Plan social chez Eyedea Presse (Gamma), « réorganisation » chez Getty, plan social et « réorganisation » dans les bureaux européens de la société de Bill Gates, Corbis images.
Le Net continue à dynamiter le marché de la photographie et ses métiers. Interview de Dan Parlet « World wide press contact » de Corbis.
L’augmentation vertigineuse des stocks de photos en ligne et l’effondrement dramatique des prix ne cessent de s’amplifier. Selon Gary Shenk, « patron » de Corbis Images le marché du « stock image licensing” va baisser de 2,3 milliards de dollars en 2007 à 2,2 milliards de dollars en 2011…
Mardi 20 octobre 2009, un coup de fil m’apprend que le « grand patron de Corbis images » a atterri à Paris, rue de la chaussée d’Antin pour une réunion du comité d’entreprise.
Ce même mardi, l’excellent British Journal of Photography m’apprend que Getty opère une grande réorganisation pour accentuer son ouverture à l’Internet, où de multiples concurrents se développent. Chez Corbis, l’heure est aux mêmes « réorganisations ».
Selon mes informations, au bureau de Paris entre 35 et 40 salariés sont en cours de licenciement. La consigne venue d’outre Atlantique est simple : les chefs de service taillent 50 % de leur effectif. C’est comme ça dans tous les bureaux européens. Comment faire ? C’est simple : être marié et/ou chargé de famille, donne des points dans un calcul mortifère, hyper stressant qui va conduire ceux qui en ont le moins de points, à la porte..
Bref, un plan social avec toutes les conséquences humaines qu’aujourd’hui tout le monde connaît.
Joindre « une personne habilitée à parler » de la situation de Corbis France à Paris, tourne vite à l’aventure parfois ubuesque. D’Issy-les-Moulineaux pour joindre la rue de la chaussée d’Antin, il m’a fallu téléphoniquement « passer » par Londres et par Bruxelles après qu’un robot m’eut averti que ma conversation pouvait être écoutée… Ces « accueils » sont charmants. Un jour, je vous narrerai comment ça se passait au siècle dernier.
Heureusement après quelques « tirs de maill » Clémentine Duguay, vint à mon secours ! Elle est chef de groupe chez Golin Harris un cabinet de lobbying. Grâce à elle j’ai pu interviewé uniquement en anglais, Dan Perlet, Directeur de la Communication « world wide » pour Corbis.
Voilà une société française, où aucun dirigeant ne parle la langue du pays ! On se sent tout de suite remis à sa place. Paris capitale de la photo, c’était au siècle dernier. Dan Perlet est toutefois charmant, et a bien voulu forger des réponses qui pour être en anglais, sont également dans cette belle « langue de bois » que tous nos dirigeants économiques et politiques ont adoptée depuis que l’Union soviétique qui l’a particulièrement développée, s’est effondrée.
Quelle a été la teneur du comité d’entreprise du mardi 20 octobre 2009 ? Quel type d’information a été fournie au personnel ?
Corbis doit en permanence réévaluer sa stratégie d’entreprise et son organisation interne afin de répondre à l’évolution constante des besoins de ses clients pour l’acquisition d’images.
Mardi 20 octobre 2009, des propositions de réorganisation au niveau européen ont été discutées, avec l’objectif de mieux servir les clients en ligne en facilitant et en accélérant l’acquisition de licences d’images.
Dans ce cadre, l’entreprise propose de gérer l’ensemble des ventes et services auprès de ses clients français, à partir du bureau de Paris, plutôt que de son centre d’appel basé à Londres, que nous pensons supprimer. Ce choix nous permettra d’être au plus près du marché et de nos clients, de les rencontrer en personne quand nécessaire pour leur montrer comment se servir de notre site internet. Il est prévu de réduire les équipes de Ventes et Marketing afin de répondre aux attentes du marché actuel.
Nous proposons également de centraliser nos activités marketing à Londres avec une équipe essentiellement dédiée aux activités de marketing en ligne pour toute l’Europe. Il est préférable de rassembler et consolider cette équipe dans le même bureau pour une meilleure collaboration et efficacité.
