La Fédération française des agences de presse a écrit le 18 novembre 2013 une lettre ouverte au Président de la République
En tant que garant du pluralisme démocratique et de la liberté d’informer, nous vous interpellons aujourd’hui sur la question de la TVA, au nom des 250 agences de presse qui existent aujourd’hui en France.
Ni la ministre de la Culture et de la Communication, ni la plupart des parlementaires vers lesquels nous nous sommes tournés n’ont daigné répondre à nos démarches et nos courriers. Les membres de la Commission des Affaires culturelles du Sénat – tous contactés par écrit – le Bureau de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education à l’Assemblée nationale, ont montré un mépris total à l’égard des arguments que nous avons portés à leur connaissance.
Peu connues du grand public, les agences de presse sont la partie immergée de la chaîne de l’information. Sans doute est-ce la raison qui leur vaut d’être régulièrement oubliées des mesures d’aides visant à soutenir la presse.
Pourtant, elles assument une fonction vitale pour le pluralisme de la presse aussi bien écrite que radiodiffusée, télévisuelle ou numérique. Les agences de presse en effet, fournissent la très grande majorité des informations diffusées au public par ces différents supports. Sans elles, le pluralisme affiché par la presse ne serait que pure façade car ils seraient alors, alimentés par une seule et même source, érigée en une sorte de ‘Big Brother’ de l’information…
Pourtant depuis des années, les rapports, les commissions et autres Etats généraux mis en place pour défendre le pluralisme de la presse ne mentionnent jamais les agences de presse, et relaient moins encore leurs alarmes et leurs demandes.
Historiquement fixé à 5,5%, le taux de TVA est passé à 7% au 1er janvier 2012 et passera à 10% au 1er janvier 2014 si nul n’intervient, soit une hausse de 4,5 points en deux ans !
Fait notable, les agences de presse seraient alors les seuls médias assujettis au taux de 10%.
Or les agences de presse ont grandement besoin de ce taux réduit. Nombre de leurs clients en effet, ne récupèrent pas la TVA. C’est le cas des radios associatives, des collectivités locales et naturellement aussi des services de l’Etat. Toute augmentation du taux de TVA des agences de presse se traduira donc pour ces utilisateurs par un surcoût direct.
Notre économie étant tournée majoritairement vers des entreprises de presse qui récupèrent la TVA, une baisse de celle-ci n’aura que peu d’incidence sur les recettes de l’Etat. Rien à voir avec les conséquences financières que l’Etat supportera avec la baisse de la TVA sur les places de cinéma !
Depuis plusieurs années, les éditeurs de la presse et du livre imposent aux agences des baisses de rémunération, de l’ordre de 30% à 50% depuis 2008. Une augmentation du taux de TVA sera un nouveau prétexte pour réduire encore les prix. Cette situation n’est plus tenable.
Nul n’ignore que la presse est en crise. Chacun s’en inquiète – ou affecte de s’en préoccuper – au nom du pluralisme démocratique. Alors que dire de la crise – plus profonde encore – que subissent les agences de presse, qui sont les fournisseurs des médias et les garants d’une information éthique et affranchie de toute pression commerciale ?
Dois-je vous rappeler que l’Ordonnance qui a instauré le statut des agences de presse en 1945, leur impose de réaliser la majorité de leur chiffre d’affaires avec des médias ? Dois-je vous rappeler surtout, qu’elle leur interdit de percevoir quelque ressource que ce soit, issue de la publicité ?
Toute baisse du chiffre d’affaire de la presse impacte donc directement et de plein fouet les agences de presse, qui contrairement aux journaux, radios et télévisions, ne peuvent compter sur aucune autre source de financement que leurs ventes directes. Elles ne peuvent non plus compter sur les aides directes et indirectes accordées à la presse écrite. Celles-ci vous le savez, se sont élevées en 2012 à 1,2 milliard d’euros. A titre de comparaison, le chiffre d’affaires total des « agences de presse » s’est établi en 2012 à 752 millions d’euros. Un chiffre en recul de 17% par rapport à 2008. C’est dire si la crise qui touche notre secteur d’activité est profonde.
Voilà pourquoi le retour à une TVA à 5,5% est vital pour les agences de presse.
Sur cette question de la TVA, le gouvernement a montré qu’il pouvait être à l’écoute : les éditeurs de livres ont obtenu de revenir à 5,5% de TVA, les organisations professionnelles du cinéma ont également obtenu un taux de TVA à 5,5% pour les places de cinéma, et un fonds a même été instauré pour compenser la hausse de la TVA pour les centres équestres…
Pour des raisons économiques évidentes, ainsi qu’au nom de la simple équité envers les membres d’une même famille professionnelle, parce que l’information n’est pas un produit comme les autres, nous vous demandons avec insistance d’appuyer notre demande légitime de revenir à un taux de TVA de 5,5%.
Le futur des 6 000 salariés des agences de presse en France – 80% de journalistes -dépend de vous. Ils assument avec constance et rigueur un rôle essentiel dans le maintien du pluralisme de pensée dans le pays. Ignorés par leur tutelle, négligés par les parlementaires, ils portent leur espoir dans votre arbitrage.
Nous osons espérer que ce courrier ne restera pas sans réponse, ce qui serait un signe supplémentaire du mépris dans lequel les Institutions Françaises nous tiennent.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de nos sentiments très respectueux.
Kathleen Grosset, Présidente
18 novembre 2013
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Dernière révision le 26 mars 2024 à 5:04 pm GMT+0100 par Michel Puech