« Le soir du jour de l’an, j’ai pensé à une merveilleuse résolution de Nouvel An pour les hommes qui dirigent le monde : faire la connaissance des gens qui se contentent d’y vivre. » écrit Martha Gellhorn en janvier 1945 alors qu’elle couvre la bataille des Ardennes pour le magazine américain Collier’s.
Pourtant, à cette date, la correspondante de guerre n’a pas encore assisté à la libération du camp d’extermination de Dachau. Elle y sera en mai, au coude à coude avec la photographe Lee Miller.
Cette résolution, ici à Paris, aujourd’hui, en 2016, est toujours d’actualité.
Et d’ailleurs, les puissants le disent : nous sommes en guerre. Une guerre qui n’a rien à voir avec cette grande guerre patriotique, dit-on. A voir. Ne s’agit-il pas de l’éternelle lutte entre les démocrates et les absolutistes de toutes obédiences.
« J’ai appris ma dernière leçon de ce qu’on appelle le réalisme politique pendant une visite que je fis à Paris pour Noël en 1939, en route pour la Finlande. » poursuit Martha Gellhorn dans une introduction à ses reportages publiés cet hiver aux Belles Lettres dans la collection Mémoires de guerre. Je vous le recommande vivement.
« Ce fut une leçon importante pour moi, parce que j’ai décidé que j’avais appris la même chose un nombre incalculable de fois depuis bien longtemps : le réalisme politique et la morale politique n’ont rien à voir l’un avec l’autre. »
Elle en donne un exemple : « Le seul travail que j’avais à faire à Paris était d’essayer de venir en aide à des amis qui étaient emprisonnés, avec l’armée espagnole vaincue, dans des trous creusés sur la plage d’Argelès au bord de la Méditerranée. Ce projet n’intéressait absolument personne. Comme me l’avait dit un homme politique qui connaissait un certain succès pendant que nous nous gavions de foie gras : « ma chère fille, un allemand et un ancien communiste vraiment à quoi vous attendez-vous ? »
D’Argelès à Lampedusa ou Lesbos, les mêmes réfugiés sont toujours parqués aux portes ou en Europe même.
Ils n’ont pas combattu ou fui Hitler, Franco ou Mussolini, mais Bachar et Daesh, les dictateurs syriens ou tous les autres dont la liste est bien trop longue en Orient comme en Afrique.
Alors, c’est la guerre. « Ce qui me dégoûte dans la guerre, c’est son imbécilité. » écrit Jean Giono « J’aime la vie. Je n’aime même que la vie. C’est beaucoup. »
Et, de quelle guerre parle-t-on ?
Celle de Bush d’après le 11 septembre 2001 ? 15 ans déjà. Celle d’Irak ? Celles d’Afghanistan, du Mali, de Libye ou de Centrafrique ? La guerre dont on parle aujourd’hui est celle qui est chez nous, celle où des assassins nés en France, en Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne ou au Canada tuent leurs concitoyens !
Pauvres jeunes gens victimes des errances de nos politiques de décolonisation et d’ambitieux assassins arrivistes passés maîtres dans l’art de la propagande. Il n’y a de Paradis ni pour les victimes, ni pour les bourreaux et les familles des uns comme des autres sont en Enfer ici bas.
Pire que la guerre, il y a la guerre civile.
Et c’est bien à une forme de cette ignominie à laquelle nous avons à faire. Celles-là sont terribles. Elles succèdent ou précédent les conflits les plus horribles qu’ait connus l’humanité.
Les premiers indices, nous les connaissons déjà, même si nous refusons de les voir. Les guerres se préparent de longue date. Il y a d’abord des connivences, puis de discrètes corruptions enveloppées dans un laissez-faire généralement bien accepté par tout le monde. C’est le temps des scandales, du m’as-tu-vu, des paillettes et des crachats qui fleurissent sur nos écrans. Puis tout cela se cristallise dans un repli sur son quant-à-soi, sur sa famille, son quartier, son village, son terroir.
C’est le retour du temps des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » comme le chantait Georges Brassens. Le temps des imbéciles heureux que 250 000 morts en Syrie n’ont pas émus mais auxquels une centaine de morts suffit pour sortir les drapeaux, les fanions et, bientôt enfiler la fleur dans le canon du fusil que d’autres porteront à leur place.
En novembre dernier, j’ai vu tout cela se lever comme les blés au soleil d’été, et cela m’a fait froid dans le dos. Ça m’a glacé.
J’ai mis mes moufles et donc peu tapé sur le clavier.
Ah, au fait, bonne année !
Michel Puech
La guerre de face de Martha Gellhorn – Traduit de l’anglais et préfacé par Pierre Guglielmina.– Les Belles Lettres, collection Mémoire de guerre – octobre 2015 – 21€
http://www.lesbelleslettres.com
Ecrits pacifistes de Jean Giono – Première parution en 1978 -Collection Folio (n° 5674), Gallimard
Ecouter Brassens !
.Dernière révision le 26 mars 2024 à 5:45 pm GMT+0100 par Michel Puech
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