Alors que le Centre Pompidou-Metz s’apprête à ouvrir au public l’exposition « PAPARAZZI ! Photographes, stars et artistes », Pascal Rostain, l’un d’entre eux, publie chez Grasset « Voyeur, mémoires indiscrets du roi des paparazzi»…
« Qu’est-ce que tu nous emmerdes à parler de ces conneries ! » s’exclamait, il y a peu, l’un de mes amis picture-editeur bien connu dans le métier. La raison de son courroux, un post comme on dit en français, sur ma page Facebook. L’anecdote est révélatrice : les paparazzi sont les mal aimés du photojournalisme !
Aie ! J’ai déjà perdu nombre de mes lecteurs photographes, en assimilant les paparazzi au photojournalisme. Et pourtant, soyons simple : ils font des photos qui sont publiées dans les journaux et les magazines !
Certes, traquer Britney Spears, Caroline de Monaco, où je ne sais quelle starlette, ne bouleversera jamais la planète, mais rendons nous à l’évidence, un news magazine ne vendra jamais 600 000 exemplaires avec les massacres de Bangui ou de Syrie, comme Closer l’a fait avec la « paparazzade » de Hollande-Gayet !
Coupable : le lecteur qui achète ou le photographe qui vend ?
Les paparazzi sont victimes de la même erreur qui pollue toute la profession de journaliste : le porteur de mauvaises nouvelles est responsable du mal ! Trop facile.
« Pierre Lazareff (ndlr : rédacteur en chef directeur de France Soir dans les années d’après guerre) disait que le métier de journaliste est plutôt simple, il a seulement trois règles. La première : vérifier. La deuxième : vérifier. La dernière : vérifier » écrit Pascal Rostain dans son bouquin. Il ajoute « c’est pour me conformer du mieux possible à cette ambition que j’ai choisi cette voie. Je préfère un journaliste moustachu (même trotskiste) qui révèle un scoop, qu’un confrère, commentateur à l’accent du sud- ouest, dont le boulot se résume à critiquer celui des autres. »
En plaçant en exergue de ses mémoires une phrase de John Le Carré « Quand on exerce un métier de voyou, il faut le pratiquer comme un sport de gentleman », Pascal Rostain dit « Pascalou » ne renonce pas à « balancer ». On comprend que lui et ses compères, au premier rang duquel son associé Bruno Mouron, ne soient pas en odeur de sainteté dans les cercles bien pensants de la corporation.
Pourtant, entre mille traques de petites culottes, de baisers volés et autres photographies à la sauvette des errances de stars et de politiques, Pierre Suu et Sébastien Valiela deux photographes de l’agence Private Pictures Galery fondée par Pascal Rostain et Bruno Mouron sont les journalistes par qui la France entière a appris la double vie – au frais du contribuable – de feu François Mitterrand.
En mai 1981, Pascal Rostain avait déjà réalisé une belle plaque en photographiant le même Mitterrand au Panthéon où il s’était introduit sans aucun laissez-passer. Les accréditations, ce n’est pas son truc au « Pascalou ».
« Où sont-ils les princes des paparazzi, les seigneurs, ceux qui tutoyaient les anges ? »
C’est sans sésame, qu’il a franchi les innombrables « control zone » du G8 de 2002 à Kananaskis (Canada). Coup de maître envié par tous photojournalistes. Il avait réussi, grâce à son amitié avec Jean Chrétien, Premier ministre canadien, à photographier « une bande de potes hilares » parmi lesquels George W. Bush, Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Motif de l’hilarité de ces messieurs Jun’ichirō Koizumi, « Le Premier ministre nippon avait demandé à la cantonade si ces messieurs dorment avec leurs épouses et s’ils ne trouvent pas pénible qu’elles bougent la nuit. »
On a compris que « Pascalou » ne lésine pas sur les détails croustillants glanés en reportage pour faire rire « saucisson », c’est ainsi qu’il nomme son lecteur. On peut même dire qu’il y va joyeusement puisqu’il révèle que François et « Valloche », petit nom donné à l’ex-Première dame ont « saccagé » son appartement…
Je ne vais pas vous ennuyer avec les passages relevés par toute la presse, mais plutôt vous citer celui-ci qui ne défraye pas la chronique mais que je trouve émouvant.
