Il arrive au rendez-vous, sur sa grosse moto, une veste de reporter sur le dos. Bon pied, bon œil, Alain Noguès fut un des premiers associés de l’agence Sygma. Dans la formidable équipe qui a contribué au succès de cette agence, il est l’un des plus âgés mais toujours très actif. On peut le croiser dans une manifestation, comme dans un meeting de campagne électorale. « Si je ne faisais plus de photos, je m’ennuierai et vieillirai » dit-il avec son léger sourire. Il nous confie ici quelques souvenirs de la création de Sygma.
« J’ai commencé en 1966 aux Reporters Associés avec comme directeur Vladimir Rychkoff dit Lova de Vaysse qui avait comme secrétaire une très belle femme, une brune aux yeux pétillants plein de vie : Monique Kouznetzoff ! »
« Jean Desaunois, qui était rédacteur en chef, m’a fait entrer dans l’équipe où il y avait notamment Henri Bureau. N’oublions pas que cette agence avait été très active pendant la guerre d’Algérie avec Hubert Le Campion »
« Mais je passe, la première année se passe à photographier des familles royales. C’était la spécialité de l’agence. Je me souviens d’être parti en 1967, en avion privé de nuit à Madrid pour photographier à la Linhof Technika 6×9, Henri de Laborde de Montpezat qui se fiançait avec la future reine du Danemark. On avait fait un « belin » et j’étais reparti pour Copenhague… Pour dire que l’agence des Reporters Associés assurait quand même bien les coups. »
« En 1972, je vais voir Hubert Henrotte car les Reporters Associés flanchaient… Je suis entré à Gamma juste avant James Andanson qui lui venait d’APIS. Pendant un an, j’ai fait ce que j’ai pu… J’étais encore débutant. Je connaissais Jean Monteux puisqu’il avait été vendeur aux Reporters Associés. Je ne connaissais pas Hugues Vassal, mais j’avais quand même fait pas mal de photos de vedettes, comme on disait à l’époque. Puis ont commencé les dissensions, mais elles me passaient un peu au dessus de la tête : je venais d’arriver. J’ai compris que ces débats avaient commencé avant même la disparition de Gilles Caron. »
« Fin avril 1973, le conflit est devenu dur. Il y a eu une grève de quinze jours ! »
« Du jour au lendemain une agence dynamique s’est arrêtée et le personnel a été amené à faire un choix entre les associés. J’ai opté pour Hubert Henrotte, car il connaissait mon travail. Pendant les quinze jours qu’a duré l’occupation des locaux, avec Josette Chardans responsable des archives, les photographes se sont occupés à photocopier les fiches cartonnées sur lesquelles étaient recensés les reportages. »
« Et là, j’ai eu un coup de chance, car Gamma avait racheté au Tribunal de commerce, pour 5000 francs, les archives des Reporters Associés ! Comme j’avais la liste précise de mes reportages, j’ai pu récupérer pendant l’occupation de Gamma mon travail de l’époque des Reporters Associés. Je n’ai donc pas eu de dispersion de mes archives, et je les ai toujours aujourd’hui : 50 ans de travail ! »
« Pendant ces quinze jours, on était très bien organisé. Il y a eu des discussions entre avocats. Toujours est-il, qu’un soir on a senti que ça touchait à sa fin. Il y a eu un convoi de voitures organisé pour récupérer notre matériel. On a chargé la voiture de Simonpiétri qui a refusé de partir. Il a fallu transporter les archives dans d’autres voitures. »
« James Andanson avait servi un peu d’intermédiaire avec le patron d’APIS, François Granier. L’accord qui a été conclu avec Gamma était le suivant : pendant un an les ventes de photographies des partants seraient versées au compte de Gamma… »
« Pendant la grève, se préparait déjà la création de Sygma. Hubert Henrotte a proposé à quelques photographes de devenir associés. C’est comme ça que j’ai acheté ma première part de Sygma. Je n’avais pas un caramel pour ça, mais j’ai emprunté. Je n’aurai jamais obtenu ça à Gamma ! »
« Nous sommes partis travailler chez Yves Robertet, un ami d’Henrotte, qui avait un laboratoire. C’est là que nous avons commencé Sygma. C’est Hubert Henrotte qui a trouvé le nom, car dans les négociations, il avait dû abandonner le nom de Gamma à ses anciens associés. On a tout de suite mis le turbo. »
« C’est bien simple, quinze jours après, j’était en train de photographier la sécheresse au Sahel. »
Propos recueillis par Michel Puech
Livre
100 photographies d’Alain Nogues
Editions Nogale
Dernière révision le 3 mars 2024 à 6:11 pm GMT+0100 par
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