Il est le plus connu des quatre mousquetaires qui ont fondé Gamma en novembre 1966 et c’est lui qui a pris la direction de l’agence après la scission des fondateurs. Je souhaitais évidement son témoignage, mais le photographe qui a immortalisé le Président de la République française il y a un an, est difficile à joindre.
Publié le 13 mai 2013 in Le Journal de la Photographie
Quand enfin je l’ai au bout du fil, ça réponse est d’emblée réticente : « L’anniversaire de Sygma ? Je suis mal placé pour en parler… Moi je suis anti-Sygma ! » Quelques jours plus tard, il me rappelle et répond aimablement à mes questions. 40 ans après, malgré sa contribution écrite au livre de souvenirs d’Hubert Henrotte, qu’il dit ne pas avoir lu, on sent dans les propos et le ton que le conflit d’avril-mai 1973 est encore vivace dans son esprit. L’explication tiend à cet attachement presque viscéral au nom de Gamma, qui la conduit encore le mois dernier à apporter son soutien à François Lochon l’actuel directeur de l’agence.
Michel Puech
Une scission inévitable
« J’ai l’impression que cette scission était inévitable parce qu’il y avait deux conceptions de l’agence. »
« On est six ans après la fondation de Gamma. Gilles Caron a disparu depuis trois ans. Hubert Henrotte a engagé comme assistante Monique Kouznetzoff qui venait des Reporters Associés. Elle prend de plus en plus d’importance en s’occupant du showbiz. C’est alors que nous nous sommes aperçus que c’était le charme qui rapportait. Monique s’est lancée là dedans… Monique était disponible, charmante. Elle avait envie d’en découdre avec le showbiz et elle a commencé a développer ça très bien… Et puis, il y avait l’histoire d’amour entre Monique et Hubert… »
« A ce moment là, les fondateurs sont un peu affaiblis du fait de la disparition de Gilles Caron. Il n’y a plus que Vassal et moi… Il y a une espèce de flottement. Peut-être également qu’Hubert en avait un peu marre de petites réflexions que nous pouvions lui faire à propos de ses pleins pouvoirs ; et nous, nous en avions un peu marre de ses pleins pouvoirs ! »
« L’agence prenait de plus en plus d’importance. On était rue Auguste Vacquerie, près de l’Etoile, sur trois étages, déjà très à l’étroit dans ces locaux. Tout poussait…. Des nouveaux photographes arrivaient tous les jours… Ils entraient au staff avec le même statut que les fondateurs !»
« On a été débordé par un incroyable succès ! »
« Et toute la nouvelle équipe faisait plus confiance à Henrotte qu’à Vassal. Moi, j’étais souvent en voyage… Hubert devenait la figure incontournable et très puissante de l’agence. L’aspect coopératif disparaissait… Il n’y avait pas de transparence. On ne savait pas très bien ce que faisait Hubert. C’est cela qui a sans doute déclenché l’affaire… »
« Il y avait une tension entre Henrotte et Vassal. Moi, j’essayais d’être entre les deux. Pour Gilles Caron, je ne voulais pas qu’on perde Gamma. En fait, j’étais sûrement plus proche d’Henrotte que de Vassal, d’ailleurs je n’ai jamais revu Vassal. Hubert et moi, par contre, nous nous sommes retrouvés des dizaines d’années plus tard. Hubert a des défauts comme tout le monde : il est un peu psycho-rigide mais il est honnête. Vassal c’est un type de journaliste des années 50 qui fabrique des coups. Je n’étais pas proche de ce journalisme là. Positif : c’est lui qui a fait la trésorerie de l’agence au début avec des scoops plus ou moins montés qui se sont bien vendus… Mais au bout de six ans, Vassal venait à bout de son système de coups avec les vedettes de l’époque. »
« La crise a commencé au printemps. Ils ont occupé les locaux. Ils ont bloqué l’agence. J’imagine qu’Henrotte devait consulter des avocats. Bureau était très actif dans l’affaire. Il avait été en compétition avec Caron… Je pense qu’il a poussé les autres photographes. Ils avaient trouvé un picture-editor, un mentor… Ils voulaient Hubert ! En fait, c’est Floris de Bonneville qui faisait tourner la baraque. Floris était incroyable. Il était capable d’envoyer dix photographes en reportage le même jour. Mais les photographes étaient fasciné par Hubert… ; ça m’a toujours paru bizarre et pas sain d’avoir un super-papa. »
« Dans la crise j’étais le seul à pouvoir aller dans les deux camps. Je faisais la navette. Je me suis retrouvé dans une réunion où les avocats nous ont dit que nous étions propriétaires du nom de Gamma. Mais il y a quelqu’un qui m’appelait de l’autre bord… Je ne sais plus, peut-être Hubert… A un moment j’ai parlé avec le comptable pour savoir si il y avait des gens à sortir… Il a rapporté ça Hubert. C’est devenu un complot ! En fait, c’était Vassal qui foutait le bordel comme d’habitude. »
« Il y a eu des réunions à n’en plus finir. Les dissidents voulaient gagner du temps, sans doute pour trouver un local et créer une société. Un jour, il y a un photographe qui a cherché à m’humilier en me disant que je ne savais pas rédiger un chèque, mais mon bon sens paysan m’a permis de rester calme. J’essayais plutôt d’arranger les choses… Mais c’était impossible. Il aurait fallu revoir les statuts et faire entrer dans le capital les nouveaux photographes. »
« Certains photographes m’ont dit qu’ils me donnaient ce que je voulais pour prendre la direction, mais moi je ne voulais pas ; même si j’étais un peu tenté… Au bout du compte, il est resté un seul photographe au staff : Jean-Pierre Bonotte. Quelques pigistes.. des agents… et surtout Michel Cabellic, Floris de Bonneville et notre motard. »
« Je me suis retrouvé à constituer en une semaine un nouveau staff, et à diriger l’agence pendant un an. J’ai du faire venir des photographes comme Abbas, Salgado, Artaud, Marie Laure de Decker, Jean-Claude Francolon, Michel Laurent… »
« En fait, j’étais déjà un peu las du photojournalisme, je voulais tourner des films. »
Propos recueillis par Michel Puech
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