , un certain Pérez.
Quand les anges sont bavards
L’affaire commence par une banale rencontre entre « Kojack » et un certain « Clandestin ». L’un est déprimé et même « Un peu léger psychologiquement parlant » commente en haussant les sourcils le patron de la Sûreté de Marseille. « Il se faisait appeler le clandestin parce que ses parents faisaient de la résistance ». L’autre, « Kojack », un chômeur « qui avait déjà fait une indélicatesse » pour la police. Pour Maître Ange Toscano : « Vous savez Douhet enfin « Kojack » aimait rendre service » Un ange passe.
La rencontre alieu dans un bar, comme très souvent dans les affaires dites de « petite délinquance ». Sauf que là, le bar est électronique. »Vous savez ces réseaux qui communiquent par Minitel ». Là-dessus se greffe un tas de déréglés sexuels » explique le Commissaire qui en raison de sa fraîche provenance de Toulon et sa carrure doit plutôt s’intéresser au rugby qu’à la télématique.
« Bon . Douhet était très féru de ça. Pensez… Il avait des notes de 30 000 francs de téléphone! Les PTT lui ont coupé la ligne. Mais il se réinscrivait sous un faux nom »
« Peut-être même drogué »
Entre « Magali », Rachel » et autre « GBCHTRCL » « Kojack » et « Clandestin » discutent à longueur de soirée. Ils se voient dans un bar. Ils se revoient.
« Vous savez Douhet était fasciné par le monde de la police. Il voulait aider les gens… Peut-être pas pour les aider mais pour que les autres pensent qu’il était un important. Alors les relations qu’il a eues avec le fils des victimes, celui dont le pseudo était « clandestin » sont curieuses … » Long silence de Maître Toscano. Une autre race d’ange passe.
« Je ne peux guère en dire plus sauf peut-être que ce jeune homme était très dépressifs peut-être même drogué. » Finalement, en y réfléchissant bien, l’avocat de « Kojack » ne voit qu’une explication à l’agression commise par son client. « Il buvait trop. » Et puis « Sans vouloir vous dévoiler le dossier, je peux prouver que mon client n’était pas dans son état normal. Il a été … comment dire, influencé par Pérez ».
Un indic branché
« Mais non… rien à voir avec ce qu’a écrit ce torchon local. Mon client a été embarqué dans une galère à la c… » Maître Georges Lecomte a la faconde méridionale.
« Je ne peux rien dire mon cher ami, d’abord il y a le secret de l’instruction et puis je suis très ami avec la famille Pérez. Je le connais depuis longtemps… c’est absurde cette histoire. … Mais mon client n’a jamais touché au Minitel Monsieur ».
Pour les officiants de « L’Evêché », le Commissariat central de Marseille, c’est beaucoup plus simple : » »Kojack » a reconnu les lieux et un soir, où le « Clandestin » n’était pas là, il est arrivé avec un complice… » Le papa et la maman du « Clandestin », eux, malheureusement, ils étaient là.
Une banale affaire de délinquance ordinaire à laquelle, visiblement, le nouveau Commissaire de la Sûreté ne comprend pas qu’on s’intéresse à des « barjots » comme ça. Bien sûr ils ont eu du mal à le coincer… Mais incontestablement, dans les messageries, c’est comme dans les bars. On trouve toujours un indic. Une question de mentalité.
« Oui il y en avait un qui notait tous les numéros de téléphone des pseudos qu’il connaissait » précise le Commissaire Depuis à peine un mois qu’il est là son équipe d’inspecteurs a travaillé sur des coups plus importants.
Il regarde avec étonnement le journaliste installé dans l’un des deux fauteuils en cuir que domine son bureau. Essuie, puis rempoche la splendide monture de lunettes solaires que vient de lui offrir l’un de ses inspecteurs. Puis laisse tomber…
« Vous savez, ils auraient pu se rencontrer n’importe où… dans un bar ou dans la rue. Vos confrères de la presse locale en ont peut-être un peu rajouté. Le Minitel, c’est un truc de journalistes ».
Michel PuechDernière révision le 26 avril 2022 à 6:30 pm GMT+0100 par
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