Christophe Gin est le lauréat 2015 du prix décerné par la Fondation Carmignac. « Colonie», l’exposition tirée de six mois de reportage en Guyane est visible du 5 novembre au 5 décembre 2015 à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris. Rencontre avec Christophe Gin
Ecouter en podcast Christophe Gin sur WGR, la radio
Christophe Gin n’est pas un débutant. Photographe autodidacte, il démarre dans le photojournalisme au début des années 90. Il fait partie de cette minorité de reporters qui a connu les dix petites années du fameux « âge d’or » du photojournalisme.
Christian Caujolle, fondateur de l’agence Vu, l’avait pris dans son agence. Il ne sera pas le seul éditeur photo à apprécier son travail. Christophe Gin est titulaire en 2012 de la bourse de la SCAM. Il a reçu en 2011 le prix Sophot de la photographie sociale et environnementale et pour faire bon poids a été le 1er Prix du World Press Photo dans la catégorie Daily Life en 2003.
Il est l’un des représentants de cette génération qui a vu les prix des reportages s’effondrer au moment où ils arrivaient au « top » de leur métier. Le numérique a bousculé leurs méthodes de travail. Christophe Gin a collaboré à de nombreux journaux et magazines, et « la crise » est arrivée.
En 2001, il découvre dans un article un territoire français où les lois n’existent pas, un Far West de légende. Il se met à photographier la Guyane…
Ce bout de France dont le bagne a été dénoncé par Albert Londres. Ce territoire d’où semble partie la fusée de Tintin et qui est peuplé de chercheurs d’or et de capitaines Haddock…
Il en sortira en 2014 une série remarquée: « Le Pont des Illusions », ce pont frontière de l’Union Européenne avec le Brésil !
En 2012, par les hasards de l’actualité, des gendarmes mitraillés, j’ai découvert l’existence de Christophe Gin. La période n’était pas facile. Les commandes rares. Il devait alterner des séjours en métropole pour faire de la photographie « corporate » pour financer ses séjours en Guyane… (Lire l’article)
Rencontre avec Christophe Gin, Prix Carmignac, 50 000 €, 6 mois de reportage, 10 mois de travail, 41 photos exposées, un livre publié…
Cette année 2015 est une bonne année pour ce jeune papa, il est le lauréat du Prix de la Fondation Carmignac – 50 000€ – « pour travailler comme il faut » dit-il simplement. Ce lundi 26 octobre 2015, le souvenir de l’annonce positive de la Fondation Carmignac s’est éloigné, comme l’annonce de son prix à Visa pour l’image en septembre dernier.
Christophe Gin est à fond. « On termine aujourd’hui les tirages de l’exposition, le livre n’est pas encore imprimé, je déménage, et mon gosse est malade…. » assène-t-il tranquillement en s’asseyant, comme pour s’excuser de nos mutuels reports de rendez-vous.
Qu’est-ce que le Prix Carmignac a changé pour vous ?
Christophe Gin: « La possibilité de réaliser tout de suite un projet ! Mais ça ne change pas la face du monde. C’est très bien car la production ça coûte cher. Le Prix Carmignac me permet de concrétiser un projet sans avoir à courir après des financements pendant six mois, un an…. J’ai appris que j’étais lauréat fin décembre 2014. C’était une surprise ! »
Le thème du Prix Carmignac 2015, ce sont les zones de non droit en France, or vous votre terrain de chasse – si je puis dire – c’est la Guyane. Comment avez-vous concilié cela ?
Christophe Gin:« La Guyane c’est un endroit intéressant au niveau du droit, c’est un territoire où la notion de droit peut être questionnée. La Guyane, surtout celle que j’ai photographiée pour le Prix Carmignac, la Guyane de l’intérieur, une Guyane rattachée au département français que depuis 1969…. c’est avant-hier… Le droit coutumier s’oppose au droit d’usage qui s’oppose au droit de la République… »
En plus vous étiez sur une frontière…
Christophe Gin: « Sur deux frontières, celle avec le Brésil et celle avec le Surinam. Je travaille sur un endroit qui est en train d’être intégré. Le droit qu’on leur propose n’est pas toujours adéquat. J’ai vu des endroits où l’exception est un peu la règle. La Guyane est territoire d’exception avec beaucoup de particularités. Vouloir y imposer un droit républicain est curieux, parfois déplacé, voire antinomique. »
Combien de temps avez-vous travaillé ce sujet ?
