Il n’y a pas plus française que cette petite ville de la vallée du Loir, où nos « bons » rois de France venaient jadis goûter aux plaisirs de la chair au bord du Loir. C’est dans ce lieu charmant qu’Odile Andrieu organisait la 8ème édition des « Promenades photographiques de Vendôme ».
50 000 euros le Pierrot
L’an dernier, pour la première vente aux enchères de ce festival, un tirage de Gustave Le Gray avait fait la une de la presse en partant au prix record de 917.000 euros. Cette année, les enchères sont restées beaucoup plus sages. Dans les agréables greniers de l’Abbaye de Vendôme, le catalogue présentait de très belles pièces, avec encore une belle part pour Gustave Le Gray. Si certains des paysages marins, estimés entre 15.000 et 80.000 euros, ne sont pas partis, les photos issues de sa série sur le camp militaire de Chalons (1857), l’un des premiers reportages photographiques au monde, ont trouvé preneur entre 3.000 et 5.000 euros.
La plus grosse enchère, « Pierrot Écoutant », des frères Nadar-Tournachon, estimé à 12 000 euros, s’est finalement envolée pour les États-Unis contre 50 000 euros, après une belle bagarre d’enchères entre plusieurs acheteurs cachés derrière leur téléphone ou leur écran d’ordinateur.
La fin de la vente a également été marquée par une dizaine de préemptions de la Bibliothèque nationale de France qui a récupéré, entre autres, les archives du photographe Maurice Tabard pour une future exposition. Toutefois quelques belles petites pièces ont fait le bonheur d’amateurs moins fortunés mais tout autant passionnés. Malheureusement, je n’ai pu acquérir une charmante pièce de photographies coquines car j’étais de service pour le Prix Mark Grosset.
Prix Mark Grosset
Ce prix, destiné à faire vivre la mémoire de Mark Grosset, fils de Barbara et Raymond Grosset de l’historique agence Rapho et frère de Kathleen Grosset, présidente de la Fédération française des agences de presse, est destiné à récompenser le travail des étudiants photographes en dernière année d’école. Créé en 2007, l’année suivant la disparition prématurée de Mark Grosset, il comporte deux catégories : « Reportage » et « Photo plasticienne »…
La raison est simple, les écoles de photo préparent, pour la plupart, à l’exercice de toutes les photographies, et Mark Grosset fut à la fin de sa vie le directeur de l’une d’entre elles : Icart Photo à Paris. Reste que les termes employés « Reportage » et « Photo plasticienne » sont un peu flous et susceptibles de malentendus. Dans les vingt-trois dossiers présentés, certains travaux étaient ambigus… Personnellement je préfèrerais des catégories plus franches telles que « Presse » et « Art ».
Le jury se réunit donc le vendredi dans les écuries où sont exposés les vingt-trois travaux. Las, au flou des catégories s’ajouta l’absence de quatre membres du jury ! Absence compréhensible pour des professionnels susceptibles d’être soumis à l’actualité, mais totalement scandaleuse quand il s’agit des deux étudiantes lauréates de l’an passé. Ajoutons ce curieux cumul des fonctions de Président du jury avec celle de Président de l’association des Promenades de Vendôme.
Comme si cela ne suffisait pas, notre Président, aurait préféré assister à la vente aux enchères qui avait lieu au même moment… Il expédia donc promptement les débats ! Disons le tout net, ce manque de sérieux n’est pas acceptable.
Les prix attribués aujourd’hui dans les festivals, promenades, rencontres et autres festivités photographiques prennent de plus en plus d’importance dans la carrière d’un jeune photographe. Il est indispensable que les organisateurs soient d’une extrême vigilance sur le bon déroulement des opérations : un jury est fait pour débattre !
Par ailleurs, le comité de sélection des dossiers doit également être plus vigilant. Comment peut-on accepter des dossiers dans lesquels les fichiers des photographies ne comportent aucune métadonnée. Qu’apprend-on aux étudiants dans ces écoles ?
Enfin la Promenade !
