Après cette tragique deuxième semaine de janvier, il est difficile de dire « Bonne année ».
Mais les journalistes, qu’ils soient rédacteurs, photographes, cameramen ou dessinateurs passent leur temps à côtoyer l’horreur. Et trop souvent le tragique les attend au tournant dans une embuscade comme celle qui a coûté la vie à Camille Lepage en Centrafrique. Camille, une parmi les 66 morts que RSF a comptabilisés l’an dernier. Et, déjà 8 en 2015 !
Alors quels vœux ?
Mon premier, s’adresse aux éditeurs de presse, à ces patrons de la « Presse pourrie » comme le titrait jadis Charlie Hebdo. L’énorme émotion suscitée par les assassinats dans la rédaction de Charlie leur a démontré combien les citoyens avaient à cœur la liberté de la presse. Dans le malheur, au moins, ce fut une bonne nouvelle. Les dirigeants des médias doivent en tenir compte.
Les lecteurs veulent de l’info, mais ils veulent aussi du vécu, du croqué, du point de vue, des « choses vues » comme disait Victor Hugo. Ils veulent voir le monde. Ils veulent des reportages. Ils ne se contentent pas de « l’info en continu », du « flux ».
Il est temps que les dirigeants des médias corrigent leurs objectifs car ils ont perdu la course à l’échalote : twitter les premiers.
S’il est vrai que la démocratie a franchi un nouveau pas avec l’Internet, elle exige aussi que le journalisme soit vérification, mise en perspective, explication. C’est le rôle principal de la presse. Et le reportage, quelle que soit la forme où il s’exprime, est l’indispensable outil. Il faut aller voir, pour pouvoir vérifier, pour témoigner et expliquer. Cela implique de donner aux journalistes du temps, et de l’argent !
Mon second vœu, s’adresse lui directement à mes consoeurs et confrères. Nous devons cesser de nous abriter derrière une aimable confraternité du « laisser faire ». Il y a des brebis galeuses. Il y a des journalistes qui ne respectent pas les fondamentaux de notre métier. Il faut que nous n’ayons pas peur de les blâmer, de les contredire et de les corriger.
Arrêtons d’accepter que le vocabulaire soit perverti par les « éléments de langage », par la langue de bois, par les anglicismes incompréhensibles, par les clichés à la mode qui dénaturent et brouillent l’information.
Un « musulman djihadiste » ça n’a aucun sens quand on parle d’un assassin français qui se réclame d’Al Qaïda. Quand l’assassin d’une policière prend en otage des clients d’une épicerie, quel journaliste consciencieux peut dans l’instant qualifier les otages de « juifs » ? La célèbre Madame Michu native du Cantal aurait pu venir acheter son pain dans le supermarché casher ! Qui pouvait savoir à ce moment des faits de quelle confession étaient les otages ? Personne. Ceci n’est qu’un exemple parmi trop d’autres imprécisions voir dérapages.
Le journalisme c’est avant tout le récit des faits. Le nom de la supérette permettait amplement à nos chers lecteurs-auditeurs-internautes d’envisager la présence de citoyens de confession israélite. Ils ne sont pas cons nos lecteurs-auditeurs !
Quel besoin, à tout propos, de mentionner une appartenance religieuse non vérifiée ? Curieusement il est rare que l’on qualifie quelqu’un de protestant, de catholique ou de bouddhiste, mais par contre beaucoup n’hésitent pas dès lors que l’on parle des religions qui embrasent le Proche-Orient depuis… la nuit des temps !
Enfin, mon dernier vœu s’adresse aux rédacteurs en chef, chaque fois que vous publiez gratuitement, et de plus fréquemment, des textes, des photographies et des dessins, demandez-vous avec quoi leurs auteurs vont payer leur loyer, avec quoi ils vont donner à manger à leurs gosses…
Car, oui, il y a des photographes, des dessinateurs et des rédacteurs – et plus qu’on croit – qui flirtent avec le seuil de pauvreté, non par manque de courage ou de talent, mais par manque de confraternité et tout simplement d’humanité!
Michel Puech
PS: On peut relire le coup de gueule de Jean-François Leroy et on peut lire également Charlie, notre drapeau
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