C’est à l’unanimité que le jury du festival du Scoop a attribué le Grand Prix Jean-Louis Calderon à Rémi Ochlik pour ses trois reportages en compétition : « La chute de Tripoli », « Egypte Tahir Square » et « La révolution du Jasmin ».
« Tout petit, je voulais devenir archéologue, pour les voyages, l’aventure… », Rémi Ochlik est né en 1983 dans l’est de la France, à Thionville, dans cette Lorraine de la sidérurgie dont les hauts fourneaux vont s’éteindre les uns après les autres. Depuis l’âge de 16 ans, il photographie avec l’Olympus OM1 que lui a confié son grand-père.
« Comme tout le monde, j’ai commencé par photographier mes copains, mes copines. Je faisais mon labo, développements et tirages… C’était encore l’époque de l’argentique. Mes parents voulaient absolument que je fasse une école. Je suis donc parti à Paris suivre les cours de l’école ICART PHOTO dont Mark Grosset, qui venait de quitter l’agence Rapho, est alors le directeur. »
« En septembre 2002, grâce à Mark Grosset, je me suis présenté à l’agence Wostok. Slavina, la fondatrice, était une femme étonnante. Elle nous faisait à manger, nous offrait de la vodka et éditait nos photos. Elle disait : ça c’est bon, ça poubelle. J’ai beaucoup appris. Je faisais des manifestations, encore des manifestations et puis en 2004 il y a la guerre civile en Haïti. Je me suis dit : ça c’est ma guerre ! »
A tout juste 20 ans
« Je débarque à Haïti et tout de suite quand je vois la situation, je me demande ce que je suis venu faire ici. Je me fais trimbaler en moto avec des mecs armés. Je sens que c’est dangereux, mais je suis là où j’ai toujours rêvé d’être, dans l’action.» Au retour, il présente ses images au magazine Choc qui lui donne 2000 euros. Mark Grosset envoie ses images pour le Prix jeune reporter François Chalais qui lui est décerné et Jean-François Leroy projette à Perpignan son reportage dans une soirée de Visa pour l’image.
« C’est l’euphorie. Je crois que tous les magazines vont m’appeler pour me passer des commandes… » Il rit. Rien ne se passe ou presque, mais il va repartir au Libéria, puis en Sierra Leone, plus tard au Congo (ex-Zaïre)… En 2005, l’agence Wostok a changé, Slavina s’est retirée. Il quitte Wostok pour fonder avec des amis photographes, IP3, une petite agence de presse qui lui permettra d’obtenir sa carte nationale d’identité de journaliste professionnel (n° 105 206). « IP3, en 2006, c’est un groupe de jeunes photographes qui fait plein de trucs sympas mais c’est déjà la crise et tout se vend mal ». Pourtant Rémi Ochlik continue à enchaîner les reportages en particulier pendant la campagne présidentielle de 2007, où il « couvre » François Bayrou, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy… « 2008, 2009… C’est vraiment la crise dans la presse. Je ne sais plus quoi faire à part des news françaises. Mais, en 2010, je décide de repartir en Haïti pour les élections et j’arrive au moment où une épidémie de choléra se déclenche. Cela me permettra de faire une « belle » publication dans VSD, et de rentrer dans mes frais. »
En janvier 2011, la Tunisie bouge. « Pas loin, pas cher » Rémi Ochlik décide de partir avec son copain, Lucas Dolega, qu’il a rencontré cinq ans auparavant au Nouvel Observateur. « Le 14 janvier, la manifestation commence cool jusqu’au moment où les flics se mettent à tirer des grenades à tir tendu. » Lucas Dolega s’effondre, mortellement touché. Rémi Ochlik, des mois après, comme tous ses jeunes confrères présents sur les lieux ce jour là, a du mal à parler de cet instant où l’un d’eux est tombé et où ils ont cessé d’être d’innocents jeunes gens pour devenir des professionnels adultes.
La génération Lucas Dolega
« Tout le monde était bouleversé… Moi, je me suis dit : avec Lucas, on est venu pour bosser ! Alors j’ai continué à travailler et j’ai commencé à envoyer des photos à Bureau 233 qui a une force de vente supérieure à notre petite agence IP3. »
Avec « La révolution de jasmin », Rémi Ochlik fait une belle parution dans Paris Match. De Tunisie, il essaie de passer en Libye dont l’Est vient de se rebeller. Impossible. Il arrivera finalement à Benghazi via l’Egypte, et passera un mois sur ce front très dangereux qui va tuer trois photographes expérimentés.
A la chute de Tripoli, quand l’envoyé spécial de Paris Match, Alvaro Canovas, est blessé le 25 août lors de l’assaut de la forteresse de Kadhafi, l’hebdomadaire français lui donne une garantie. Grâce à Guillaume Clavières et Marc Brincourt du service photo de Paris Match, il va continuer de « couvrir » la guerre civile et suivre la traque du dictateur pour finalement réussir à le photographier mort. Depuis, l’hebdomadaire français lui a également commandé et publié un reportage dans la banlieue de Paris sur « un village africain dans l’attente de logement » à la Courneuve, dans la banlieue parisienne.
Pour Guillaume Clavières , rédacteur en chef photo de Paris Match « Rémi est un des jeunes photographes les plus talentueux de sa génération, motivé, enthousiaste, curieux, brillant. Il est capable de passer d’un sujet difficile et grave d’actualité, à un autre moins dramatique avec la même qualité photographique. L’avenir lui appartient. » Quant à Jean-François Leroy qui avait eu un coup de cœur pour son travail, il se réjouit que le jeune homme soit à nouveau distingué.
Michel Puech
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