Il faut se dépêcher d’aller voir, avant le 23 février, l’exposition « Délit d’initié / Inside Job » de Marjolaine Caron et Louis Bachelot, passage de Retz à Paris.
Marjolaine Caron, l’une des deux filles du photographe Gilles Caron, et Louis Bachelot, son compagnon, ont travaillé dix ans pour le cinéma, la publicité, le théâtre et l’opéra. Mais ils sont également d’actifs créateurs pour la presse. De Nous Deux au Monde 2, du New Yorker à Détective, ils mettent en scène et en images des faits divers.
Un curieux « job » si l’on veut bien y réfléchir deux secondes, sans à priori, ni œillères. Il y a une dizaine d’années, alors qu’ils exécutaient plutôt des illustrations classiques, l’hebdomadaire Détective les appelle.
Ah oui, je sais, collaborer à Détective peut paraître une déchéance pour la fille du photojournaliste Gilles Caron ! Détective, souvent qualifié de journal de concierges, ce qui n’est vraiment pas aimable pour les concierges devenus aujourd’hui « gardiens d’immeuble », a décroché cette mauvaise réputation dans les années 70.
Mais Détective est né en 1928 et a une longue histoire. Il fut créé par un certain Ashelbé, professeur à l’Institut technique de criminologie ! En fait, ce professeur s’appelait en réalité Louis Labarthe et était le directeur de l’International Detective Compagny, une agence de détectives privés ! Le futur auteur de « Pépé le Moko » avait créé ce journal pour faire la publicité de son agence.
Joseph Kessel, qui avait de grosses dettes, suggéra aux frères Gallimard d’acheter le journal dont il devint le rédacteur en chef et Gaston Gallimard le directeur ! De l’ancien préfet de police Jean Chiappe à Pierre Lazareff, Kessel réunit une équipe exceptionnelle de journalistes : Hervé Mille, Charles Gombault, Louis Roubaud, Paul Bringuier, Herni Danjou, Albert Londres, Marc Orlan, Francis Carco et « G Sim » (Georges Simenon)…
Dès l’origine, la ligne éditoriale est claire: faire du vrai fait divers, être au plus proche de l’actualité criminelle. A ceux qui l’accusaient déjà de voyeurisme, Joseph Kessel réplique alors, cinglant: « Le crime existe, c’est une réalité, et, pour s’en défendre, l’information vaut mieux que le silence. »
Tout ceci pour dire, que du « pire » peut naître le « meilleur » et l’on ne peut que se féliciter qu’après soixante ans de règne le dessinateur vedette de Détective, Angelo Di Marco ait comme successeur le couple Caron-Bachelot !
A partir des enquêtes des journalistes de Détective, un drame dans un parking, une agression à la campagne, un meurtre déguisé en accident, Marjolaine Caron et Louis Bachelot commencent à phosphorer. Et pour faire des étincelles, et avoir de l’imagination, on peut compter sur eux et sur les ressources matérielles entreposées dans leur grande maison de Bourgogne : accessoires, vêtements, fusils et trousses de maquillage.
Ils « voient » le crime derrière les mots. Ils mettent en scène par petites touches, par prises de vue séparées qu’ils vont ensuite assembler à l’ordinateur, puis retoucher à la peinture, au feutre… Tout est bon pour arriver à créer une image qui va, si ce n’est montrer la réalité du fait divers, du moins le faire vivre dans l’œil du lecteur.
Cela donne des images à la fois oniriques, cyniques, poétiques, érotiques… Je ne sais, car je ne suis pas, loin s’en faut, un critique de photographie contemporaine. Ce que je sais, c’est que leurs images font naître en moi des émotions. Et cela me plait d’autant plus qu’elles sont pour la plupart produites pour la presse ou inspirées par elle.
A propos de la violence qui s’échappe de certaines de leurs œuvres, on ne peut que s’interroger sur le rôle éducatif joué par les photographies du Biafra, du Vietnam, du Cambodge de Gilles Caron dans l’imaginaire d’une petite fille dont le père a disparu quand elle avait sept ans… En visitant leur dernière exposition passage de Retz, il m’a semblé entrevoir le fantôme de Gilles Caron, et je ne suis pas le seul !
Au-delà de Détective, au-delà du New Yorker, du Monde ou de Libération, le travail de Marjolaine Caron et de Louis Bachelot est devenu, grâce à leur rencontre avec Sébastien Nahon, des œuvres exposées de Paris à Bruxelles, d’Hambourg à New York.
Si vous êtes parisiens, courez-y, si vous ne l’êtes pas, visiter leur site web.
Michel Puech
Exposition :
Jusqu’au 23 février 2012
« Délit d’Initiés / Inside Job », cinquante oeuvres inédites. Un catalogue est publié aux Editions de la Différence avec des textes de Michel Poivert et de Jérôme Sans.
9, rue Charlot 75003 Paris
http://www.PaSSageDeretz.com
Site officiel de Caron-Bachelot
Agent : Sébastien Nahon
www.SebaStiennahon.comDernière révision le 3 mars 2024 à 7:20 pm GMT+0100 par Michel Puech
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