Pour cette 2ème édition, le festival Sportfolio de Narbonne démontre, jusqu’au 21 juin 2015, qu’il peut rassembler les meilleures « pointures » de la photographie de sport. Curieusement, il n’existe aucun autre évènement dédié à la photo de sport. Une photographie qui pourtant est la plus vue dans le monde.
Bénédicte d’Audigier et Gilbert Benedicto, les fondateurs du festival, sont obstinés. Contre vents et marées, ces admirateurs du festival Visa pour l’image ont lancé dès 2010 l’idée d’un festival de photographie de sport. La première édition s’est tenue avec succès en 2013. A l’œil y était (lire les articles).
En 2014, les élections municipales entrent en collision avec le festival. Le maire Didier Mouly, fraîchement élu, dit niet à toute subvention. Je n’avais pas compris le potentiel que représente cet évènement a-t-il avoué pour expliquer l’heureux revirement de cette année. Mieux que cette franche déclaration, lors de la soirée de remise des prix, il a affirmé son soutien à Sportfolio pour l’édition 2016, suivi en cela par le département et la région.
Pour tous les festivaliers, qu’ils soient photographes, journalistes, représentants d’agences de presse ou de médias, l’idée de ce festival est « géniale ». Jean-François Leroy, le patron de Visa pour l’image ne s’y est pas trompé, il a envoyé un cordial message à Sportfolio. Comme Visa, Sportfolio est un festival unique au monde.
Ce n’est pas pour rien que Nikon s’y est engagé depuis la création. La société japonaise, principal sponsor, a déplacé son staff pro pour animer des ateliers, et discuter avec ses clients, les photographes professionnels.
Car il faut bien le dire, si le photographe de sport n’est pas nécessairement un macho moustachu rouleur de mécaniques, loin s’en faut, il doit être par contre être un technicien hors pair.
« Un photographe de sport peut toucher à tout en photojournalisme, l’inverse n’est pas vrai » peut-on entendre dans la bouche de professionnels.
Le photographe de sport doit non seulement jongler avec les focales, mais aussi aujourd’hui maîtriser tout un appareillage technologique pour la télécommande des boitiers et la transmission en temps réel.
La photo de sport est de plus en plus exigeante. Il faut des images de plus en plus extraordinaires diffusées instantanément. Cela réclame du matériel. Donc de l’argent… Nous en reparlerons.
« Les risques du métier »
Le photojournalisme sportif a un énorme avantage, pour les partenaires – collectivités ou entreprises – d’être au cœur des préoccupations des citoyens et des clients. La photo de sport est naturellement élégante – la beauté des gestes athlétiques – et surtout porteuse d’émotions.
Attention pas d’émotions désagréables ! Ici, pas de ventres ouverts, de têtes arrachées ou décapitées qui pourraient effrayer le badaud ou les enfants. Les coups portés restent le plus souvent – pas toujours hélas – de simples « bobos ».
L’AFP illustre bien « Les risques du métier » avec une remarquable collection de clichés – qui n’en sont pas – dans la salle des consuls du Palais des Archevêques.
Cet imposant Palais des Archevêques, au cœur de la ville, abrite également dans la cour d’honneur l’exposition de l’agence Chine Nouvelle (Xinhua News Agency) et surtout dans la salle des mariages celle de Franck Seguin, une star du photojournalisme, hier photographe à Sygma, puis à Deadline et maintenant à L’Equipe.
Avec « En apnée avec Guillaume Néry », Franck Seguin signe non seulement de magnifiques images, mais la plus belle scénographie. En entrant dans la salle, on est littéralement en plongée !
« Du jeu et des hommes »
Il suffit de quelques pas, sur les pavés séculaires pour pénétrer cour de la Madeleine où a été accrochée une bâche à l’effigie de Jerry Collins, ce « 3ème ligne du Racing Club Narbonne » brutalement décédé dans un accident de la route le lendemain de l’ouverture du festival.
La photo est signée Michel Birot, une autre personnalité du monde rugbystique, décédé prématurément en décembre 2012. « Michel Birot venait de la photo de mode et de reportages (Réalités, Dépêche Mode, Biba, 20 ans ou le Figaro Magazine) » écrit dans sa « nécro » mon confrère de Libération Michel Henry.
« Il a bifurqué en 1994 vers le rugby, dans Libération d’abord, pour qui il couvre la Coupe du monde de 1995 en Afrique du Sud ainsi que plusieurs tournois. Ensuite avec Attitude Rugby. ».
On est là, en face de la plus belle exposition de ce festival, en face d’une icône du photojournalisme. « A ses yeux, les sportifs demeuraient des héros intemporels, d’où le choix militant et éthique du noir et blanc et de l’argentique. » écrit dans Le Monde, Alexandre Duyck
« Ses maîtres se nommaient Henri Cartier-Bresson, Brassaï et Robert Frank. Ses photographies, taillées au cordeau, construites avec rigueur, jouent à la perfection des contrastes et des noirs charbonneux pour révéler le détail ou le geste. Précision, beauté et souffle se dégagent de ses images ».
