Cette année à Perpignan, les vedettes du festival de photojournalisme Visa pour l’image sont quatre photographes vietnamiens. La vision des vainqueurs.
Ecouter l’entretien que Patrick Chauvel a accordé, durant le festival Visa pour l’image, à Michel Puech pour WGR (40′) en septembre 2014. Patrick Chauvel par de « Ceux du Nord », du métier et de la Fondation Patrick Chauvel.
« La guerre du Vietnam est une des seules guerres qui est racontée par les vaincus.» explique le reporter Patrick Chauvel en commentant l’exposition phare de cette 26e édition du festival Visa pour l’image.
De fait, les photos de cette guerre que l’on connaît sont celles – entre autres – de Philipp Griffith, de Don McCullin, de Gilles Caron, d’Henri Huet ou de Nick Ut.
Petit fils de l’ambassadeur Jean Chauvel, fils du grand reporter Jean-François Chauvel, neveu de Pierre Schoendoerffer, fils spirituel de Joseph Kessel, Patrick Chauvel est photographe, réalisateur de documentaires, écrivain, acteur et surtout un aventurier venu à Perpignan comme chaque année au volant de sa Ford Mustang.
« Comment peut-on survivre à ça ? »
Au début de près de cinquante ans de carrière, il a bien évidemment été «couvrir la guerre du Vietnam. A l’époque, un passage obligé dans ce « premier conflit où les journalistes ont pu travailler sans aucune restriction, ni censure. »
En tout cas, au côté des forces américaines, ajoute ce reporter qui dit préférer « le rouge Ferrari »à celui des communistes, « On a tous essayé de travailler au Nord, mais c’était impossible. Il fallait être membre du parti communiste. Il n’y a que Roger Pic et Jean-Claude Labbé qui ont réussi à le faire. »
Plusieurs décennies après ses reportages au Vietnam, Patrick Chauvel est invité à Hanoi pour une conférence au Centre culturel français. Là, lui revient en mémoire une question qu’il s’était posé en voyant « la colline d’en face » s’embraser sous un bombardement au napalm : « Comment peut-on survivre à ça ? »
« Cette putain de colline n’a jamais été prise » et « là-haut, un photographe vietnamien avait survécu. » Quarante ans plus tard, avec trois de ses confrères il assistait à la conférence de Patrick Chauvel !
La rencontre est très émouvante pour tous. Patrick Chauvel va chez les uns et chez les autres. Ils lui montrent des images : « J’ai été frappé par la qualité des prises de vue. »
De retour à Paris, il téléphone à Jean-François Leroy directeur de Visa pour l’image « J’ai du courrier pour toi ! ». « Jean-François aime la photographie et les histoires… Il a regardé les tirages que j’avais ramenés, a trouvé un peu d’argent et nous sommes repartis à Hanoi pour voir ce que l’on pouvait faire. »
Le résultat,72 photographies exposées au Couvent des Minimes et un livre « Ceux du Nord » qui vient de sortir aux éditions Les Arènes.
Certes, il y a des photographies de propagande, puisque ces photographes étaient aussi des soldats et qu’ils travaillaient pour les organes de l’armée, du parti ou des journaux nécessairement engagés, mais Jean-François Leroy et Patrick Chauvel repèrent vite que ces images font montre d’un grand talent.
On est en face de travaux qui font penser aux images d’un Khaldei, Shaikhet ou Redkine, photographes et soldats de l’Armée rouge pendant la seconde guerre mondiale. La parenté est évidente, celle du « réalisme socialiste ».
Mais, on découvre aussi de véritables instantanés, comme cette photographie d’un pilote américain dont l’avion a été abattu et qui vient d’être fait prisonnier…
Et puis, il y a aussi à travers ces images la confirmation – que l’on croyait souvent n’être que propagande – de la présence de tout le peuple au côté des combattants. Omniprésentes sont les femmes !
« Il était temps que l’on découvre les Vietcongs, ces guérilleros communistes du Sud-Vietnam qui frappent comme l’éclair puis disparaissent, ces soldats de l’AVN, l’Armée vietnamienne du Nord, qui marchent pendant des mois sur plus de mille kilomètres sous les bombardements américains de l’agent orange, du napalm et de bombes à billes, pour venir jusqu’au 17ème parallèle affronter l’armée la plus puissante de l’époque.
Doan Công Tinh, Chu Chi Thành, Maï Nam et Hua Kiem, les quatre photographes sont arrivés dimanche à Perpignan. C’est la première fois que leurs photographies sont exposées en Europe occidentale. Dans leur pays ils sont connus et respectés, mais « ils sont un peu inquiets en même temps qu’excités » dit Patrick Chauvel.
Lui l’est aussi. A double titre : celui d’accueillir ces hommes de « la colline d’en face » et celui de co-éditer le livre. « Ceux du Nord », le livre et l’exposition sont les premières productions de la future Fondation Patrick Chauvel.
« Une idée d’amis suisses, de véritables mécènes » qui permettent à Patrick Chauvel d’avoir un lieu pour rassembler toutes ses archives photographiques, cinématographiques… « Tout y compris mon casque troué par une balle et mes carnets de note ». Mais l’ambition ne s’arrête pas là, le reporter veut également rassembler des archives d’autres photographes de guerre dont celles de ces vietnamiens que nous découvrons aujourd’hui.
« La première victime de la guerre est la vérité, c’est en temps de paix qu’elle peut réapparaître portée par les survivants qui la protègent en racontant. Pour ne plus entendre : on ne savait pas ! »
Michel Puech
Ecouter l’entretien de Michel Puech avec Patrick Chauvel sur WGR (40′)
Exposition « Ceux du Nord » au Couvent des Minimes à Visa pour l’image jusqu’au 14 septembre. Entrée gratuite.
Le livre « Ceux du Nord » de Patrick Chauvel co-édition Les Arènes, Fondation Patrick Chauvel. 29,90 €
Lire également de Patrick Chauvel : « Rapporteur de guerre », « Sky », « Les pompes de Ricardo Jesus »
Ecouter l’interview in extenso de Patrick Chauvel par Michel Puech sur WGR
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