Il y a cinq ans, lors d’une soirée de projections au Campo Santo, Jean-François Leroy rendait un hommage très ému à son ami Mark Grosset trop tôt disparu à l’âge de 49 ans, le 14 août 2006. La grande famille de Visa pour l’image était bouleversée. Mark en était une des figures les plus fidèles et des plus attachantes.
Il était aussi mon ami, lui que j’appelais souvent de son vrai double prénom d’état civil : Mark Spencer Grosset. Il en riait. Quand j’ai parlé à Jean-Jacques Naudet de mon projet d’écrire un hommage à Mark, il m’a répondu : « Il ne faut pas de souvenirs sérieux. Ils sont trop douloureux.». Il a raison, mais alors ? « Il me reste le souvenir d’un après- midi à Moscou à l’écouter parler de ses trouvailles photographiques suivie d’une épique nuit avec Jean-François Leroy dans un night-club moscovite » a-t-il ajouté.
Jean-François Leroy, qui était également son ami me dit : « Que veux-tu que je dise ? Tout ce que je pourrais raconter est inénarrable ! » Il faut dire que ces deux là, comme le prouvent quelques photographies, en ont fait de belles ensemble ! Claudine Grosset, son épouse, m’en a confié une que vous découvrez… La seule publiable !
« Il faut que tu t’habitues à avoir la gueule de bois. Il te faut bien trinquer à ma santé à chaque fois ! » m’écrivit Mark six semaines avant de disparaitre, alors qu’il m’assurait encore « qu’il viendrait à Visa deux ou trois jours seulement … ».
Mark s’amusait beaucoup de ceux qui rendent des hommages. « C’est comme les dédicaces sur les bouquins… » ajoutait- il en clignant de l’œil, le jour où il me tendit son « Khaldei, un photoreporter en Union soviétique ».
J’ai donc renoncé a beaucoup de témoignages, vous offrant quelques photographies confiées par sa famille. Je ne citerai que Goksin Sipahioglu : « Quand il était jeune et inexpérimenté, son père (ndlr : Raymond Grosset directeur de Rapho) me demanda si je n’avais pas une place chez nous pour son fils pour lui apprendre le métier de photojournaliste. J’ai engagé Mark comme documentaliste quand Sipa Press se trouvait encore au 14 rue Roquépine. Il était efficace et ses ambitions étaient les bonnes. Sa gentillesse à l’égard de chacun l’a fait aimer et respecter par tous ses collègues.»
Ensuite, Mark passa par Imapress avant que sa mère, Barbara Grosset, ne fit la même demande à mon associé Philippe Charliat au sein de La Compagnie des Reporters. C’est au cours de longues soirées enfumées et arrosées que nous devînmes amis.
Amis, puis concurrents quand il créa Black Star France avec une pléiade de photographes déjà stars du photojournalisme. Ensuite il rejoignit sa sœur Kathleen Grosset à la direction de l’agence Rapho que son père quittait.
Quand le groupe HFM (Hachette Filipacchi Médias) qui avait acheté – entre autres – les agences Rapho et Top, le remercia, il me confia : « C’est formidable ! C’est gens là te foutent à la porte avec un chèque et un gros cigare dans le bec ! J’aurais voulu que tu sois là pour voir ça ! » On ne peut pas être partout. Nous étions ensemble, par contre, quand, avec beaucoup d’émotion, il ferma « pour la dernière fois » la porte de l’agence, rue d’Alger. Ce fut un peu délicat, car nous étions dans un état que la morale m’interdit d’expliquer.
Déjà malade, il entama une course contre la montre pour publier, après sa biographie de Khaldeï, une rétrospective des œuvres et des crimes de Staline … Je pourrais citer cent témoignages sur les qualités professionnelles et la trop courte carrière de Mark Spencer Grosset mais je vais laisser le mot de la fin au représentant du leader du marché, Aidan Sullivan de Getty Images : « Notre industrie attire des gens extraordinaires, dévoués, intelligents, passionnés et immensément sympathiques. Mark a été tout cela et plus et il manque cruellement. »
J’ajouterai simplement surtout aux jeunes photographes pour lesquels il n’était pas avare de temps et de conseils.
Michel Puech
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