Les passionnés de sport, de photographie et d’art ont, depuis un peu plus d’un an, une galerie pour satisfaire leur passion. Une galerie « unique au monde ». Rencontre avec son fondateur: Jean-Denis Walter.
Marier sport, photo et art…
Le 11 juin 2015 à Narbonne, durant la semaine professionnelle de Sportfolio, le festival international de photojournalisme de sport, je retrouve Jean-Denis Walter de la galerie éponyme.
Quelques semaines plus tôt, j’ai fait sa connaissance, dans sa galerie, lors du vernissage d’une très belle exposition entièrement consacrée au rugby. Une galerie qu’Annie Boulat de l’agence Cosmos lui a offert de partager au 56 Boulevard de la Tour Maubourg à Paris, à proximité des Invalides. Beau quartier.
Le pari est risqué, mais l’homme est compétent et passionné. Un gabarit d’ailier, de lutin du rugby, le verbe abondant et choisi, la bouche débordante d’histoires hautes en couleurs et en sueur, Jean-Denis Walter vous embarque, en un instant, dans son monde – un peu fou – de passionné de sport et de photojournalisme.
À Narbonne où il présentait pendant le festival Sportfolio une vingtaine d’œuvres – Oui, « des œuvres ! » – Je le retrouve sur la terrasse de l’Office de Tourisme de la ville. Je lui passe le micro de WGR, comme on passe un ballon de rugby.
Je lui dis: on refait le match ? Je me suis installé sur la touche pour quelques questions. Je l’ai écouté nous raconter son ascension de la division – comme on dit au foot – « Sport & Art » du photojournalisme…. Une success story ?
MP
Interview de Jean-Denis Walter
« Pendant mon parcours à L’Equipe, j’ai toujours fréquenté les festivals, les galeries etc… Je voyais rarement des photos de sport. Et pourtant j’ai croisé des images exceptionnelles dont le potentiel pour passer des pages magazines aux cimaises était énorme. »
« Quand on pense photographie de sport on pense immédiatement à l’action mais ce n’est pas que cela la photo de sport ! Le sport c’est un thème. Il y a de l’action certes, mais il y a les coulisses, il y a les portraits… C’est du photojournalisme ! »
« J’ai fait intervenir dans L’Équipe Magazine de grands photographes comme Gérard Rancinan, Gérard Uféras, Patrick Artinian ; ce ne sont pas des photographes de sport ! Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont fait de grandes photos. »
« Toutes les images que je présente dans la galerie ont un rapport avec le sport, parfois même lointain. Par exemple je propose une image de Guillaume Herbaud, extraite de son travail sur « La Zone » à Tchernobyl. En regardant cette photo on est dans une salle de gym à un jet de pierre de la centrale… Salle qui n’a pas été utilisée depuis la catastrophe de 1986. Il y a une ambiance de fin du monde… On est assez loin d’un cliché d’un PSG – OM ! »
« Dans la galerie, il y a toutes sortes de photographies. Vous pouvez trouver dans ma galerie une photo de la victoire de Yannick Noah en 1983 à Roland Garros, mais aussi une photo de rugby à Madagascar faite par la photojournaliste sud-africaine Jodie Bieber. »
« Il y a eu un an de préparation pour ouvrir cette galerie. J’ai dû comprendre tous les rouages administratifs, la fiscalité de l’art; mais, les 50 premières images de la galerie, je les avais déjà en tête. Je les ai croisées tout au long de ma carrière… Quand on regarde un reportage, il y clairement des images qui sortent du lot. »
« Les photographes m’ont fait totalement confiance. Gérard Rancinan par exemple, lui est complétement dans le monde de l’art, sa cote est immense. Quand je lui ai parlé de mon projet, il n’a pas fallu dix minutes pour qu’il me donne carte blanche sur cette partie de son travail. Ça s’est passé comme ça… De manière très simple… J’avais envie de donner une autre vie à des images que j’aime ».
« Une photo, une grande photo c’est aussi son histoire, et j’ai un site web pour les montrer. Pour chaque photo je raconte son histoire. Les conditions de prises de vue, le témoignage du photographe et aussi mon avis, pourquoi j’aime cette photo. »
« L’idée c’est de proposer des œuvres originales, éditions courtes numérotées à des prix forcément un peu chers entre 800 et 10 000 euros. Ce n’est pas évident d’ouvrir une galerie aujourd’hui, mais c’est formidable ! Un collectionneur achète une œuvre. Il acquiert une image que j’aime, que nous aimons. Je m’éclate ».
