Le tribunal de commerce de Paris sauve l’agence photo Sipa press, acculée à la cessation de paiement, le 22 novembre 2013, par la disparition de ses actionnaires allemands propriétaires de l’agence DAPD elle-même en déroute. Le tribunal a validé l’offre de reprise conduite par Miquel Ferro, Pdg de l’agence anglaise Rex Features (10 ME de CA en 2012) et par Paul Marnef de l’agence belge Isopix (1.5 MEde CA en 2012) épaulés par deux autres associés.
Article publié dans Le Journal de la Photographie et le Club Mediapart
Le tribunal n’a pas retenu l’offre de la société NJJ Capital, propriété de Xavier Niel, fondateur de Free et associé de la direction du quotidien Le Monde. Xavier Niel se proposait de reprendre uniquement les archives de l’agence pour les commercialiser via Internet.
Malheureusement pour lui, il avait associé son offre à celle de G Groupe X, un conglomérat de sociétés sans beaucoup de relation avec la presse hormis la possession de deux hebdomadaires locaux dans le sud-est de la France. Cette offre avait rencontré l’hostilité manifeste et massive des salariés qui arguaient qu’une agence de presse sans archives, cela n’existe pas. Il semble que le tribunal ait entendu le personnel.
La continuité dans le changement ?
Le projet de l’agence anglaise Rex Features (50% du capital) et de la belge Isopix (13,30% du capital), deux historiques partenaires de Sipa press s’appuie également sur deux autres investisseurs dont les relations sont fortes avec l’agence. Il s’agit de la société américaine CJI GROUP (30%) dont le président, Charles Jing, ancien photographe, est présenté comme «l’un des cent plus importants collectionneurs de tirages photographiques au monde » et Novisys (6,57%) une société de conseil et d’ingénierie en système d’information d’entreprise, fondée par Philippe Mackowiak qui travaille de longue date avec Sipa et à ce titre était créancier de la société en redressement judiciaire.
Leur projet, qui prévoit de relancer l’agence fondée en 1973 par le célèbre photographe turc Göksin Sipahioglu (1926 – 2011), annonce le licenciement d’une trentaine de salariés, sur soixante-et-un. Un comité d’entreprise est prévu le 2 avril prochain pour discuter des conditions de ces licenciements.
Même si nul n’ignore dans la profession que la construction de cette offre de reprise a été le fruit d’un travail acharné de Mete Zhinoglu, directeur général adjoint et salarié de l’agence depuis 40 ans, il est précisé que le dirigeant opérationnel de la SNS-Sipa Press sera Miguel Ferro.
Rex Features aux commandes
Miguel Ferro, 43 ans, d’origine espagnole, est de nationalité française. Marié à une italienne, il parle quatre langues. Il a repris l’agence Rex Features en 2006 dans une situation très difficile et l’a redressée financièrement pour en faire la deuxième sur le marché anglais. (Lire rectificatif en fin d’article).
