Mort de Jean Desaunois par Michel Puech publié dans La lettre de la photographie lundi 30 mai 2011
L’ancien patron de l’agence Imapress représentant Camera press à Paris, Jean Desaunois est décédé dans sa 77ème année le lundi 23 mai 2011 et sera inhumé à Capbis, une commune du sud-ouest de la France dont il était maire depuis 1973.
Les journalistes de Sud Ouest gardent de Jean Desaunois le souvenir d’un homme distingué et plein d’humour. Il les sollicitait avec une courtoisie très « vieille France » pour l’annonce des animations qu’il organisait, l’été, dans son village écrit le quotidien régional.
Bien qu’officiellement retraité depuis la cession en 2002 de son agence, Jean Desaunois avait conservé de nombreuses activités parisiennes. Il était l’influent président de la Fédération nationale des agences de presse photos et informations (FNAPI), issue d’une scission du Syndicat des Agences de Presse Photographiques (SAPHIR). Créé au mois d’avril 1989 la FNAPI regroupe aujourd’hui 24 des principales agences françaises, dont Sipa Press, Abaca, Starface…
Il fut également vice-président du CEPIC, une coordination européenne d’agences photos. Membre actif à la fois de la commission attribuant le label « Presse » aux éditeurs et agences, et membre suppléant de celle attribuant la carte de presse aux journalistes professionnels, il avait ses entrées dans tous les groupes et sociétés de presse, les assemblées d’élus et les ministères. C’était ce que l’on nomme en France : un homme d’influence.
C’était un homme qui aimait la photo, il m’a beaucoup aidé cette dernière année confie par téléphone du Népal, François Lochon le patron de la nouvelle société Gamma-Rapho. « Depuis neuf ans que je suis à Sipa Press il m’a transmis beaucoup de savoir-faire, son goût des négociations, son attachement viscéral à la profession » confie avec beaucoup d’émotion Béatrice Garrette, directrice générale de Sipa Press qui ajoute : « il était le porte-voix d’une profession petite par le nombre de sociétés, mais très complexe. »
« La profession lui doit beaucoup. Il lui a rendu de grands services » confirme Hubert Henrotte cofondateur des agences Gamma et Sygma. Monique Kouznetzoff de H&K espérait dîner prochainement avec lui : « c’était un homme droit avec beaucoup de bon sens. Un homme de bon conseil. Il était l une des rares personnes qui connaissait parfaitement le métier sous tous ses aspects. La première fois que je l’ai vu, c’est aux Reporters associés, quand il venait à Paris. A l’époque, il était correspondant de l’agence à Téhéran. »
« C’est le premier français que j’ai connu ! » s’exclame Goksin Sipahioglu, fondateur de l’agence qui porte son nom. « C’était en juillet 1958 à Bagdad quand le roi Fayçal II a été abattu et que les militaires ont proclamé la république d’Irak. J’étais le seul photographe sur place. Jean Desaunois m’a demandé le reportage en m’expliquant qu’il travaillait pour une agence qui diffusait dans le monde entier. Moi je n’étais là que pour mon journal turc… »
Pierre Menochet, qui fut longtemps son collaborateur et son ami, l’a rencontré lui aussi lors d’un reportage, mais en Iran en 1961, et « c’est moi qui l’ai accueilli aux Reporters Associés. Après avoir été correspondant pour le Moyen Orient, Jean Desaunois s’est installé à Paris. Il a pris une participation dans l’agence des Reporters Associés dont il est devenu rédacteur en chef vers 1964 ou1965. Je ne me souviens plus. »
C’est loin tout ça…
« Il est venu me chercher à l’agence APIS où je faisais les conférences de presse, les conseils des ministres… Le 1er septembre 1966, il m’embauche comme photographe et huit jours plus tard il m’envoyait au Vietnam ! Ce n’est pas formidable ? » Se souvient le photographe Henri Bureau (Gamma/Sygma). « C’était aussi un mec qui piquait des colères incroyables. »
« J’ai toujours eu de bons rapports avec lui » dit Jean Monteux qui était vendeur aux Reporters Associés puis qui le côtoya dans les instances syndicales comme directeur de Gamma. « Il était tout le temps speed. Il buvait dix cafés par jour, dormait quatre heures… C’est même étonnant qu’il ait vécu jusqu’à cet âge. » (Il est né le 11 aout 1934 à Tournai en Belgique).