« Je connais depuis toujours Annie Boulat de l’agence Cosmos qui a une galerie attenante à l’agence depuis plusieurs années. Un jour on discutait de mon projet et elle m’a dit : écoute Jean-Denis, ma galerie je l’utilise mal parce que nous sommes très pris par l’activité de l’agence Cosmos. Ce que je te propose c’est de partager le lieu. »
« On s’est entendu comme ça, simplement…. J’adore Annie ! C’est une grande dame de la photographie. La galerie Cosmos expose du photojournalisme et moi j’expose du sport, ce sont deux galeries qui se partagent le même lieu. »
« La galerie est super bien située, super chaleureuse et lumineuse, 56 boulevard de La Tour Maubourg à Paris à côté des Invalides. »
Icono de naissance
« J’ai toujours baigné dans la photographie. Ma mère, Suzanne Walter, était iconographe pour des éditeurs. Quand j’étais petit, il y avait souvent des photographes à la maison. Ils partaient quelque part ou revenaient d’ailleurs. En fait, il était écrit que je travaillerai dans la photographie. »
« Pendant les vacances je travaillais déjà pour l’agence iconographique que ma mère avait créée. Je me souviens qu’elle m’avait testé sur l’illustration d’un livre de géologie… Pour voir ma motivation ! »
« Parallèlement à mes études je fais une modeste carrière de rugbyman. Je suis déjà fou de sport comme on va le voir. »
« Donc logiquement j’intègre l’agence, et à un moment, un client, Robert Laffont, présente une demande de recherche pour une encyclopédie de sport… Toutes les iconos de l’agence font la moue et se tournent vers moi. Jean-Denis c’est pour toi ! »
« Je travaille six mois sur cette encyclopédie du sport… À l’époque, dans les années 80, les iconographes se déplaçaient pour aller voir les photos dans les agences ou chez les photographes. Je vais chez Gérard Vandystadt (ndlr : célèbre photographe de sport). Je vais à l’agence Sam (Ndlr : disparue aujourd’hui) et surtout à l’agence Presse Sports (ndlr : l’agence de presse du groupe de presse qui publie L’Équipe). J’ai travaillé sur leurs archives dans leurs caves. Je voulais évidemment absolument voir, moi-même, toutes les images. »
« Et puis, l’encyclopédie paraît et Alain Majani de l’agence Presse Sports m’appelle. Il me dit qu’ils ont vu le bouquin que j’ai fait avec les archives… Ils veulent me voir. »
« Du coup, je suis embauché comme icono. J’étais extrêmement fier d’intégrer ce monument du journalisme sportif. De 1982 à 1984, j’ai travaillé pour l’agence Presse Sports. Je m’occupais des demandes des journaux extérieurs au groupe. »
Vendredi Samedi Dimanche avec Maurice Siegel
En juin 1984, juste avant les jeux olympiques de Los Angeles, je suis recruté par VSD qui cherchait quelqu’un pour le service photo. Je connaissais VSD. Je leur vendais les photos de Presse Sports !
« Je suis donc allé rue Paul Baudry. C’était encore l’époque du VSD grand format de Maurice Siegel… L’époque de la baston hebdomadaire avec Paris Match et le Figaro Magazine…Un univers… Le photojournalisme avec en plus l’ambiance…. On était dans un truc extrêmement excitant. Je me souviens…. Une petite équipe…»
« Nous étions deux au service photo. Gilbert Moreau avait succédé à Georges Gambiez. En m’embauchant il m’avait dit : je te laisse un mois, après je pars en vacances ! Et c’est ce qu’il a fait. J’étais débutant ou quasi débutant, et je suis devenu la proie de la voracité des vendeurs d’agences : les Claude Duverger de Sygma, les François Caron de Gamma… Mais ils ont été formidables, j’ai appris très vite. Il le fallait. C’était une question de survie. »
(Ndlr : c’est l’époque où la concurrence entre les agences de presse Sygma, Gamma, Sipa est féroce et où les commerciaux des agences font grimper les prix. L’époque où Alain Dupuis, directeur commercial de Sygma dit que les vendeurs d’agences se sont comportés comme des voyous. Lire interview d’Alain Dupuis. )
« Après VSD, je suis passé dans le groupe Prisma press où j’ai pris des responsabilités. Axel Ganz m’a proposé de diriger des services photo – Voici, Gala, Capital – mais surtout m’a donné pour mission de créer les services photos des nouveaux titres. Je fais des missions de trois mois, je recrutais et puis je changeais de titre ».
