A Paris, rue du Roi de Sicile, dans le Marais, la librairie italienne présente dans sa petite galerie une vingtaine de photographies d’un des plus fameux photojournaliste italien. Un occasion rare, à ne pas manquer avant le 15 décembre.
Je n’avais pas revu Mario Dondero depuis des dizaines d’années. La dernière fois, début des années 80, il m’avait encouragé dans la folle entreprise de « construire une agence idéale » comme il dit. Notre première rencontre ? Début des années 70. Mais ou ? Soit près des Halles de Paris ou se déroulaient de nocturnes manifestations que nous photographions au 15ème de seconde sur des Tri X « poussées » au développement jusqu’à 3200 ASA ! Ou bien était ce du coté de la rue du Bourg Tibourg, au bistrot La Tartine, près des rédactions de l’Idiot International et de J’accuse-La Cause du Peuple ?
Mario était alors une de ces incontournables figures tournant autour des intellectuels et artistes de l’époque. Photographe indépendant, il était connu par les blancs-becs comme pour ses grands reportages, ses portraits de personnalité ; et, pour son engagement au coté du Parti communiste italien (PCI).
On ne pensait pas alors à sa photographie la plus connue en France des écrivains du nouveau roman, battant le pavé devant les éditions de Minuit, mais à ses portraits de leaders communistes ou à ses voyages en Afrique pour Epoca, L’Hunita ou l’Humanité Dimanche.
Mario, comme nous l’appelions tous, était de vingt ans notre ainé ; mais il faisait partie de ces rares photographes expérimentés qui ne « snobait » pas la génération de jeunots issue du mouvement de mai 68. Nous l’interessions, et il ne dédaignait pas trinquer d’un « petit Sauvignon » avec nous. Nullement pontifiant, il nous encourageait dans la lutte de l’époque : faire respecter les droits des photographes… Un éternel combat.
En l’attendant devant un verre de Chablis, ce vendredi 16 novembre, au Café des Phares, place de la Bastille, je réalise que je ne sais presque rien de lui, omis ce qui est écrit sur le site que ses enfants et leurs amis ont construit pour lui.
« Né le 6 mai 1928 à Milan mais d’origine génoise, Mario Dondero est photojournaliste de profession et a longtemps travaillé dans la presse écrite. Encore tout jeune adolescent, il participe pendant la guerre à la Résistance dans le Nord de l’Italie. Après la guerre, il s’oriente vers un journalisme à caractère social en collaborant avec divers quotidiens de la presse italienne tels que «L’Unità», «L’Avanti», «Milano Sera», ou encore le magazine «Le Ore» qui lance le slogan «une photographie vaut 1000 mots». Il fait alors partie du groupe dit des «Jamaïcains» à Milan, du nom du Bar Giamaica, rendez-vous de nombreux artistes et intellectuels d’alors.
Il s’installe en 1955 à Paris où il continuera à collaborer aussi bien avec la presse italienne (notamment, «l’Espresso», «Epoca») que française («Le Monde», «Le Nouvel Observateur»). »
A 84 ans, Mario Dondero a toujours bon pied, bon œil et je le reconnais immédiatement quand il entre en dépit du port d’une casquette et d’un visage amaigri par un récent probleme de santé. Immediatement, il démarre… Car Mario Dondero n’est pas un simple photographe, c’est avant tout un journaliste et un conteur. Deux heures après et deux verres de Chablis plus tard, il repart, petit homme au bras de son affectueuse attentive fille.
La semaine suivante, il y a foule à la librairie italienne Tour de Babel pour le vernissage de cette petite exposition parisienne, et Mario, toujours séducteur, tire de nombreux rire de l’assemblée en commentant chaque image. Maria Callas ? « Personne ne pouvait la photographier, mais elle était amie avec une de mes anciennes professeur alors elle m’a invitée chez elle. » Pasolini ? « Il était désagréable avec les puissants ». Berlusconi ? « Je ne vais plus à la Mondadori tant qu’elle lui appartient. »
Mario Dondero parle, s’égare en mille savoureux détours dans le récit, toujours soucieux de transmettre son expérience. Il évoque sa jeunesse, ses débuts dans le journalisme après guerre « A l’agence Actual Photo nous avions un Rolleflex pour cinq et si peu à manger qu’un de mes amis est devenu tuberculeux… »
Pour ses 80 ans, nombre de ses amis journalistes, écrivains, photographes l’ont fété en Italie avec une grande exposition et un petit livre de souvenir. Aujourd’hui encore, il poursuit son activité en Italie (il habite à Fermo, dans la région des Marches) tout en voyageant régulièrement au gré de ses reportages, collaborant notamment avec le quotidien «La Repubblica» et «Il diario della settimana». De nombreuses expositions lui sont régulièrement consacrées, en Italie et à l’étranger, notamment à Bruxelles en 2009 et Londres en 2011. En 2002, il fait partie du Jury international du 24ème Festival de cinéma des Trois Continents de Nantes.
Mais à Paris ou il a passé une bonne partie de sa vie, il est aujourd’hui méconnu de la jeune génération. Dommage, il serait temps qu’une institution parisienne de la photographie rende hommage à l’un des photographes italiens les plus parisiens qui soit.
Michel Puech
Toutes nos informations concernant Mario Dondéro
Mario Dondero
Jusqu’au 15 décembre 2012
Librairie Italienne
10 Rue du Roi de Sicile
75004 Paris
France
Le portfolio de l’exposition
T : +33 (0)1 42 77 32 40
Dernière révision le 26 mars 2024 à 4:48 pm GMT+0100 par Michel Puech
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