Il y a trois ans, le vendredi 15 janvier 2011, en fin d’après-midi, j’étais alerté par l’un des photographes français en reportage à Tunis, que Lucas Dolega, un jeune photographe de l’agence EPA avait été grièvement blessé par le tir tendu de l’une de ces grenades lacrymogènes, made in France, en dotation dans la police tunisienne.
Le 17 janvier 2011, Lucas Von Zabiensky-Mebrouk était mort, tué par un policier. Des témoignages rapportent que la grenade fut tirée à l’horizontale et que le groupe de photojournalistes était parfaitement identifié par les forces de l’ordre.
Une « révolution de jasmin » ?
Elle avait commencé par une immolation et devait se poursuivre dans de nombreuses violences. Pour une génération de jeunes photojournalistes, le printemps de Tunis devint un peu leur baptême du feu, et Lucas Dolega l’emblème de leur métier.
Hélas, quand ce premier « printemps arabe » eut fait des petits, particulièrement en Lybie et en Syrie, cette nouvelle génération de photoreporters fut confrontée à bien d’autres épreuves dont la plus dure pour les français, fut la mort de Rémi Ochlik à Homs en 2012.
Ceci pour dire que cette troisième édition du Prix Lucas Dolega, était empreinte d’une grande émotion. La remise du prix à l’Hôtel de Ville de Paris avait lieu le 17 janvier, jour du triste anniversaire, en présence de la compagne et des parents du photographe disparu.
Bertrand Delanoë, le maire de Paris, s’est fait excuser par un de ses adjoints qui contrairement au maire ne brille pas par ses connaissances en matière de journalisme. Là où les autres années, Bertrand Delanoë avait su trouver des mots chaleureux pour évoquer le tragique destin tunisien, son adjoint pataugea et écorcha même le nom de Lucas Dolega. Passons. L’important est le soutien de la Ville de Paris, de Reporters sans Frontières, de Nikon et de Polka au photojournalisme.
Comme devait fort bien l’exprimer, Béatrice Tupin, chef du service photo du Nouvel Observateur et présidente du jury, le choix fut difficile. En effet, cette année l’Association Lucas Dolega qui gère le prix a reçu plus de 160 dossiers en provenance d’une cinquantaine de pays ! Pierre Meunier, président de l’association, pouvait s’en féliciter. Le travail de l’association en direction de l’international a payé. Bravo.
Après Visa pour l’image, le Prix Lucas Dolega
In fine, après quelques débats, semble-t-il, animés, Majid Saeedi a emporté l’adhésion du jury avec un reportage en vingt photos résumant quatre ans de travail. Ce même travail avait déjà séduit Jean-François Leroy qui l’exposa à la Caserne Galliéni de Perpignan lors de la 25ème édition de Visa pour l’image.
Majid Saeedi s’est attelé à ce travail juste après la terrible épreuve qu’il a traversée dans son pays où il a été arrêté et torturé en 2009 lors des manifestations à Téhéran. Réfugié en Afghanistan avec l’aide de l’agence Aïna fondée par Reza (Voir correction bas de page) il entreprit de photographier ce pays en noir et blanc.
Lui, qui a « couvert » des conflits et des zones de turbulences a tourné son regard vers la vie quotidienne, nous offrant des images à la fois apaisées et inquiétantes d’un Afghanistan que l’actualité avait oublié et qui parfois rappelle le travail – en couleur -de Sabrina et Roland Michaud à une époque où les occidentaux pouvaient voyager dans cette région.
La photo de Majid Saeedi de cette petite fille mordant la main artificielle d’une autre fillette est, pour moi une icône de l’Afghanistan d’aujourd’hui. Mais il n’est pas besoin de vanter le talent de Majid Saeedi, ses photographies se suffisent à elles-mêmes et les rédactions du monde entier font appel à lui.
Majid Saeedi est déjà LE grand photographe iranien de sa génération, et si ses yeux font tourner la tête des dames, son regard n’a pas fini d’impressionner les pictures editors et les jurys !
Correction:
Majid Saeedi m’écrit le 30 janvier : Cher Michel, Un grand merci pour la publication de moi dans votre magazine précieux, Il ya un point que je dois mentionner: J’ai connu Reza et j’ai beaucoup de respect pour lui. Mais nous n’avons pas eu l’amitié et une relation de travail à ce moment. Je l’ai vu deux fois quand il est venu en Afghanistan après l’établissement de moi là-bas et je ne sais même pas l’adresse du bureau Ayna. Il serait souhaitable de corriger le contenu. Merci et meilleures salutations Majid
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Dernière révision le 21 août 2024 à 11:58 am GMT+0100 par la rédaction
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