Christophe Gin: « Pour la Fondation Carmignac, je suis parti en reportage six mois, mais le projet c’est presque une année de travail. Je n’ai pas la prétention d’avoir photographié toute la Guyane mais le territoire de l’Inini qui était une région autonome, une espèce de colonie dans la colonie pénitencière. En 1945, la Guyane est devenue un département mais le territoire de l’Inini n’a été intégré qu’en 1969. Aujourd’hui encore il y a des gens qui sont nés en Guyane, qui sont guyanais mais qui du fait du manque d’infrastructures n’ont pas de papiers d’identité… »
Et vous avez baptisé ce travail du nom de « Colonie », c’est lourd comme terme…
Christophe Gin: « Colonie » ce n’est pas lourd. Il n’y a pas de méchants colons et de gentils indiens, il n’y a pas de méchants orpailleurs et de gentils je ne sais pas quoi… « Colonie » ce n’était pas un titre prémédité, c’est un terme qui s’est imposé pendant ce travail. Encore une fois, c’est un endroit qui est neuf pour la République. »
Ce sont des photographies en N&B. Pourquoi ?
Christophe Gin: « Pour documenter au mieux, j’ai choisi cinq endroits différents et pour une meilleure homogénéité du travail j’ai préféré le N&B. La prise de vue est numérique et le rendu argentique tiré par un artisan Diamantino Quintas. Le choix du numérique en prise de vue, c’est un choix de confort. L’humidité est telle en Guyane à cette époque que les films argentiques se collent dans les carters de pellicule…. On sort beaucoup de déchets car les films arrivent à coller sur eux mêmes… »
« Après, la photo c’est un procédé artisanal et je tiens à poursuivre les méthodes de travail traditionnelles. Le fruit d’un tirage argentique c’est le résultat de l’interprétation du photographe, du tireur, de la température, c’est un objet unique… »
39 place Jules Ferry à Montrouge
Nous sommes 39 place Jules Ferry à Montrouge dans la banlieue sud de Paris, en face de l’Atelier Robert Doisneau, au laboratoire où Diamantino Quintas travaille. Le tireur fait un signe au photographe et nous invite à entrer dans le saint des saints pour nous, montre le 41ème tirage de l’exposition qui sort des bacs.
Avec minutie, Diamantino lisse le papier trempé pour l’afficher sur le mur. Le photographe et le tireur se murmurent des remarques. Je rentre dans l’ombre pour ne pas perturber l’intime relation du photographe et de son tireur. La jeune apprentie et moi disparaissons dans le sol.
Après un instant, un détail, l’écume des vagues … Le photographe et le tireur discutent autour d’un tirage petit format de référence. Diamantino décide de faire une autre épreuve. On éteint tout. Je suis dans la chambre noire. L’énorme agrandisseur projette le négatif sur le papier affiché au mur pendant que l’apprentie égrène les secondes. Etranges impressions : l’obscurité et les odeurs de la chimie se disputent ma nostalgie…
Pendant le temps où l’épreuve prend son bain de fixateur et de rinçage, Diamantino me fait visiter son antre. Christophe Gin surveille la sortie de la nouvelle épreuve. « Nous pouvons travailler avec dix agrandisseurs de tous les formats » précise Dimantino en m’ouvrant des petits labos avant de me montrer la pièce où les photographies sèchent naturellement sur des claies en bois. Il règne une atmosphère de calme et de sérénité dans ce 2ème étage de la place Jules Ferry à Montrouge.
Christophe Gin est satisfait de la 41ème épreuve. « Je vais m’occuper du livre maintenant. Ce week-end je pars en Allemagne à l’imprimerie pour voir la sortie des machines… et le 4 novembre, c’est le vernissage à la Chapelle des Beaux Arts de Paris. »
Michel Puech
Pour en savoir plus
L’Exposition COLONIE du 5 novembre au 5 décembre 2015 à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris – A noter : Entrée libre
Un livre est publié à l’occasion de l’exposition aux éditions Kehrer Verlag : Texte et photos de Christophe Gin – Préface : Christophe Deloire de Reporters Sans Frontières, Président du jury du Prix Carmignac – 24 x 28 cm – 160 pages – Bilingue français / anglais
Site de la Fondation Carmignac :
Site personnel de Christophe Gin: http://www.christophegin.org
Galerie de photographies de Christophe Gin: http://www.christophegin.org/archive
Laboratoire Diamantino Photo : http://diamantinolabophoto.com/index.php?/a-propos/
Toutes nos informations concernant Christophe Gin
Dernière révision le 21 août 2024 à 12:01 pm GMT+0100 par
- William Klein & François Missen
Kinshasa 1974, le combat du siècle
in Polka Magazine n°66 - 8 novembre 2024 - Micheline Pelletier
Les Açores : « Toute la beauté du monde » - 25 octobre 2024 - Micheline Pelletier
La première femme au « staff » de Gamma - 25 octobre 2024