Les « coups de news » sont souvent l’occasion pour de jeunes photojournalistes de se faire connaitre. Sophie Garcia et Théo Renaut ont été en première ligne dans les évènements qui ont secoué récemment le Burkina Faso. Récit.
« Je m’appelle Théo Renaut. Je suis au Burkina Faso où je compte couvrir les élections et tout ce qui va se passer comme la manifestation de mardi prochain 28 octobre, où l’opposition a appelé à une journée de désobéissance civile… » m’écrit le jeudi 23 octobre 2014 un de mes « amis » Facebook. « Je suis un jeune photographe installé ici depuis fin 2013 donc si à tout hasard vous avez besoin d’images je suis joignable … »
Depuis, ce qu’il est convenu d’appeler, les « printemps arabes » et la « crise de la presse », voilà le style de message que peuvent recevoir, par mail, Twitter ou Facebook, des responsables photo de magazines. En l’occurrence, Théo Renaut se trompait un peu de cible. Hélas, pour ce blog, je n’achète pas de photographie. Celles qui le sont ici, me sont gracieusement offertes par leurs auteurs.
Mais Théo Renaut a attiré mon attention sur la situation à Ouagadougou… Or, la veille de la manifestation annoncée du mardi 28 octobre, les femmes descendent dans la rue et Théo Renaut envoie ses premières images à Associated press !
En fait, le même jour où il m’écrivait sur Facebook, Théo Renaut contactait également Laurent Rebours responsable photo d’AP à Paris. Laurent Rebours renvoyait le jeune homme sur Jérôme Delay « patron » de la photo pour l’Afrique chez AP. Le classique amical cheminement de l’info, si je puis dire, mais qui a bien fonctionné pour ce jeune photographe.
Grâce à la puissance de diffusion d’Associated press, distribué en France par Sipa press, le photographe va faire une série de belles parutions avant que l’AFP n’entre dans la danse. La concurrence est rude. Il a en face de lui Issouf Sanogo, un vétéran de l’AFP basé à Abidjan. Il y a aussi Joe Penney de Reuters, un photographe de l’agence Bureau 233 « qui est là pour un tout autre sujet » et Sophie Garcia, une jeune photographe installée depuis 2011 à Ouagadougou.
« J’ai mis l’accent sur le mouvement de la société civile le Balai Citoyen »
« Il n’y avait pas grand monde au début des évènements » confie Marie Lelièvre adjointe du directeur de la photo du quotidien Le Monde. « Je connaissais Sophie Garcia. Elle était venue nous voir il y a deux ans. Nous l’avons donc prise en commande et nous avons fait un portfolio sur le site du journal. »
« Je poursuis ici un travail documentaire sur les jeunes (« la Verve et l’Espoir ») et sur toute la contestation qui s’organise » raconte Sophie Garcia. « J’ai mis l’accent sur le mouvement de la société civile le Balai Citoyen, créé en 2013 par deux musiciens très appréciés des jeunes du Burkina Faso, et sur l’importance des médias privés dans ce pays. J’ai aussi un travail documentaire en cours sur l’attachement profond des burkinabés à Thomas Sankara, qui se présentera sous forme de portraits de trois générations, accompagné d’une série sur les traces laissées par le fameux capitaine dans l’espace public. »
Comme tous les photographes indépendants, Sophie Garcia a du mal à diffuser son travail. « Je fais tout toute seule comme la majorité des freelances et la connexion capricieuse au Net complique les choses en ce moment, mais je m’accroche et viens d’intégrer le studio Hans Lucas. »
« … mine de rien ici on en a bavé ! »
Après les journées de la fin octobre où la rue fait « tomber » le président du Burkina Faso, je félicite Théo Renaut pour sa « couverture » de l’évènement. Il répond « Merci, je suis assez content car mine de rien ici on en a bavé ! Surtout hier où pour la première fois de ma vie j’ai entendu des balles siffler et j’ai photographié un paquet de morts dont des trucs pas terribles à voir ; mais aujourd’hui parfait Associated Press m’a remercié pour mon travail et je continue… »
Il ajoute gentleman « mais Issouf Sanogo de l’AFP (un mec génialissime) a été le meilleur de tous ici ! » Il faut le noter, « sur le terrain », malgré une concurrence acharnée, les reporters s’entraident, se soutiennent. Les anciens conseillent les jeunes et les jeunes poussent les anciens à se surpasser. Le public croit trop souvent que les reporters sont des chiens qui se battent entre eux et prennent des risques pour l’argent. La réalité est très loin de ce cliché erroné.
Sophie Garcia est installée depuis plusieurs années au Burkina Faso et Théo Renaut n’est pas plus qu’elle une tête brulée. Fils d’un cameraman décédé en tournage, il baigne depuis l’enfance dans l’image. « Ma passion a vraiment commencé quand pour Noël, à dix ans, on m’a offert un petit appareil photo. J’ai commencé comme ça à photographier et depuis je continue. »
« Il y a environ quatre ans je suis venu au Burkina Faso, engagé par Claude Pfaffman qui réalisait un documentaire. Un jour nous sommes partis en brousse et nous avons découvert des mines d’or à ciel ouvert. Ca m’a énormément marqué de voir ces trous avec des hommes, des femmes, des enfants qui creusaient au soleil toute la journée. Je me suis promis de revenir et c’est pour cela que je me suis trouvé au Burkina au moment de ces évènements.
Sophie Garcia et Théo Renaut sont toujours en Afrique. Ils ont repris le travail sur leurs sujets de reportage de fond respectifs, mais travaillent également sur des commandes de journaux et magazines français. Histoire ordinaire et révélatrice du travail des jeunes photojournalistes d’aujourd’hui.
Michel Puech
Liens
- Sophie Garcia chez Hans Lucas : http://hanslucas.com/sgarcia/photo/2590
- Théo Renaut chez Associated Press :
- http://www.lemonde.fr/afrique/portfolio/2014/10/30/burkina-faso-scenes-de-chaos-a-ouagadougou_4515316_3212.html
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