Je ne peux mieux dire, sinon qu’image après image on est époustouflé par le talent de cet homme auquel on doit l’une des revues les plus originales de la presse française : Attitude Rugby.
« Un image, un auteur, une histoire… »
En sortant de cette cour, il va de soi de visiter l’exposition « Un image, un auteur, une histoire… » de Jean-Denis Walter. Une petite vingtaine d’images de photographes de sport, mais également d’artistes comme Gérard Rancinan ou Gérard Uféras intelligemment présentées par Jean-Denis Walter. Nous en reparlerons très vite.
Dans ce Palais des Archevêques, se tiendront également deux conférences fort intéressantes, mais programmées à l’heure de l’apéro, dans l’imposante salle des Synodes… Un lieu et une heure peu favorables à l’accueil du grand public.
Cour Mirabeau, le festival au coeur de la ville
Les Narbonnais, et les touristes, nous les trouvons sur le cours Mirabeau – autre cœur de la ville – sous les platanes, le long du canal ou ils badaudent devant la petite dizaine d’expositions installées sur d’intelligents modules.
Il y a là d’exceptionnelles photographies de Renaud Bouchez et de Karim El Hadj pour Le Monde, d’Erik Szylard Daenitz pour The New York Times. On ne peut que saluer l’arrivée de Le Monde, du New York Times et d’Associated Press comme partenaires de Sportfolio. L’Equipe et son agence PresseSports sont, comme lors de la première édition, bien présentes.
L’exposition d’Asssociated Press sur le Super Bowl est aussi remarquable que l’absence des photographes de la grande agence américaine dans le concours. L’agence Reuters est, elle, totalement absente des expositions et du concours. C’est évidemment aussi regrettable que le désintérêt de Getty et de Corbis pour la manifestation.
Bénédicte d’Audigier et Gilbert Benedicto ont encore beaucoup de travail pour convaincre les réticences anglo-saxonnes. Pourtant Narbonne est aussi « typically french » qu’Arles ou Perpignan, mais il est vrai qu’on peut parfois douter de leur intérêt pour la production photo-journalistique.
Deux autres expositions sont un peu excentrées, celle de l’agence DPPI media sur le parvis de la médiathèque présente deux remarquables best of du Dakar et duVendée Globe tirés des dix millions de photos d’archives de cette agence de presse et celle des lauréats de Sportfolio 2013 dans le hall du théâtre… Un théâtre d’une impressionnante dimension pour une ville jadis riche mais qui se cherche aujourd’hui une image.
Sur le podium
C’est dans cette immense salle, avec une scène susceptible d’accueillir par sa hauteur de plafond d’imposants décors que s’est déroulée la remise des prix du concours international associé au festival. Quatre catégories en compétition : « Action », « Insolite », « Portrait » et « Reportage ».
Le jury a eu fort à faire. Je peux le dire, car Sportfolio m’avait fait l’honneur d’en être membre. Un jury qui réunissait des personnalités du sport comme le journaliste de L’Equipe François Gille ou la photographe de la Fédération française de Rugby Isabelle Picarel; et d’autres comme Benoît Rivero, l’éditeur photo d’Actes Sud ou Jean-François Chougnet le président du Mucem de Marseille.
Je me suis réjouis que Corinne Dubreuil remporte le grand prix, un choix unanime du jury pour une étonnante photo de tennis des frères Bob et Mike Bryan qui ne doit rien à « Photoshop » et tout à l’intelligence et au talent de la photographe.
Dans la catégorie « Action », c’est Adrian Dennis de l’AFP qui a emporté tous les suffrages, reléguant Stephane Boué de L’Equipe sur la deuxième marche malgré une image qui fait le tour du monde : le record du monde du perchiste français Renaud Lavillenie à Donetsk.
Golovanov emporte la médaille d’or de la catégorie « Insolite » avec une belle composition du marathon de Moscou qui a beaucoup plu au jury, tout comme l’image – que personnellement je trouve d’Epinal – d’Ivailo et Denis Ivan, deux jeunes lutteurs photographiés à Plovdiv en Bulgarie par Samuel Lugassy.
Mon grand regret fut que Christophe Bricot, photographe indépendant, ne remporta pas l’or dans la catégorie « Insolite » pour la seule photo qui a fait rire toute la salle lors de la remise des prix. Ce sera pour l’an prochain !
Texte Michel Puech, reportage photo de Geneviève Delalot
- Site officiel du festival :
- Lire notre article sur Corinne Dubreuil, grand prix 2015 de Sportfolio
- Voir les résultats complets du concours international de la photo de sport
- Toutes nos informations sur Sportfolio
[Vu de la cuisine]
Participant au jury de Sportfolio, le festival a pris en charge notre transport et hébergement, réduisant considérablement les frais de reportage, que les organisateurs soient ici remerciés.
Dernière révision le 21 août 2024 à 12:00 pm GMT+0100 par Michel Puech
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