« Je travaille depuis 2009 sur les territoires en production aux alentours de Martigues. Après mon exposition du musée Ziem de l’été 2009 parlant de l’étang de Berre, j’ai décidé de poursuivre mon cheminement dans des espaces clairement réfractaires à la photographie. »
C’est au Brusc, le port des îles des Embiez dans la baie de Sanary, qu’Alain Sauvan me tient ce discours. Nous parlons vents et lumières puisque nous revenons du festival PhotoMed.
C’est là, que j’ai vu les images 3D faites par Alain Sauvan pour la scénographie de l’exposition de ses photographies sur bâche à Martigues ; et l’envie de vous les faire connaitre.
Michel Puech
Du 1er Juillet au 31 octobre 2013, 39 images couleur, sur bâche d’un format de 1 x 2 mètres pour la plus petite, à 4 x 6 mètres pour la plus grande, seront exposées au cœur de la ville. Cette exposition s’inscrit en amont et en aval de “La Nuit Industrielle “ du samedi 31 août, qui, de 18 h à 6 h du matin, se nourrira de ce patrimoine industriel en activité.
Article publié dans Le Journal de la Photographie du 28 juin 2013
« Rien ne peut être plus abstrait que ce que nous voyons réellement » Giorgio Morandi
Je pratique la photographie comme un procédé de création d’images en deux dimensions dont la frontalité cadrée s’oppose aux tentatives continuelles de la vision d’inclure le sujet dans « son » contexte. Mon univers est celui des choses telles qu’elles existent par elles-mêmes. Il s’agit de l’évocation du sujet au travers d’une vision. Le sujet n’a de sens, dans un premier temps, que dans les limites géographiques qu’il impose à ma dérive dans la quête d’éléments susceptibles de nourrir une photographie pure. Puis lorsqu’il apparaît comme objet de narration, alors l’acte poétique est arrivé à son terme dans cet entre-deux du regard qui se pose et du regard qui se lit. La narration peut alors se développer à partir d’un choix de lecture des images exprimant ma perception.
Le travail présenté a été commencé en 2009 et sera présenté dans le cadre de Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture. Il s’agit de photographies, réalisées à l’intérieur de sites en production, utilisant les forces de la plastique pure pour aboutir à une réalité abstraite.
Le propos en est de permettre, par une exposition en extérieur dans les villes de Martigues et Port-de-Bouc, la revendication de la réalité industrielle d’une partie de leur territoire.
Ce questionnement sur la notion de ré-appropriation commence avec les photographies de « Temps d’Etang » (exposition du Musée Ziem été 2009)
Les premières images se trouvaient dictées par un refus du regard manifesté par la présence récurrente d’obstacles en premier plan, occultant une lecture immédiate du paysage. Les suivantes se servaient du reflet pour amorcer un chemin menant à son acceptation.
Ne pouvant appréhender le paysage dans sa réalité présente, j’utilisais en fait ces dérivatifs pour commencer une ré-appropriation visuelle du territoire. Une fois cette partie de cache- cache terminée, apaisé, je pouvais voir en ce lieu un motif comme un autre et éviter deux écueils : la nostalgie et le paradoxe.
S’en suit une déambulation photographique qui m’amène aux portes de sites où il est « interdit d’entrer sans autorisation spéciale »
Toutefois on partage un univers, un quartier, un endroit. On partage évidemment aussi un territoire et même s’il y a des « contraintes d’exploitation » le partage est la règle. Mais la règle est aussi de ne pas laisser le regard se troubler par une réflexion trop anticipée. Il faut laisser un espace possible pour l’émotion.
Mon objet est de rendre appréhendable un site inaccessible, au travers d’une vision plastique, afin d’essayer d’empêcher une dichotomie visuelle paraissant aujourd’hui inéluctable.
Si deux parties d’un ensemble ne peuvent s’unir ensemble, le concours d’un troisième corps peut disposer les deux premiers à s’unir. C’est l’un des sens donné au terme appropriation par le dictionnaire de l’Académie française au XIXe siècle. Le terme de ré-appropriation, plus moderne lui et souvent lié à la dépossession, sert à désigner un processus de reconquête et dans ce cas l’esthétique peut se révéler être l’ombre portée du politique. Accepter le non-refus est la base d’une réflexion que ne peut nourrir la seule négation.
La ré-appropriation peut alors s’entendre comme un désir de cohérence, base indispensable à une possible (et nécessaire) recherche d’harmonie.
On peut se diriger alors vers une réelle revendication du paysage dans sa réalité actuelle et peut être amorcer un dialogue sur une cogestion du territoire, à présent réinventé.
Alain Sauvan
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