Interrogé par téléphone, alors qu’il se trouvait dans le train Londres Paris pour venir fêter l’annonce inespérée il y a deux semaines, il déclare : « Bien sûr que je suis content. Mais la victoire est un peu amère car tout le monde ne va pas être de la nouvelle aventure. Nous devons nous séparer de plus de trente personnes. »
« Je ne vais pas pouvoir venir habiter à Paris tout de suite, car j’ai deux enfants scolarisés à Londres, mais le principal de mon temps va être consacré à Sipa. Depuis un an, j’ai rénové toute la direction de Rex Features et j’ai maintenant une équipe de direction dans laquelle je ne suis plus qu’un actionnaire actif. »
«L’un des gros défauts des agences photo est qu’elles n’étaient pas gérées comme des entreprises mais comme des sociétés paternalistes centrées autour d’un homme phare. Ce mode de gestion fait partie du passé. Notre métier a changé, nos méthodes doivent suivre. Aujourd’hui, à Rex Features, la vente photo par photo représente à peine 5% de notre chiffre d’affaires. »
« Aujourd’hui, une agence ce n’est plus simplement vendre des photos, mais vendre un service à des clients de différentes natures. A Sipa, il va falloir renforcer l’équipe commerciale, changer également les mentalités. Les photographes doivent être gérés sérieusement. A Londres, il y a deux personnes qui ont en charge le suivi du travail des photographes… Enfin, ce n’est pas le travail qui va nous manquer ! »
A la question de savoir sur qui il va s’appuyer, Miguel Ferro n’hésite pas : « Mete Zhinoglu sera mon homme de confiance. Il connait les clients, les photographes, les salariés. Mais comme je vous l’ai dit, il faut que nous bâtissions une équipe pour que, quoi qu’il arrive à l’un d’entre nous, l’agence continue. »
Boulevard Murat
Un déménagement de Sipa ? « Je négocie depuis des années avec les propriétaires de nos locaux » répond Mete Zihnoglu « Nous sommes déjà d’accord verbalement sur le fait que nous ne bougerons pas les archives photo du sous-sol sécurisé où elles se trouvent. Nous devons renégocier les bureaux, mais si nous ne trouvons pas de terrain d’entente, il ne sera pas difficile de s’installer à cent mètres des archives. »
Reste que dans le personnel repris par la SNS, ne figurent pas de photographes autres que ceux protégés par des mandats sociaux. « Pour les autres, nous avons trouvé un terrain d’entente. Nous allons rétribuer à 50/50 les ventes d’archives même pour les photographes qui étaient salariés. » affirme Mete Zihnoglu, sans que j’ai pu trouver un reporter informé.
Globalement, les photographes de Sipa sont plutôt désillusionnés. Il faut dire que depuis des années l’agence bat de l’aile et les derniers démêlés avec DAPD n’ont rien arrangé. Une vingtaine de procès aux Tribunaux des Prud’hommes sont en cours à la suite du dernier licenciement.
L’avenir de Sipa Press sera conditionné également par l’engagement pris devant le tribunal de « faire son affaire personnelle » des demandes de restitution des photographies et des supports matériels afférents, des risques éventuels en cas d’impossibilité matérielle ou juridique de cette restitution. » Peut-être de gros problèmes à l’horizon.
Même si dans la profession, on se félicite que l’agence créée par Göksin Sipahioglu ne mette pas la clé sous la porte, peu nombreux sont ceux qui jouent gagnant la nouvelle équipe. Affaire à suivre.
Michel Puech
RECTIFICATIF
Dans un courriel en date de du samedi 23 mars 2013 21:10 Mike Selby, directeur éditorial associé de Rex Features, et John Selby, ancien PDG et actionnaire de Rex Features Ltd nous écrivent pour corriger une information erronée. Je leur présente mes excuses et publie volontiers leur rectificatif:
Michel Puech a donc eu tort quand il affirme que » Miguel Ferro a repris l’agence Rex Features en 2006 dans une situation très difficile et l’a redressée financièrement pour en faire la deuxième sur le marché anglais. ». Miguel ne s’est impliqué dans la société en 2007 …/… En fait, comme cela est bien connu dans la profession, Rex Features a connu un succès continu sous le contrôle de la famille Selby, et n’a jamais été en difficulté financière, et elle est encore l’un des principaux organismes indépendants dans le monde.
Nous soutenons encore notre ancienne société et souhaitons la voir continuer à croître dans les années à venir. Nous sommes bien sûr très heureux que l’agence Sipa Press, avec lesquels l’entreprise et moi, personnellement, j’ai eu une relation très forte depuis le début des années 1970, ait été sauvée une fois pour toutes cette fois, nous espérons que (ce ne sera pas la première fois que Rex a intervenu pour aider Sipa), mais moi et mes collègues ex-directeurs/co-propriétaires de Rex Features croyons fermement qu’une telle inexactitudes historiques doivent être corrigées sans délai. » John Selby ancien PDG et actionnaire de Rex Features Ltd
LINKS
http://www.sipa.com
http://www.rexfeatures.com
http://www.isopix.be
http://www.novisys.comDernière révision le 26 mars 2024 à 4:54 pm GMT+0100 par Michel Puech
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