Aris Messinis, de l’AFP, a reçu le 1er prix photo pour son sujet consacré à la bataille de Syrte qui s’est déroulée en octobre 2011 en Lybie. Ed Ou, de Reportage by Getty images, a décroché le prix du jeune reporter photo pour un sujet sur l’Egypte.
La 19ème édition des Rencontres du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre qui s’est tenue du 8 au 14 octobre en Normandie fut remarquable par la qualité des sujets en compétition. L’ensemble des membres du jury composé de journalistes de terrain et de desk représentant les différentes catégories de médias (Radio, Télévision, Photo, Presse écrite et Internet) et présidé par Gilles Peress de Magnum, a noté avec plaisir le saut qualitatif de cette édition. Une bonne tendance pour fêter l’an prochain les 20 ans de la manifestation (du 7 au 13 octobre 2013).
« Guitar hero » emporte la décision
En photo, près de 80 dossiers ont été examinés en présélection. Les dix finalement en compétition méritaient tous le prix et les discussions allaient bon train dans le jury pour départager les photographes. Le 2ème prix est allé à Dominic Nahr de Magnum Photos pour « Sudan Border Wars » et le 3ème prix à André Liohn de Prospekt photographers pour « Almost dawn in Libya ». Aris Massinis de l’AFP a triomphé notamment grâce à sa photo « Guitar hero », un combattant qui joue de la guitare pendant la prise de Syrte en Lybie.
Plusieurs membres du jury ont toutefois fait remarquer après les délibérations qu’il n’était pas le seul à l’avoir faite tandis que Gilles Peress évoquait également une photographie de Don Mac Cullin et que le pianiste de Grozny d’Alain Keller revenait à la mémoire de quelques uns.
Une surprise toutefois dans cette catégorie, l’absence de la Syrie !
Il y avait pourtant trois sujets en compétition dont celui de Robert King de Polaris images « 60 jours avec la rébellion syrienne publié en partie par Le Journal (Voir les images en cliquant ici). La Syrie semble avoir fait peur aux membres du jury. Ils craignaient que le palmarès global du Prix Bayeux-Calvados soit dominé par ce conflit. En réalité ce qui a dominé c’est plutôt la Libye avec notamment en télévision le remarquable mais controversé reportage de Mathieu Mabin de France 24 « La Brigade Tripoli ». Beaucoup se sont interrogés sur la réelle identité de ce Sam, un anglo-lybien, qui, à la tête d’une brigade, fonce sur la capitale de Kadhafi et qui se trouve actuellement en Syrie !
Evidemment en photographie, nombreux furent les festivaliers à regretter que le long travail à Alep de Laurent Van der Stockt pour Le Monde ne fut pas en compétition. Assurément il avait sa place sur le podium. Le travail de Mani pour le même quotidien réalisé au début du conflit syrien n’a pas convaincu, pénalisé par les évènements d’Alep qui ont suivi. On peut toutefois s’interroger sur cette absence de la Syrie au palmarès photo…
La nouvelle star de Getty images
Dans la catégorie « Jeune photographe » Ed Ou s’est imposé par l’originalité de son sujet sur la jeunesse égyptienne avec en particulier la photo d’un groupe de jeune gens rassemblés devant un ordinateur Apple de couleur rouge au centre de l’image… « C’est le computer du photographe ? » s’interrogeait un observateur attentif. Il y avait trois sujets sur l’Egypte dans cette catégorie face au reportage sur le Soudan de James Koegh publié en septembre par « Le Journal » (LIEN) et aucun sur la Syrie.
Laurent Van Der Stockt et Mani, tous deux envoyés spéciaux en Syrie pour Le Monde, furent néanmoins à l’honneur dans le débat du vendredi soir « Syrie zone interdite » qui réunit près d’un millier d’habitants de la région de Bayeux. La veille, le jeudi soir, le chapiteau était également plein pour un passionnant débat sur la « Somalie : l’air de la paix » où le photographe Matthias Bruggmann, tout juste revenu de ce pays difficile à « couvrir », tempéra l’optimisme du documentaire télé de Thomas Dandois.
Une ville mobilisée pour la liberté de la presse
Ce qui frappe à Bayeux, c’est l’implication des habitants de la ville et du département pour cette manifestation. La population ne craint pas de s’interroger sur des sujets aussi difficiles et compliqués que le Soudan, la Somalie ou la Syrie. Les jeunes en particuliers participent massivement aux débats et furent nombreux à visiter les inédites expositions de photos.
Sur les murs de la ville, était accrochée en grand format une exposition collective de Rodrigo Abd (AP), Mani (Le Monde), Alessio Romenzi (Corbis) intitulée « Syrie, un peuple sacrifié ». Karim Ben Khelifa, le photographe et fondateur du site Emphas.is, exposait à côté de la célèbre tapisserie de Bayeux ses « Portraits d’ennemis » tandis que Jérôme Sessini de Magnum montrait des images du Mexique « The Wrong Side ».
« Bosnia 1992-1995 » l’exposition collective qui accompagne le livre « Bosnia » présenté par Rémy Ourdan (Le Monde) donna lieu à un moment d’émotion puisque plusieurs photographes de la « génération Sarajevo » se trouvaient à Bayeux. Au salon du livre organisé comme chaque année le week-end, ce lourd ouvrage en anglais s’est vendu comme des petits pains à la stupéfaction du libraire local. Il sera prochainement présenté à Londres et à New York. A Paris, on peut se le procurer dans une seule libraire « Comme un roman » rue de Bretagne, dans le 3ème arrondissement.
Les Rencontres du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre sont pour les professionnels de la couverture de conflits un moment important dans l’année. Le fait que tous les genres de journalisme soient à l’honneur permet aux uns et aux autres de fructueux débats sur les différentes façons de rapporter l’information en temps de guerre. Au sein du jury furent longuement débattus les styles anglo-saxons et latin en particulier pour les reportages radio et télévision, mais également en presse écrite. Les journalistes doivent-ils se mettre en scène ? Non répondent-ils tous, même si les télévisions anglo-saxonnes ne s’en privent pas. La photographie donna lieu à des débats sur l’editing… Faut-il présenter les quinze images autorisées ou en présenter moins pour montrer qu’on a fait un choix serré ?
Les reporters présents à Bayeux se sont par contre tous retrouvés unis devant la stèle 2012 du mémorial des reporters tombés sur les champs de batailles. Cette année Gilles Jacquier, Rémi Ochlik et Marin Colvin étaient dans les cœurs de tous. Ils ont déjà été maintes fois honorés ces derniers mois parfois même avec une sensiblerie hors de propos. A Bayeux, on peut regretter qu’Envoyé spécial en ait fait un peu trop au détriment des nombreux journalistes non occidentaux tombés eux aussi au champ de l’info. Mais c’est la loi de l’époque : la télévision domine le monde de l’information !
Michel PuechDernière révision le 12 mars 2024 à 12:10 pm GMT+0100 par Michel Puech
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