Mercredi 27 juin 2012, deux commandos du 9e RIMa sont morts en Guyane, dans la région de Dorlin, lors d’une opération conjointe entre l’armée et la gendarmerie contre des chercheurs d’or clandestin. Rencontre avec le photojournaliste Christophe Gin.
« Sur cette photo, tu peux voir un campement d’orpailleurs. Il a l’air abandonné mais en fait, ils ont simplement enlevé les bâches, et couler les pirogues pour faire croire, vu d’hélicoptère, que le camp est abandonné. » Nous sommes mardi soir, et une bière en main, j’écoute le photographe Christophe Gin me raconter des bribes de ses dix ans de travail entre le Brésil et la Guyane.
« Depuis quelques années, les militaires et les gendarmes sont plus actifs, mais dans la forêt amazonienne il n’y a pas de GSM, pas de Wifi, mais tout déplacement des forces de l’ordre est connu bien avant qu’elles arrivent sur le site des chercheurs d’or. Tout se sait là-bas. »
« Quand ils arrivent en hélico, en général ils se font tirer dessus. »
Moi, naïf : tous le monde est armé ? Le regard de Christophe n’est ni agressif, ni moqueur. Il constate ma naïveté.
« Dans la forêt ne serait-ce que pour se défendre contre les bestioles qui y vivent, il vaut mieux avoir au minimum une machette et si possible une arme à feu. »
« Quand ils arrivent à pied, enfin en Berliet… à travers les pistes défoncées… Le Berliet c’est mieux que le tam-tam pour annoncer le débarquement. Les gars planquent le matériel et se dispersent. »
Moi, toujours naïf, mais ces camps d’orpailleurs ils sont légaux ou illégaux ? Même regard de constat.
« C’est selon… Les gars demandent un permis aux services des Mines pour une zone. Tout à coup, ils s’aperçoivent que le filon est plus facile à exploiter deux kilomètres plus loin… C’est légal ou illégal ? »
Moi toujours aussi naïf : mais il y a vraiment de l’or ?
« Bien sûr qu’il y en a. Le service français des Mines a même publié la carte, c’est la raison pour laquelle les Brésiliens et des individus d’autres nationalités se précipitent parfois dans la région. Le Brésil et l’Europe avec la Guyane n’ont pour frontière qu’un fleuve que les habitants des deux rives ont toujours traversé selon leurs besoins. La majorité de la population le long du fleuve n’a pas de papiers et ignore si elle est française ou brésilienne… Ca ne veut pas dire grand-chose à l’échelle de ce pays. »
Christophe Gin, une découverte de Christian Caujolle
Christophe et moi, nous avons parlé un bon moment. A ce moment là, les militaires n’étaient pas encore morts, ni blessés. Christophe Gin, me racontait sa vie de photographe. Photographe repéré par Christian Caujolle, il entre à l’agence Vu, puis quand ce célèbre éditeur s’éloigne de son agence, Christophe Gin et quelques autres photographes ne se sentent plus en harmonie. C’est le début d’un vrai travail de freelance.
Il part pour la Guyane au début des années 2000 avec quelques garanties. « Le premier qui fait confiance, c’est le « général » Mingam ! J’ai aussi été soutenu par Marc Simon, le rédacteur en chef photo de VSD… Par L’Express aussi… » Mais peu à peu la fameuse crise du photojournalisme, la crise de la presse, tarit sérieusement la source des commandes, des garanties et autres « assignments ».
Pourtant Christophe Gin continue à partager son temps depuis dix ans entre la Guyane et la métropole. « En métropole je fais des boulots de « corporate » – comprenez des prises de vue pour des entreprises – qui me permettent de retourner travailler six mois au Brésil ou en Guyane. »
Depuis plusieurs années il travaille sur le futur « axe routier Macapa-Cayenne »….
« Je commence à travailler dans la région en 2003, à l’occasion de la construction d’un premier pont qui permet le franchissement de l’Approuague et qui relie par la route Cayenne à la frontière Brésilienne. Finalement, samedi 28 mai 2011, vers 22h30, la jonction entre les deux rives du tablier du pont sur l’Oyapock se concrétise. Les travaux plusieurs fois retardés sont maintenant terminés. Aujourd’hui le pont est prêt, mais la route qui y mène est en mauvais état et retarde l’inauguration de l’ouvrage, prévue fin 2012 ou début 2013. »
« Mitterrand avait donné le feu vert à un pont sur le fleuve. Chirac voulait l’inaugurer, puis Sarkozy espérait l’emprunter avec Lula… Pour le moment il n’est toujours pas ouvert à la circulation. D’ailleurs de chaque côté du pont, ce sont des pistes en latérite impraticables par de gros camions. Côté guyanais, entre Saint-Georges, la ville sur la rive française du fleuve, et Cayenne, il y a d’innombrables rivières avec des ponts en bois, régulièrement emportés par les eaux… »
Jeudi 20 juin dernier, au bar des reporters le « 61 » avait lieu le lancement d’une nouvelle association INIMAGINABLE (Association loi 1901) qui pense que trop de reportages photographiques ne voient pas le jour, que les images ne « circulent » pas auprès d’un large public .
Sur le thème « Droits de l’Homme et Discrimination » INIMAGINABLE a pour vocation d’être le passeur de leurs témoignages, afin d’émouvoir , interroger et agir comme une « veille permanente ». Elle a donc décidé de soutenir le projet de Christophe Gin sur « Le pont des illusions ». Ce soutient se traduit essentiellement par un appel aux vôtres de soutiens !
Comme sa concurrente Emphas.is, Inimaginable s’est associé avec le système « Kisskissbank » qui permet de financer des projets de reportages.
Je vous engage vivement à soutenir le travail de Christophe Gin dont l’actualité montre qu’il a toute sa raison d’être.
Michel Puech
Site personnel de Christophe Gin: http://www.christophegin.org
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Dernière révision le 3 mars 2024 à 6:52 pm GMT+0100 par Michel Puech
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