La vie d’Ema – Prix Caisse d’épargne Vendôme 2010 © Franck Boucher
« Emmanuelle est une femme coquette, joviale et pleine d’humour. Elle est parfaitement insérée dans la vie sociale tourangelle et pourtant elle vit depuis toujours sans les facilités que nous procurent nos mains et nos jambes. Elle souhaiterait encourager ses semblables à prendre la vie du bon côté. Un photographe va peut-être l’y aider. »
Les photos d’handicapés, ce n’est pas ce qui manque dans les expositions, les livres de photographie, mais curieusement dans les magazines, dans la presse, on n’en voit déjà beaucoup moins. – Un peu comme dans le métropolitain – Souvent, il s’agit de tirages N&B léchés, mais qui n’humidifient pas l’œil. C’est souvent froid. On cherche le photographe du regard. On s’interroge sur son angle de vue.
Ce n’est pas le cas, là. Franck Boucher a vécu de nombreux mois en compagnie d’Ema. Ca se voit tout de suite dans ses photographies. Je le ressens bien avant d’en parler avec lui. En ce qui concerne, le regard de l’autre sur le handicap, j’ai une expérience spécifique: un champ visuel inférieur à dix degrès. Une vision de compte-fil.
La vie d’Ema par Franck Boucher
Franck Boucher a un regard direct, simple. Il dit avoir 7 ans, être encore un enfant, à cause ou grâce, au « trauma »… Il est l’homme qui regarde le photographié à égalité, ici Emmanuelle. Ema. Une sacrée femme, courageuse, volontaire, exigeante, lucide et chaleureuse.
Plus tard, le soir venu, ils s’échappent des mondanités – ( Aoc Coteaux du Vendômois dans les jardins de l’ancien château (XIVe-XVe) de la ville) – ; Franck poussant le fauteuil roulant d’Ema dans les allées du jardin, vers la sortie… Je cours, aussi
vite que je le peux encore.
– « Franck Boucher ! Mon nom est Puech, je voudrai pouvoir vous contacter demain pour parler de votre travail…
– « Michel Puech de Fotolib ? »
– ???
– « Vous ne vous souvenez pas ? Je vous ai écrit il y a quelques mois… »
Effectivement, c’était le 14 janvier dernier : un message Facebook :
« Après un accident et une longue amnésie en 2003, j’ai dû me reconvertir professionnellement, je suis devenu photographe », écrit-il, « et pour un projet d’auteur, proposer, dans la rue, à des SDF de les photographier en studio. Je leur remettais ensuite gratuitement leur image dans un petit portfolio en forme de permis de conduire rebaptisé « permis d’exister »…
A cette époque pour ne pas signer de mon nom, j’ai imaginé FotoliB pour FB mes initiales. A cause aussi, de mon trauma, je faisais des fautes d’orthographe partout. Mes amis s’amusaient de me voir écrire photo avec un « F » donc Fotolib semblait évident ! FotoliB Studio est né de cette histoire. Hier j’ai découvert l’agence par hasard sur le Net, alors je vous ai cherché, mais je suis un peu ennuyé : Fotolib existe-il toujours sous une forme quelconque ? »
Etonnant courriel, l’agence de presse Fotolib – (première agence photo liée au quotidien Libération) – n’a plus aucune activité depuis 1978 ! Et je m’interrogeais alors sur la personnalité rare d’un homme qui a un tel honnête souci.
De nos jours…
Franck Boucher est un artiste. Un photographe, certes, mais aussi un plasticien. Pas journaliste, mais son regard est celui du curieux, de l’investigateur. C’est pourquoi, dans La vie d’Ema, il y a ces plans, qui tout en étant les siens, sont aussi le regard du sujet sur elle même. Il est au delà du constat, dans l’intervention scrupuleuse,
respectueuse, sans jugement. Ema aime les photos. Moi aussi.
Bien sur, comme me le faisait remarquer un de nos réputés coloristes: ces photos seraient plus fortes en N&B ! Je souris, car Franck Boucher m’a déjà confié toute l’attention qu’il avait mise dans la gamme des couleurs des tirages exposés… Il y a du doucereux, du banal dans l’utilisation de la couleur. Et c’est le choix de l’artiste.
Un peu plus de noisettes, Mr L’écureuil
Le prix « Caisse d’Epargne-Club de la Presse » a été créé pour encourager la réalisation d’œuvres photographiques consacrées aux thèmes de l’insertion et de la solidarité. Et pour cette première édition du concours, sept photographes professionnels de la région Centre ont soumis un projet à un jury composé de représentants des Promenades Photographiques, de l’association Centraider, du Club de la Presse du Val de Loire et de la Caisse d’Epargne Loire-Centre.
Tous les dossiers sont présentés anonymement.
Franck Boucher, photographe professionnel de Tours, a remporté le prix cette année, soit une bourse de 1500 euros qui lui a permis de travailler, un peu. Le projet de Franck Boucher consistait à finaliser un travail amorcé sur la vie quotidienne d’Ema Boukers. Il est prévu que l’exposition tourne dans plusieurs régions sous l’impulsion de la Caissed’épargne. Un festival de l’Ouest la réclame. Xavier Zimbardo a sélectionné ses story bord de vie pour le Festival de la photographie sociale en avril 2011 Franck Boucher est content, Ema aussi.
« Par les rues du vieux quartier, où l’on découvre de jolies maisons des XVè et XVIè siècles, on atteint la chapelle St Jacques, au choeur flamboyant et au clocher Renaissance ». Puis il faudra par un chemin escarpé atteindre les délices des jardins du chateau de la ville.
Poursuivons la promenade…
Michel Puech
25 août 2010
En savoir plus ?
- Site d’Ema avec toutes les photographies de Franck Boucher
- Site officiel de Franck Boucher, son précédent travail sur les SDF et le reste…
- Le programme des Promenades de Vendôme sur le site in Photographie.com (mieux qu’un pdf)
Dernière révision le 23 janvier 2024 à 7:46 pm GMT+0100 par Michel Puech
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