A la suite de la défaillance de ses actionnaires allemands, l’agence de photo Sipa Press et l’ambitieux projet d’agence texte et photo baptisé Sipa News verront leur sort tranché par le Tribunal de commerce de Paris le 6 décembre prochain.
Article publié dans Le Journal de la Photographie du lundi 26 novembre 2012
Paris, jeudi 22 novembre 2012, il fait le temps idéal en cette fin de matinée pour se rendre sur les bords de la Seine, 1 quai de Corse, au Tribunal de commerce : il pleut !
Olivier Mégean se rend pour la première fois à ce qui s’appelait encore, il y a peu, « le bureau des faillites ». Il dépose les comptes de trois sociétés, dont celle de la célèbre agence de photo fondée par Göksin Sipahioglu, Sipa Press.
Il dépose également le bilan de deux autres entités résultant de l’incroyable imbroglio de sociétés créé par les deux actionnaires allemands qui ont « racheté » Sipa Press en juillet 2011 : Peter Löw et Martin Vorderwülbecke.
Ce jeudi 22 novembre, Olivier Mégean, président, gérant, directeur, responsable de toutes les sociétés créées par les « artistes » allemands va passer un autre mauvais moment : l’après-midi, vers 16h, boulevard Murat, à Paris, il annonce aux 127 salariés des diverses sociétés de l’éphémère groupe Sipa que leurs salaires du mois de novembre ne seront payés qu’à la mi-décembre et uniquement à hauteur de la moitié de la somme !
Le coup est rude pour tous. Pour ceux « de la photo » c’est une douche froide. Ils se croyaient à l’abri depuis la reprise par « les allemands » à la société Sud Communication, propriété du groupe pharmaceutique Pierre Fabre. Une reprise assortie d’un chèque de 2,5 millions d’euros qui a vraisemblablement facilité la constitution de cet « Absurdistan » selon le mot d’un journaliste de Sipa News.
Car le coup risque d’être fatal pour la bonne trentaine de journalistes engagés par la société Sipa News pour venir épauler la petite vingtaine de journalistes transfuges d’Associated Press France. Les journalistes, engagés en contrat à durée déterminée par Sipa News, sont pratiquement assurés d’être au chômage le 6 décembre. Cette société sera vraisemblablement liquidée par le Tribunal de commerce. Elle n’a aucun actif, aucun chiffre d’affaires, que des charges !
Restent « les transfuges d’AP-France » regroupés dans une société baptisée French Language Service (FLS Limited) basée à Londres, mais disposant d’une filiale immatriculée au registre du commerce le 10 octobre dernier !
Cette dernière a hérité d’une quinzaine – le chiffre exact est inconnu – de clients anciennement ceux d’AP France générant un chiffre d’affaires d’environ 500 000 euros/an et d’une vingtaine de personnes.
Son sort est incertain et ses journalistes particulièrement en état de choc. Ils ont écrit le vendredi 23 novembre à Pierre-Yves Glass, directeur général d’AP-France, une lettre recommandée dans laquelle ils lui demandent « d’assumer l’ensemble de vos responsabilités sociales » et exigent que « vous fassiez savoir de quelle façon vous comptez réparer le préjudice lié à la situation dans laquelle vous nous avez placés. » Pour faire bonne mesure, ils ont alerté les cabinets des Ministres Arnaud de Montebourg et de Michel Sapin, la Direction du travail (DIRECTT) etc. Reste que 500 000 euros de chiffre d’affaires ne permettent pas de faire face à la masse salariale. Le Tribunal jugera.
La partie française de l’Absurdistan
Le tribunal de commerce de Paris va devoir comprendre la situation financière des trois sociétés représentées à la barre par Olivier Mégean, mais il doit également comprendre les liens étranges tissés en quelques mois entre elles par la volonté des actionnaires de DAPD…
Tout en haut de la pyramide, il y a la société de droit allemand DAPD médias holding AG créée et possédée par Peter Löw et Martin Vorderwülbecke. Cette société a été renommée HQTA après le dépôt de bilan de 8 sur 26 de ses filiales le 2 octobre dernier à Berlin.
HQTA a une filiale toujours de droit allemand, DAPD News Wire Services AG dont Olivier Mégean est administrateur et représentant en France. Cette entité a deux filiales : Sipa Press et Sipa SAS. Pourquoi deux sociétés Sipa ? La réponse est peut-être tout simplement de permettre aux deux messieurs de Munich de sortir indemne du crash.
Sipa Press est l’historique société fondée par Goksin Sipahioglu, mais l’autre Sipa, à l’objet curieusement similaire, est une société par actions simplifiée au capital de 50 000 euros, créée le 20 mars 2012 et présidée par le serviable Olivier Mégean.
SIPA SAS a la main, à son tour, sur trois filiales dont une seule échapperait pour le moment à la catastrophe : Sipa Media SAS créée le 22 mars 2012 pour coiffer l’acquisition de la société Dioranews, seule société à faire des bénéfices dans cette histoire (200 000 euros en 2011).
Les deux autres filiales de Sipa SAS, Sipa News SAS et la filiale de French Language Service Limited en France, seront au tribunal le 6 décembre.
La déclaration de cessation de paiement effectuée jeudi dernier par Olivier Mégean peut avoir deux conséquences : soit une procédure de redressement, soit une liquidation. Dans un cas, un administrateur judiciaire est nommé comme ce fut le cas dans l’affaire Eyedea (Gamma-Rapho-Keystone) avec Maître Valliot. Dans l’autre, le tribunal désigne un administrateur liquidateur comme ce fut le cas dans l’affaire Corbis-Sygma avec Maître Gorrias.
Il parait vraisemblable que Sipa News SAS sera liquidée et que Sipa Press fera l’objet d’une procédure de redressement. Reste une incertitude : le sort de French Language Service (FLS).
Michel PuechDernière révision le 12 mars 2024 à 12:10 pm GMT+0100 par
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