Les lecteurs de « La lettre » connaissent Yan Morvan. C’est « L’œil de La Lettre », le photographe qui a, pour vous, constitué depuis le premier numéro de notre lettre, un véritable » who’s who » du monde de la photographie.
Il publie ce mois ci, en français, aux éditions de La Martinière « Reporter de guerres », un livre de souvenirs dont l’initiative revient à Aurélie Taupin. Elle a accouché Yan Morvan de ses « 40 ans sur le fil du rasoir », mention du bandeau que je considère comme le vrai titre de l’ouvrage.
Bien sûr, Yan Morvan fut correspondant de guerre. Il a même obtenu deux World Press Photo, dans la catégorie « Spot news », pour sa « couverture » de la guerre à Beyrouth. Sans oublier un Prix Robert Capa. Beyrouth, fut sa grande affaire. « Il est quand même le seul à avoir eu le culot de faire des portraits à la chambre sur la ligne de front » me dit un de ses confrères et concurrent.
Avec sincérité, Yan Morvan relate cette matinée du 23 octobre 1983 où deux attentats meurtriers frappèrent les forces américaines et françaises. Sa photo d’une main de soldat emprisonné sous les décombres de l’immeuble du Drakkar (le PC des soldats français) fera le tour du monde.
Les guerres étrangères, Yan Morvan en a eu son compte.
Mais si ce livre de souvenirs s’intitule reporter de guerres, au pluriel, c’est que Morvan s’intéresse à toutes les guerres, à tous les conflits, y compris ceux rangés dans la catégorie « société ». Depuis quarante ans, il « couvre » aussi la guerre des gangs, celles des marginaux de la banlieue parisienne. « A dix minutes des portes de Paris, il y a aussi des gangs qui défendent leur territoire. Celui où ils vendent la drogue. »
Sur les fronts de Yougoslavie, ceux du Rwanda ou de Grigny (charmante cité de la banlieue parisienne) Morvan va jusqu’au bout. Pour « Gang », un de ses livres avec Jean-Marc Barbieux, il va se plonger dans un monde d’où il ne ressortira pas indemne. Cela lui vaudra quelques belles dérouillées, des scoops et des interrogatoires de police, ou de milice… Il sait ce que c’est « d’être attendu en bas de chez soi », d’être sur la liste des prochains otages, des prochains morts…
Iconoclaste, esclave de sa curiosité, Yan Morvan s’est intéressé, avec la même avidité sur le monde du sexe. « Mondosex », son « petit catalogue raisonné des comportements sexuels à l’aube du XXIème siècle. » est aujourd’hui un « collector ».
Impossible de vous raconter toutes les aventures de Yan Morvan. Quand je lui fais part de l’abondance et de la qualité de sa production, il me rétorque qu’il en a « encore plein dans les tiroirs ! Je ne sais pas m’arrêter, et je ne prends pas toujours le temps d’exploiter ce que je fais ».
Sa vie est chaque jour un combat. Une lutte perpétuelle pour obtenir les meilleures informations dans le domaine du jour. C’est un remarquable journaliste. Mais sa vie est également une éternelle bataille avec lui-même pour aller plus loin dans son univers de créateur.
Car, Yan Morvan est un vrai photographe. Avec lui, il faut découper le terme de photojournaliste en deux. Il est journaliste ET photographe. Un de ceux qui ne reste pas cantonné dans un premier savoir- faire (argentique NB) mais se lance avant les modes, dans le portrait couleur éclairé, les prises de vues à la chambre etc. Quand Jean-Jacques Naudet lui demande des portraits pour « La lettre », il sort son objectif d’architecte !
Je l’ai connu il y a pratiquement quarante ans, débutant avec un seul boitier et un seul objectif. Jeune reporter chien fou. Je l’ai retrouvé à « La Lettre » photographe complet et accompli, cherchant sans cesse l’innovation, cherchant à mettre des techniques assimilées avec l’ardeur d’un jeune passant un concours, au service de sa vision du monde, d’une création contemporaine.
Morvan est un éternel insatisfait. Il ne sait pas se contenter d’un succès, il doit se remettre en danger à chaque reportage, et y trouve le malin plaisir des gosses qui découvrent le monde en se disant : « J’ suis cap’ « .
Les lecteurs francophones découvriront avec étonnement sa capacité de franchise. « Reporter de guerres » n’est pas le récit d’une mythique vie de correspondant de guerre toujours entre deux avions, mais l’inventaire des difficultés, des embrouilles, des succès et des échecs d’un homme farouchement indépendant et décidé à aller jusqu’au bout.
A lire absolument, particulièrement pour les jeunes photographes. A ces derniers, je recommande également ces trois indispensables manuels de photojournalisme.
Et en attendant, Yan Morvan nous offre le portfolio des photographies qui illustrent le récit « Reporter de guerres ».
Michel Puech
Reporter de guerres
Aurélie Taupin et Yan Morvan
Editions de la Martinière
Juin 2012
Links
http://www.yanmorvan.com
http://www.puech.infoDernière révision le 3 mars 2024 à 7:18 pm GMT+0100 par Michel Puech
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