Presse Sports, Le Parisien, L’Équipe :la grande boucle…
« En 1998, Noël Couëdel, à l’époque directeur de la rédaction du Parisien, démarre sur un projet de création du Parisien Magazine, qui a finalement vu le jour des années plus tard, me débauche. Il me dit : il faut que tu viennes. Tu seras rédacteur en chef adjoint en charge de l’image. J’y vais, mais les choses ne se passent pas comme il veut. Le projet est finalement retoqué. »
« Je suis récupéré par L’Équipe – c’est le même groupe – qui cherche quelqu’un pour diriger toute la production – le casting des photographes, le brief des photographes, etc. »
« C’est donc un retour à L’Équipe quinze ans plus tard. Ils me confient également la responsabilité de l’agence Presse Sports où j’ai travaillé quand j’étais petit. »
« Je grandis là. Je deviens directeur photo de L’Équipe Magazine Je suis très motivé par la production photographique. C’est à cette époque que je fais intervenir dans L’Équipe Magazine des photographes qui ne sont pas de sport, mais qui sont, tout simplement … de grands photographes ! »
« Quelques années plus tard, en 2005, la direction souhaitant accentuer la politique photographique du magazine m’a proposé de prendre la rédaction en chef de L’Équipe Magazine en tandem avec Jean-Philippe Leclaire, un reporter texte : un tandem formidable ! On s’est nourri l’un l’autre et ça a été pendant cinq ans une expérience formidable ! Un très bon souvenir. »
« A L’Équipe, on est nommé pour un mandat. Nous savions que nous étions en poste jusqu’à la coupe du monde 2010. C’est plutôt malin… »
« À la fin, je me suis retrouvé privé de ce poste. La direction m’a proposé de m’occuper de Sports & Styles pour conseiller la rédaction en chef de ce supplément proposé une fois par mois avec le quotidien. Mais ce n’était pas tout à fait mon univers… J’ai commencé à réfléchir… »
Après 6mois… HOBO !
« J’ai souvent été frustré à L’Équipe Magazine…. On préparait un sujet parfois pendant des mois… Et puis dans le « chemin de fer » du magazine, en final on ne trouve que six ou huit pages maximum pour publier le reportage… On est obligé d’écarter beaucoup de photos, parfois des pans entiers du reportage… C’est frustrant. »
« Entre-temps, 6mois, la revue photo des Éditions des Arènes était parue. Un produit d’édition ! J’ai donc travaillé sur un livre de grand reportage magazine qui s’appelait HOBO. Ça a été une formidable aventure. La direction a suivi.»
« Le numéro 1 est sorti en mars 2012. Travail colossal avec François Lolichon, DA de L’Équipe… Il y a eu un beau succès d’estime. Les résultats des ventes n’étaient pas à la hauteur, mais le travail de mise en place chez les libraires n’avait pas été fait. . Un produit d’édition ce n’est pas comme un journal. Il faut convaincre les libraires… »
« Et puis, c’était un moment où le groupe se battait pour obtenir un créneau sur la TNT. Ce n’était donc pas le bon moment. J’ai senti que mon truc c’était une mouche par rapport aux préoccupations du groupe. Nous sommes convenus de nous séparer. J’ai donc quitté L’Équipe… Le drame ! »
« Quand j’ai quitté L’Équipe en septembre 2012, j’ai décidé d’ouvrir une galerie totalement dédiée à la photographie de sport. »
Michel Puech
Exposition du moment : « Du rugby et des hommes » jusqu’au 15 septembre 2015
56 boulevard de La Tour Maubourg à Paris 7è
À NE PAS MANQUER > Même si vous n’avez pas les moyens de vous acheter des œuvres, prenez le temps de découvrir de grandes images et de belles histoires de photographes sur le site de la galerie de Jean Denis Walter : http://www.jeandeniswalter.fr/
MAJ: 16/08/15 16h00 – Corrections signalées par JDW: « …à VSD c’est Gilbert Moreau et non Gérard et mon binôme à L’Equipe Magazine est Jean-Philippe Leclaire et pas Leclerc ». Toutes nos excuses.
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