Source : Dossier de presse de la Fondation Carmignac
Pourquoi ce titre Colonie ?
Si on se réfère au Larousse (Edition 2015), une colonie est un « territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières, et demeurant attaché à la métropole par des liens politiques et économiques étroits. »
Or, d’un point de vue historique, la Guyane s’intègre dans l’histoire de France, comme colonie, au XVIIe siècle et le reste jusqu’en 1946, moment où elle obtient le statut de département français et où son dernier gouverneur devient… son premier préfet. Cette départementalisation ne concerne alors que le littoral.
L’intérieur de la Guyane, appelé « territoire de l’Inini », se voit accordé le statut de « nation indépendante sous protectorat », une colonie dans l’ex-colonie en quelque sorte.
Ses habitants ne sont pas enregistrés dans les registres de l’état civil et n’ont donc pas les mêmes droits sociaux que les guyanais du littoral. Il faut attendre un nouveau découpage administratif de l’ensemble du territoire en deux arrondissements, Est et Ouest, en 1969, pour que l’intérieur soit intégré au département. Ses habitants vont être alors progressivement « francisés », à mesure que le système administratif pénètre à l’intérieur des terres. C’est précisément ce territoire difficile d’accès, à plusieurs jours de pirogue du littoral, que j’ai voulu montré dans ce reportage.
pourquoi avoir choisi de travailler sur la Guyane et en quoi s’agit-il pour vous d’une zone de non-droit ?
J’ai un attachement certain pour la Guyane après y avoir travaillé pendant une dizaine d’années. J’y conserve de bonnes relations et de solides amitiés qui m’ont permis de pénétrer des milieux légaux et illégaux et d’en appréhender les complexités.
Je n’y vois pas un territoire sans loi mais bel et bien une région très normée, formée de zones d’exception et façonnée par la République. Ce territoire est un des derniers espaces de liberté qui s’est aujourd’hui transformé en zones de non-droit de la République.
Comment avez-vous procédé pour mettre en œuvre ce projet ? Qu’avez- vous voulu montrer et comment ?
Pour mettre en œuvre ce projet, il était important d’éviter une vision manichéenne qui ne ferait qu’opposer les uns aux autres et s’arrêterait au constat des conséquences sans tenter d’en montrer les causes.
J’ai donc décidé de me concentrer sur six communes caractéristiques par leur situation géographique et économique comme les deux villes- frontières de Saint-Georges de l’Oyapock, fleuve délimitant la frontière avec le Brésil, et de Papaïchton au bord du Maroni qui sépare la Guyane du Suriname.
Je me suis également rendu à l’intérieur de la Guyane, autrefois territoire autonome de l’Inini, où des villages tels que Camopi offrent le spectacle d’une population amérindienne totalement déracinée, perdue dans un système qui n’est pas le sien.
Quel parti pris technique et artistique avez-vous choisi pour rendre compte au mieux de cette situation ?
Le délai de réalisation du reportage, de décembre à mars, correspond à une petite saison des pluies en Guyane. Les fleuves sont hauts et praticables et favorisent l’activité à l’intérieur du territoire mais la lumière est plus compliquée, plus imprévisible avec une atmosphère très brumeuse.
Je préfère travailler dans ces conditions en noir et blanc, ce qui me permet d’éviter l’exotisme facile et donne à voir les différents univers avec davantage d’unité. L’expérience de conditions de travail difficiles m’a poussé à choisir un appareil numérique 24 x 36 dont j’ai déjà éprouvé les capacités de résistance à l’humidité et aux chocs. Sur la forme, ma photographie est classique et sans emphase. Je veux proposer avec ce travail une photographie documentaire qui touche les antagonismes de la contemporanéité guyanaise.
Christophe Gin
Lauréat du 6e Prix Carmignac du photojournalisme
Thème
Les zones de non-droit en France
Exposition
COLONIE
du 5 novembre au 5 décembre à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris Entrée libre
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Dernière révision le 6 juillet 2024 à 2:18 pm GMT+0100 par la rédaction