Nous prévoyons également de redéfinir nos offres pour nous concentrer sur les produits les plus demandés. Nous proposons donc de supprimer certains postes en Europe, notamment en France, dédiés à des types de contenu moins demandés par nos clients.
De quels types de contenus « moins demandés » et « plus demandés » parlez-vous ?
« Quel que soit le type de contenu photographique, la demande tend vers du contenu bon marché, d’un bon rapport qualité-prix, et de moins en moins vers du contenu premium haut de gamme. Cela est particulièrement vrai pour la photographie créative commerciale, et à un moindre degré pour l’éditorial. Le contenu photo libre de droits à moindre coût est plus en demande et plus facilement et largement fourni par des photographes contributeurs freelance. »
Combien de personnes vont quitter l’entreprise ?
« En tant qu’entreprise privée, Corbis ne partage pas ce type d’information, et ne peut donner aucun élément de réponse tant que les discussions sont en cours avec le comité d’entreprise. »
D’après mes informations, 40 postes sont menacés, faisant tomber le nombre de salariés en dessous du seuil qui rend obligatoire l’existence d’un Comité d’entreprise à Corbis. Pouvez vous confirmer ?
« Nous sommes désolés mais alors que les discussions sont en cours avec le comité d’entreprise, nous ne sommes pas autorisés pour des raisons légales à donner des détails sur le nombre de postes qui seraient concernés ».
Dans quel contexte cette décision a été prise ? Et pourquoi ?
« L’entreprise cherche à assurer son positionnement sur le marché pour répondre aux besoins des clients, qui attendent de plus en plus à trouver des images de haute qualité et à bas prix, directement disponibles sur le site internet. Ces propositions de réorganisations doivent permettre à Corbis de rester compétitif sur le marché et d’améliorer la qualité de ses services. »
Quelle sera la nouvelle organisation en France et en Europe ?
« Dans le cadre de la nouvelle organisation, les Ventes et Services dirigés vers l’ensemble du marché européen seront gérés par des équipes dédiées sur les marchés locaux. Par exemple, toutes les demandes des clients français seront gérées par le bureau de Paris. »
Pouvez-vous nous préciser le rôle des deux sociétés que vous détenez en France Corbis, agence de publicité et Corbis Sygma, agence de presse ?
« Corbis existe en France sous deux entités juridiques distinctes, chacune servant un segment propre : Corbis France s’adresse à notre clientèle publicitaire, commerciale, corporate et Corbis Sygma à une clientèle média. »
Rappelons que Corbis a racheté en 1999, l’agence Sygma. Sygma l’enfant d’Hubert Henrotte et de Monique Kouznetzoff, né en 1973 d’une scission des actionnaires de l’agence Gamma. Gamma, Sipa, Sygma, les trois sœurs régnantes, dans les années 70-80, sur le marché mondial de la photographie d’actualité.
En dix ans, la photographie de reportage, d’illustration, de mode, de création est devenu un « contenu » fourni par des amateurs ou des professionnels. Peu importe. De toute façon, il y aura de moins en moins de personnes pour parler à ceux qui font ces images.
L’objectif pour ces sociétés mondiales est « haute qualité et à bas prix ». Ajoutons : pas de charges sociales et pas de risque juridique relatif au droit à l’image des personnes photographiées.
Jadis les agences photographiques constituaient des équipes de photographes, diffusaient et défendaient économiquement les auteurs ou les photojournalistes en essayant d’obtenir des clients les meilleurs prix.
Aujourd’hui ces « agences » cherchent à répondre à la demande des clients en diminuant constamment les prix.
En ce mois d’octobre 2009, ne ratez pas la promo Corbis: baisse de 20 % ! On ose imaginer ce que vont inventer Getty, Eyedea et les autres pour attirer le chaland.
Michel Puech
avec la collaboration de Charlotte Trillaud / Aleph-traduction.eu.Dernière révision le 23 janvier 2024 à 7:52 pm GMT+0100 par Michel Puech
- Marius Bar
Les chantiers navals de « La Mecque » - 20 décembre 2024 - PSnewZ
De la liquidation de Panoramic,
à la création d’une nouvelle agence photo - 13 décembre 2024 - Affaire Bernard Faucon
La fin de l’omerta dans le milieu de la photo ? - 6 décembre 2024