Du 20 janvier au 17 avril 2011, se tient à la Monnaie de Paris, quai Conti, une étrange exposition sous-titrée « Violences urbaines à Paris, photographies historiques, réelles et imaginaires ».
Ames sensibles s’abstenir ! L’exposition organisée avec le concours de l’hebdomadaire « Paris Match », la jeune « Galerie Particulière » et « La Galerie Photo 12 » de Valérie-Anne Giscard d’Estaing est placée sous la direction de l’historien Max Gallo qui n’y va pas par quatre chemins avec un texte introductif titré : « Paris est un champ de bataille »
Sous les lambris d’une bâtisse néoclassique du XVIIIème, l’exposition est en fait constituée de trois parties. La première, en ouverture, offre quelques dizaines de photographies de presse montrant des scènes particulièrement violentes de la rue parisienne.
Le choc des photos
Des barricades de la Libération de Paris aux attentats des années 80, en passant par les émeutes de banlieue, le visiteur a le fameux « choc des photos » qui a fait le succès de l’hebdomadaire Paris Match. Des manifestations de la guerre d’Algérie aux attentats de la rue Marbeuf, il y a beaucoup de sang, beaucoup de blessés, beaucoup de violence.
C’est hélas, on le sait – et les évènements en Tunisie sont là pour nous le dire chaque jour – le lot de l’histoire en train de s’écrire. « Paris brule encore, déjà » écrit l’académicien Max Gallo. Soit. J’avoue avoir eu une pensée pour tous les festivaliers de « Visa pour l’image » qui se plaignent chaque année de voir trop de sang, comme si les photojournalistes créaient l’évènement !
Personnellement ce n’est pas le sang sur les murs de l’hôtel de Conti qui m’a gêné, mais une certaine légèreté des légendes. On a envie de s’écrier « c’est un peu court jeune homme ! ». Contrairement à une consoeur du journal « L’arche » qui ergotait sur le fait de savoir si telle ville libanaise avait été totalement ou pas totalement détruite par un bombardement – Il n’est plus possible de parler d’Israël sans être envoyé au diable (cf Hessel/ENS) – j’eusse aimé un peu plus d’explications. Peut-être aurait il fallu s’inspirer du remarquable travail de « légendage » de David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson.
Toutes les photographies de l’exposition Paris Match sont signées « Archives Paris Match » avec tantôt le nom du photographe, tantôt rien du tout mais en tout cas jamais le nom de l’agence de presse qui employait les dits photographes. Peu confraternel, et un peu méprisant pour ces sociétés sans lesquelles les pages de l’hebdomadaire ne seraient pas toujours aussi bien garnies. C’est dit.
Dans une petite salle attenante quelques œuvres de l’artiste Michael Wolf. Je n’ose parler de photographie pour ce travail inspiré largement par de véritables photographies de Willy Ronis et de Robert Doisneau. Etonnant de la part d’un homme qui avant de devenir artiste – c’est à la mode en ce moment chez les photographes – a quand même été un photojournaliste. Depuis il connait une certaine notoriété et a fait quelques belles ventes en collectionnant des images étonnantes extraites de « Google street view »… J’avoue que sa série « Paris street view » m’avait amusé. Là, je suis resté de marbre.
Un pamphlet photographique
Enfin, au fond de l’exposition on débouche sur l’étonnant travail de Patrick Chauvel « Guerre ici » exposé pour la première fois au « Prix des correspondants de guerre de Bayeux-Calvados ». Là, c’est autre chose ! On n’est plus devant un tripatouillage de photos trouvées sur Internet, ni sur un trucage « photoshopien » mais devant un pamphlet photographique.
Patrick Chauvel, dont la réputation de « rapporteur de guerre » n’est plus à faire, – il « couvre » les conflits depuis quarante ans – a trouvé le moyen de ne pas étouffer son éternelle colère contre la violence, mais de la transformer en un esthétique essai.
Il met en scène un Paris en guerre totalement imaginaire sur la base de ses propres photos de guerre. « Un jour que je traversais les Champs Elysées, j’ai vu un couple courir pour éviter les voitures qui fonçaient sur lui, exactement comme j’ai vu des couples traverser des rues au Liban ou en Tchétchénie, l’attitude était semblable et ça m’a donné l’idée de mettre en garde, de choquer, car l’état de paix dans ce monde est anormal. La paix est un combat de tous les jours, et c’est ce que j’ai voulu rappeler.
Rien que pour ces images étonnantes de Patrick Chauvel, et pour les documents historiques que nous montre Paris Match, il faut aller à la Monnaie de Paris; Etrange exposition disais-je… Etrange lieu, également, de voir des photographes exposés là où l’on bat monnaie, tandis que le photojournalisme en manque tellement.
Michel Puech
Issy-les-Moulineaux le 19 janvier 2011
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Exposition à voir :
MONNAIE DE PARIS
11, quai de Conti
75006 PARIS
www.monnaiedeparis.frDernière révision le 3 mars 2024 à 7:21 pm GMT+0100 par Michel Puech
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