News: Perpignan, Visa pour l’image 2011 (en français) par Michel Puech in La lettre de la photographie du 2 juin 2011
Du 27 août au 11 septembre prochain, Perpignan accueillera le 23ème festival du photojournalisme, sa trentaine d’expositions, ses débats, ses conférences et les inoubliables projections au Campo Santo et place de la République, durant la semaine professionnelle (29/08 au 04/09).
200 000 personnes ont visité l’an passé les expositions disséminées dans différents lieux de la capitale de la Catalogne française. 3000 professionnels de l’image, dont 1200 photographes, ont fait le déplacement venant de toute l’Europe, des Amériques ou d’Asie. A Perpignan on vient voir le meilleur de l’actualité photographiée, et les accros de l’info ne seront pas en manque à la veille du dixième anniversaire du 11septembre…
2011: sang et espoir mêlés
« Oui, l’année a été chargée en actualité : Côte d’Ivoire, Tunisie, Égypte, Libye, Soudan, Syrie, Bahreïn, Irak, Afghanistan, sans oublier la catastrophe dramatique du Japon, le monde a tourné encore moins rond que d’habitude. » écrit Jean-François Leroy dans son traditionnel éditorial. « Certains nous disent que Perpignan, c’est un peu comme une réunion de famille… Cette année, la famille des photographes a été très durement touchée. »
Le « patron » de Visa prend la plume « au lendemain de la mort de Chris Hondros et de Tim Hetherington en Libye…/…D’abord, parler d’eux. Un peu. Dire qu’ils étaient parmi les meilleurs de leur génération…/…Avec leur disparition, nos yeux se ferment encore un peu plus. Bien sûr, nous leur rendrons hommage à Perpignan. Mais nous aurions tellement aimé pouvoir montrer leur travail, simplement, sans pleurer. Nous rendrons également hommage à Lucas Dolega, assassiné à Tunis. »
Jean-François Leroy espérait encore à ce moment là, comme Michiel Munneke, directeur du World Press Photo aux Awards Days début mai, que le sud-africain Anton Hammerl fut prisonnier des forces pro-Kadhafi. Hélas, depuis on sait que nous le verrons pas non plus à Perpignan.
Il y en a un que les festivaliers vont voir, et qu’entendront les heureux qui participeront aux cessions « Transmission pour l’image », c’est Joao Silva !
En octobre dernier, Joao Silva a perdu ses deux jambes en sautant sur une mine en Afghanistan. Mais ce courageux parmi les courageux « a déjà annoncé son retour à son éditeur en précisant qu’il ne voulait pas faire photographe du dimanche » commente Jean-François Leroy qui ajoute « C’est lui mon coup de cœur de cette 23ème édition. »
Joao Silva animera une des sessions de formation (workshop) dite « Transmission pour l’image » aux côtés de Jérôme Delay, Jon Jone, Mort Rosenblum, Chris Morris et Samuel Bollendorff.
Ballade à travers les expositions
Yuri Kozyrev (Noor) présentera sa couverture de la rébellion libyenne pour Time Magazine, Shaul Schwarz (Getty Images) nous plongera dans la « culture narcos » où les tombes mausolées rivalisent de richesse… Une véritable industrie de la mort.
Chien-Chi Chang (Magnum Photos) nous emmènera, avec un travail pour le National Geographic, dans une Birmanie, pays des ombres. Toujours pour le National Geographic, Jonas Bendiksen (Magnum Photos) avec « Contre vents et marées », nous livre de nouvelles images du Bangladesh.
Chez Magnum Photos, le photographe chinois Lu Nan fait un état des services de psychiatrie de son pays, tandis que Riccardo Venturi (Contrasto / Réa) revient sur la situation en Haïti et ses éternels sans-abri.
Valerio Bispuri a lui une passion pur les prisons d’Amérique du Sud qui ne sont pourtant pas séduisantes. Les prisons encore, mais en Afrique avec Fernando Moleres (Panos ).
Il y aura également des images de Brian Skerry (National Geographic), Alvaro Ybarra Zavala (Getty images), Jocelyn Bain Hogg (VII), Chien-Chi Chang (Magnum Photos), et tout n’est pas bouclé…
La revue Days Japan, toujours très présente à Perpignan, a été chargée par Jean-François Leroy de présenter une sélection d’images des catastrophes qui endeuillent le Japon.
Chaque année, le Prix Canon de la Femme Photojournaliste décerné par l’Association des Femmes Journalistes et soutenu par Le Figaro Magazine a son exposition. L’an passé c’était Martina Bacigalupo (Agence VU) qui était lauréate, on verra donc son travail.
Pour rire un peu… Ouf ! Peter Dench exposera son Angleterre version non censurée de dix ans de prise de vue. Un peu d’humour dans un monde de brutes.
C’est toujours l’heure des économies
Le temps du festival, Perpignan est vraiment la cité du photojournalisme mondial et nul doute que cette 23ème édition connaîtra un aussi grand succès, soulignant encore plus un grand paradoxe : de plus en plus de monde pour voir le travail des photojournalistes, et de moins en moins d’argent chez les éditeurs de presse pour les envoyer en reportage et acheter leur travail !
C’est vrai dans tous les pays, encore plus dans les occidentaux. En France, on ne peut qu’approuver les propos de Frédéric Mitterrand, le ministre de la culture et de la communication, quand il déclare dans le dernier numéro de Polka Magazine : « La presse reçoit des aides importantes de l’Etat, et j’appelle de mes vœux plus de transparence sur l’usage de ces aides et leurs investissements dans les contenus éditoriaux, notamment photographiques. »
Sans oublier toutefois que le gouvernement français a, comme le dénonce régulièrement l’Union des photographes professionnels (UPP), un penchant à soutenir les banques d’images qui pratiquent le dumping sur les prix des photos. Notons également que les organismes européens et français de surveillance de la concurrence des prix, s’intéressent peu aux accords – à la limite de la légalité – signés par des pools d’agences de presse avec le groupe Prisma presse, par exemple.
Tout le monde fait des économies, résultat, cette année, les bureaux de l’organisation, installés depuis 1990 à l’hôtel Pams rejoindront les stands des agences, des collectifs, des sponsors, au Palais des congrès. Economie encore, à ce jour, deux prix sont en manque de sponsors : celui d’Alexandra et Pierre Boulat en raison du forfait compréhensible de Canon Europe, et celui de la presse quotidienne pour lequel la SNCF rate le train de l’Histoire.
Reste que 147 000 euros seront remis à des photographes pour les Visa d’or dont celui de l’Humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge, l’ONG Care ayant déclaré forfait. Seront également décernés le Prix du jeune reporter de la ville de Perpignan, celui de France 24/RFI pour le meilleur web-documentaire, le prix de l’Association Nationale des Iconographes (ANI) et PixPalace, sans oublier les Getty images Grants for editorial Photography…
La presse étant ce qu’elle est, les Visa d’or et autres Awards comptent de plus en plus dans les budgets des photojournalistes. Une tendance à la fois sympathique mais quelque peu inquiétante pour la démocratie.
Michel Puech
Links
http://www.visapourlimage.com
http://www.puech.infoDernière révision le 3 mars 2024 à 7:16 pm GMT+0100 par Michel Puech
- William Klein & François Missen
Kinshasa 1974, le combat du siècle
in Polka Magazine n°66 - 8 novembre 2024 - Micheline Pelletier
Les Açores : « Toute la beauté du monde » - 25 octobre 2024 - Micheline Pelletier
La première femme au « staff » de Gamma - 25 octobre 2024