Heureusement, passé cet épisode, débutait la promenade d’inauguration des expositions à travers les magnifiques lieux qu’offre cette ville. Durant tout l’été, il y a plus de vingt expositions à contempler. Rue du Change, une exposition collective sur le thème des vacances, au musée « Les Héliotropes » de Laurent Villeret et les sténopés de Robert Charles Mann. Dans la cour du cloître de l’abbaye, l’atelier PEM expose des travaux remarquables avec des détenus.
Le principal des expositions se tient dans un ensemble constitué par le manège Rochambeau, du nom du général qui aida les américains à se libérer des anglais, et dans les écuries attenantes. Comme chaque année à Vendôme, une star de la photographie est exposée. Cette année on a revu avec grand plaisir « La main de l’homme » de Sebastiao Salgado et « Les couleurs des années noires » de la Farm Security Administration.
A côté, évidemment, les photos téléphonées du syrien Mulham Al Jundi ne tiennent pas le choc. Ce jeune syrien a fait un constat de l’état de sa ville natale après le passage des troupes et milices du pouvoir. Quelques images sont remarquables, mais il y en a 200 ! Autant dire qu’une sélection plus sévère aurait été la bienvenue, ainsi qu’un rappel des noms des reporters qui ont payé de leur vie la nécessité de témoigner.
Absent l’an passé, je n’avais pas vu le travail de Maïté Guerrero, Prix ANI 2011, sur les aveugles. Un travail sensible, et si je puis dire bien vu, ce qui est un joli compliment de la part de votre serviteur lui-même handicapé visuel. Cette année Aline Manoukian, la Présidente de l’Association nationale des iconographes (ANI) a remis le prix à Cyrus Cornut, un jeune photographe déjà remarqué par de nombreux professionnels.
Autre exposition intéressante : l’Albanie par un collectif de six photographes de différentes nationalités mais qui ont en commun d’être basés à Berlin. Gilles Roudière, Georg Knoll, Sebastian Laraia, Jan Michalko, Andreas Pein, Jan Zappner, réunis sous la bannière Miraprospekt ont fait, ensemble et séparément une dizaine de voyages en Albanie dont ils ont rapporté des regards très différents, complémentaires et parlant sur ce pays où le dictateur « avait peur qu’on lui vole ses montagnes ».
Enfin, en gravissant un raidillon, on arrive au parc du château qui domine la ville. Magnifique vue sur la ville. Le parc révèle un parcours sur les golfs de Frédéric Froger et une surprise, le travail sur la migration des gnous du couple de photographes animaliers Denis-Huot. Ces deux expositions ne pouvaient trouver meilleur cadre !
En redescendant « la montagne blanche » comme disent les vendômois, on se retrouve au marché couvert, où durant tout le week-end des éditeurs et des libraires avaient déballé des trésors. Livres rares côtoyaient de « bonnes affaires », tandis que Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef de la revue « 6 mois » répondait en souriant aux questions de ses lecteurs et des photographes soucieux de trouver un débouché à leurs reportages.
Cette 8ème édition des Promenades photographiques de Vendôme avait failli de ne pas avoir lieu en raison du désistement tardif du sponsor Nikon. Heureusement, d’autres marques ont répondu présent et, parfois augmenté leur participation à ce succès. Mais il est évident que pour durer, pour se professionnaliser encore plus, l’Association des Promenades aura besoin de soutiens financiers plus importants.
En final, c’est un appel aux mécènes privés et aux différents pouvoirs publics qu’il faut lancer : l’atout des Promenades de Vendôme, c’est la participation massive de la jeunesse. Il me semble que c’était un argument de la campagne présidentielle de François Hollande, pourtant la ministre de la Culture et de la Communication brillait par son absence, occupée à préparer son discours aux si richement dotées « Rencontres d’Arles ». On espère la voir l’an prochain à Vendôme où il y a tant à faire pour impliquer encore plus la population locale, comme le souhaite la nouvelle ministre.Dernière révision le 3 mars 2024 à 7:21 pm GMT+0100 par
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