L’ignoble attaque de la rédaction de Charlie Hebdo, l’exécution des têtes les plus connues et historiques de l’hebdomadaire satirique suscite une énorme émotion mondiale. Heureusement !
Hier mercredi 7 janvier 2015, comme un certain nombre d’entre vous, je n’avais pas encore repris mes activités professionnelles. Je bricolais dans ma salle de bain en écoutant d’une oreille distraite France Info.
Vers 11h30, un premier flash « fusillade boulevard Richard Lenoir »… J’ai continué à m’activer avec ma perceuse et mes tournevis.
Et puis, l’information s’est précisée, et au fur et à mesure des minutes, puis des heures, l’horreur a envahi mon douillet quotidien jusqu’à la nausée.
Charlie Hebdo, pour ma génération, celle dite des soixante-huitards, c’est un titre phare. Charlie Hebdo est né le 23 novembre 1970 de la censure de Hara-Kiri Hebdo sanctionné pour sa couverture « Bal tragique à Colombey ». Charlie Hebdo fut alors notre drapeau. Il l’est une fois de plus !
Dans l’horrible liste des assassinés du 7 janvier 2015, les noms de Cabu et de Wolinski résonnent dans mon cœur comme des membres de ma famille. Ils ont accompagné toute ma vie et en particulier les heures de ma jeunesse, celles qui marquent profondément les hommes.
Nous fûmes lecteurs de Pilote, puis d’Hara-Kiri Mensuel et Hebdo, puis de Charlie Mensuel et enfin de Charlie Hebdo.
Pour ceux qui avaient 20 ans en mai 68, les auteurs de BD furent immédiatement des héros familiers.
Wolinski pour son humour joyeux de pessimiste, pour son érotisme aussi. Sur Facebook court une citation magnifique : « J’ai demandé à ma femme de balancer mes cendres aux chiottes, après ma mort, comme ça je verrai son cul tous les jours.
Cabu ? Je l’aimais plus que les autres pour la qualité de son journalisme dessiné. Avec son crayon, il nous a raconté tant de procès, d’évènements divers toujours croqués avec talent mais surtout avec une précision journalistique.
Le 14 janvier 1971, une association d’élèves d’écoles de commerce organisait un débat « L’humour est-il de gauche ? » avec Robert Escarpit et Cavanna.
Un débat confus dans le style de l’époque. J’avais ramené ma grande gueule en criant à Cavanna : « Hara-Kiri c’est le mauvais goût ! Te défends pas sur le terrain du bon goût ! ». Dans le numéro 10 du 25 janvier 1971, Cabu avait rendu compte sur une pleine page de ce débat, et m’avait croqué.Je n’ai, hélas, jamais eu l’occasion de le remercier. Je le fais ici.
Feuilleter ce vieux numéro de Charlie, c’est aussi feuilleter ma vie, tourner les pages d’une génération. Le chômage est déjà à la Une, avec une bourgeoise dessinée par Wolinski qui offre un petit four à un chômeur… En double centrale, « Charlie Hebdo offre une canne à pêche au millionième chômeur »… On reste songeur.
Et déjà Wolinski dessine un ouvrier de dos qui dit « Et en plus je suis pédé » … Reiser stigmatise une couverture de Minute qui titre « Dehors les algériens »… Charlie a toujours été un journal politique, un journal engagé, et c’est cela qui a été visé.
Assez de mots. Nous devons manifester plus énergiquement encore demain notre volonté de défendre toutes nos libertés et nos valeurs d’égalité et de fraternité.
Michel Puech
J’adresse évidemment mes condoléances les plus sincères à toutes les familles endeuillées, mais j’ai une pensée particulière pour Véronique Brachet, l’épouse de Cabu, ancienne attachée de presse des Editions Dargaud à l’époque où j’étais journaliste iconographe à Rustica, voisin de palier de Pilote.
A voir, A lire
Jusqu’au 15 janvier, on peut aller voir à la Bibliothèque Universitaire d’Angers « Les héros du moment », une série de portraits d’auteurs de bandes dessinées réalisée par Claude Dityvon. Angers, la vile natale de Camille Lepage….
Lire l’article relatif a cette exposition
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