A Visa, plus d’argentique mais parlons argent ! par Michel Puech (texte) et Geneviève Delalot (photos) in Club Mediapart le mardi 30 aout 2011
La 23ème édition du festival international de photojournalisme « Visa pour l’image – Perpignan » s’est ouverte dimanche soir 28 août 2011 par le traditionnel pot de bienvenue à l’hôtel Pams. Vingt-huit expositions sont visibles jusqu’au 11 septembre (le 16 pour les scolaires). La première semaine dite professionnelle permet d’assister à d’extraordinaires projections sur un écran de 300m2 au Campo Santo retransmises sur la place de République du 1er au 3 septembre.
« Depuis que le festival existe, ce qui me frappe le plus, c’est la disparition des agences de photo magazine traditionnelles et celle des éditeurs, ceux qui sélectionnaient les images envoyées par les reporters » s’indigne Jean-François Leroy, le passionné directeur du festival. Propos confirmé par un homme comme Guillaume Clavières directeur de la photo de Paris Match, l’un des sponsors de la manifestation.
Le public, les lecteurs ne se rendent pas toujours compte de la transformation des métiers liés au photojournalisme. Du photojournalisme, ils ne connaissent souvent que l’annonce d’expositions prestigieuses qui concernent fréquemment des photographes morts : Cartier-Bresson, Capa, Doisneau, Ronis et autres, où ils doivent braver de longues files d’attente avant de voir ce qu’on appelle aujourd’hui des œuvres. Un mot qui faisait bien sourire ces hommes de leur vivant.
A Perpignan, les vingt-huit expositions sont d’un accès plus aisé que dans les grandes capitales régionales et en plus elles sont gratuites ! L’an passé, 225 000 catalans, espagnols et touristes de passage les ont parcourues, sans parler des professionnels venus du monde entier. Si j’en juge par le nombre des premiers visiteurs de ce dimanche, nul doute que cette nouvelle édition de Visa pour l’image aura le même succès.
« Le public nous suit » confirme Jean-François Leroy. Par contre la crise économique globale et la crise de la presse en particulier réduit le nombre de stands des agences de presse, des magazines et des fournisseurs de matériel. Ils ne boudent pas la manifestation, mais ils viennent en marge faire leurs affaires.
Si au Palais des congrès, dans l’étage réservé aux « pros » l’Agence France Presse est bien présente, Reuters boude depuis de nombreuses années. A côté des stands de Corbis et de Getty, de l’agence Vu ou de Polaris Images, on cherche en vain la prestigieuse agence Magnum qui a préféré louer un local « en ville » plutôt que d’apporter son obole à l’organisation du festival. Elle n’est pas la seule !
Ainsi, malgré le succès populaire des expositions, malgré la semaine scolaire durant laquelle des enseignants dévoués consacrent du temps à expliquer l’image à des milliers de collégiens, le Ministère de la Culture et de la Communication continue à mesurer chichement son aide à ce festival. Il préfère doter largement les Rencontres d’Arles, où à côté de l’exposition intéressante mais si mal éclairée de « La valise mexicaine de Robert Capa, de Gerda Taro et de David Seymour » j’ai pu voir en juillet le « Chicken museum » une « œuvre » constituée d’un poulailler (avec des poulets vivants) agrémentée de photographies d’horreurs guerrières et pornographiques ! Affaire de goût, mais on peut douter de l’ordre des priorités.
D’argent, il en est question dans le photojournalisme. Non que les photographes soient des gens intéressés, mais trop souvent ils en manquent cruellement pour bien faire leur travail. « On voit de plus en plus de photos correctes » confie Jean-François Leroy « mais de moins en moins de reportages exceptionnels ». Logique. Pour faire un bon reportage, il faut d’abord enquêter et cela demande du temps. Ensuite il faut aller sur place, et parfois plusieurs fois sans faire de photos, simplement pour faire connaissance avec les gens et le terrain. Ensuite il faut rester, séjourner pour comprendre la situation et donc pouvoir la raconter en images… Au total, l’adition peut être lourde pour un photojournaliste indépendant.
Pour l’actualité chaude, le « hot news » comme l’on dit, c’est pareil. S‘il y avait plusieurs centaines de photographes en Tunisie, au Caire et en Lybie, ils étaient nettement moins nombreux à se rendre au Japon. Le prix des billets d’avion a découragé les plus aventureux. Et pour tous ceux qui sont partis « couvrir » le printemps arabe, bien peu ont gagné simplement leur vie. Quatre d’entre eux, rentrant en avion, firent leurs comptes pendant le vol. Entre les ventes et les frais, ils avaient gagné sept euros à quatre!!!
Sept euros au péril de leur vie, car, depuis le début de l’année, cinq ont trouvé la mort en Lybie, un conflit des plus meurtriers. Pourtant, ici à Perpignan, des centaines de jeunes reporters se pressent, espérant faire « la » rencontre qui va leur permettre enfin d’atteindre le graal : une belle parution dans un magazine de prestige…
(A suivre)
Reportage texte Michel Puech
Reportage photo Geneviève DelalotDernière révision le 3 mars 2024 à 7:16 pm GMT+0100 par Michel Puech
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