« Dans la cour tranquille, Orson Welles se place sous une statue de Minerve en bronze, près d’une fontaine en marbre. Prenant la pose pour l’éternité, il se tient droit, appuyé sur sa canne de bois sculpté, son havane à la bouche. Il choisit d’instinct la bonne place, le bon angle, il perçoit la lumière et la diffuse. Nous nous taisons. C’est lui qui ordonne, il nous indique l’objectif adéquat, nous donne même l’ouverture et la vitesse. Dirigés par Orson Welles, nous fermons notre grande gueule… » Et ça, il faut bien le dire, ce n’est pas fréquent.
Pascal Rostain a la « tchatche ». Il la ramène comme un gosse dans une cour de récréation. Cela pourrait être agaçant. Et ça l’est sûrement pour qui le côtoie trop souvent. Mais pour le lecteur, il n’est pas chiant. Son bouquin se lit comme un polar. On rit à ses aventures et de ses mauvaises blagues. Bref on ne s’ennuie pas. Il paraît qu’on ne s’ennuie jamais avec lui, c’est Carla qui vous le dit.
« Et pourtant, quand je l’ai connu lors de son service militaire, il était plutôt renfermé. » me confie un confrère qui a croisé sa route avant qu’il ne devienne photographe. Aujourd’hui, ou plutôt au printemps dernier quand je l’ai rencontré pour la première fois, je n’ai vu qu’un gosse turbulent qui attrapait le maire de Sanary-sur-Mer par le bras comme s’ils étaient de vieux potes.
Il était totalement épaté, le « Pascalou ». Le festival Photomed avait programmé une exposition de ses photos et de celles de Bruno Mouron, son comparse. En me filant un coup de coude il m’a dit : « Incroyable, c’est Jean-Luc Monterosso (ndlr : directeur de la Maison Européenne de la Photographie) qui a voulu l’exposition. Tu le crois saucisson ? »
Bien sûr que je le crois, puisque Clément Chéroux, conservateur au Centre Pompidou l’a convié avec son compère et quelques un de ses concurrents, à exposer des photos au Centre Pompidou-Metz !
Finalement, il a eu raison d’écrire : « Je suis surpris de constater que la sphère culturelle admette qu’un soldat républicain espagnol soit figé par une balle mortelle, qu’un baiser devant l’Hôtel de ville de Paris puisse être le fruit d’une mise en scène, qu’une vedette de cinéma soit au même niveau pictural qu’une boisson gazeuse, que la copulation pornographique d’un plasticien s’exhibe dans nos musées, qu’une vache et son veau sectionnés longitudinalement dans un caisson de formol soient le sommet de la transgression académique. Le scandale fait œuvre, et c’est là une conquête positive de l’art contemporain. »
D’ailleurs, le magazine branché du « quotidien de référence » consacre cette semaine un numéro aux paparazzi. Comme quoi « The time, they are changing » !
Michel Puech
Correction : 9/02/2014 – Une lectrice me signale: Lazareff n’était pas le rédacteur en chef de F.S. mais le directeur…. Même s’il supervisait quotidiennement toutes les pages du journal avant l’imprimerie !!. Merci
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Livre
« Voyeur, mémoires indiscrets du roi des paparazzi » de Pascal Rostain – Editions Grasset 2014
Exposition
« Paparazzi ! Photographes, stars et artistes » Conçue et produite par le Centre Pompidou-Metz à partir du 25 février 2014, l’exposition sera ensuite présentée à la Schirn Kunsthalle de Francfort du 27 juin au 12 octobre 2014.
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