Speed il l’était confirme Jean-François Pekala de l’agence Starface qui représente Polaris en France. « Je n’avais pas vingt ans quand je l’ai rencontré en 1986. Il m’a dit que je ne savais rien, qu’il n’avait pas d’argent pour m’embaucher, et toute façon besoin de personne. Je lui ai proposé de me signer un contrat de formation en alternance qui lui coûtait très peu. J’étudiais au Cfpj et je vendais aux « petits journaux ». Je suis resté jusqu’en 1990 avec lui. On s’engueulait beaucoup. Je lui reprochais de consacrer plus de temps au FNAPI qu’à son agence. Et puis le temps a passé, je le voyais toujours à la FNAPI puisque j’avais créé Starface qui en est membre. Nous n’étions pas amis, mais je le respectais, et je crois qu’il m’aimait bien. J’étais l’un de « ses petits ». Et c’est vrai qu’il m’a appris le métier, comme à beaucoup d’autres. »
Empereur de la presse pour le Shah d’Iran
Quand il a quitté les Reporters Associés, son ami Pierre Menochet l’a suivi à la direction de la fastueuse Maison de l’Iran installée naturellement sur les Champs-Elysées, en dessous de Paris Match.
J’étais tout jeune laborantin, se souvient Mete Zinoglu qui a débuté à 16 ans et demi à Sipa press. « Goksin me faisait faire du « corporate » comme on dit maintenant. Il m’envoyait à la Maison de l’Iran qui exposait, outre d’immenses portraits du Shah, des porcelaines, des céramiques et des objets de là- bas que je devais photographier. C’est Pierre Menochet qui me disait ce qu’il fallait faire, mais je voyais dans un immense bureau directorial, un Monsieur ! J’étais jeune, je n’imaginais même pas lui parler un jour… »
Toute sa vie, Jean Desaunois aura été proche, très proche, de la cour de l’empereur Mohammad Reza Pahlavi. Il est à Téhéran à la fin des années 50 à l’époque des fiançailles, puis du mariage du Shah d’Iran avec Farah Diba célébré le 21 décembre 1959. La Révolution blanche : un ensemble de réformes fortement souhaité par les USA et financé grâce à l’exploitation pétrolière, modernise l’Iran qui s’ouvre au monde.
A partir de sa rencontre avec Pierre Menochet, et pour les Reporters Associés, il « couvre » avec des photographes locaux tous les évènements de la monarchie notamment la naissance de leurs quatre enfants Reza (1960), Farahnaz (1963), Ali-Reza (1966), Leila (1970). N’oublions pas le fastueux couronnement du 26 octobre 1967 qui fait de Farah Diba, l’impératrice d’Iran, la shahbanou, ni les invraisemblables célébrations du 2500ème anniversaire de la monarchie.
Beaucoup d’exclusivités, beaucoup de photos, qui font les unes, et de nombreuses pages dans les plus grands magazines illustrés du monde. De 1971 à 1978, Jean Desaunois est aux commandes de la Maison de l’Iran, mais le 16 janvier 1979 le Shah, lui, est en exil.
Avec son agence Imapress, Jean Desaunois restera toujours fidèle à la famille Pahlavi. Il continuera à obtenir de nombreux reportages exclusifs et sera très proche des opposants en exil. Lorsque Reza Pahlavi proposera une monarchie constitutionnelle au gouvernement de la République islamique d’Iran, l’agence Imapress sera cambriolée et sur les murs une inscription en persan le menacera de mort. Il n’en sera pas ému pour autant : ce n’est pas grave dira-t-il a ses collaborateurs inquiets.
En août 2004, quand il est décoré, dans son village, de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur par le colonel Michel Maton, la shahbanou Farah Diba sera là « sans falbala », comme l’écrit Sud- Ouest.
Michel Puech
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