Quelques mois après les attentats de Paris, et plus d’un an après l’attaque de Charlie Hebdo, comme beaucoup, je n’ai pas retrouvé mon rythme normal de vie, et, je le crains, pour longtemps.
A vrai dire, ce n’est pas le nombre de victimes qui m’a impressionné, ni que Paris soit ciblé. Tout journaliste fait chaque matin sa revue de presse, et chaque jour apporte son lot de massacres et de misère. Sans devenir cynique, le métier oblige à garder une distance avec les faits.
Après le 13 novembre 2015, la flambée de nationalisme m’a surpris. « La guerre » déclarée à la mouvance « Etat islamique » a libéré des paroles qui jusque là restaient confinées au bout du comptoir
Il ne m’a pas échappé que, depuis des décennies, lentement mais sûrement, ceux que nous appelions jadis « les fachos » gagnaient du terrain dans les sondages et les élections.
Mais, c’est la « lepénisation » des cerveaux de tous les bords qui m’a choqué. Au lendemain des attentats de novembre, il était de bon ton de se peindre le « profil » aux trois couleurs sur les réseaux sociaux. Quelques « amis Facebook », dont des photographes que je connais de visu ont commenté, sans humour, ni smiley, mon « statut » d’un « traître » et d’un « mauvais français » sous prétexte que je m’interrogeais sur cette nouvelle mode.
Tout à coup, la veulerie des éternels collabos de tous les ordres, la connerie des « ralliés de la dernière heure » sortaient des livres d’Histoire pour s’introduire dans mon intimité !
Depuis, l’odeur de pourriture n’a cessé de croître avec la course à l’échalote des futures élections « pestilentielles » comme le disait si bien Coluche…
Je sais que l’affaiblissement de la démocratie ne date pas d’hier, et que le vieux de Gaulle avait prédit l’avenir de son héritage.
Je me souviens qu’en 1981, un « peuple de gauche » amnésique a mis au pouvoir un Président, décoré par Pétain, ami de collaborateurs des nazis, ancien ministre de la Justice « couvrant » les tortures de la guerre d’Algérie… Je me souviens que moins de trois ans après son élection, il reniait son programme, comme le fait aujourd’hui l’hôte de l’Elysée.
Je me souviens que Lionel Jospin, un de ses disciples et néanmoins trotskyste, inversa le calendrier électoral. Il élimina ainsi le débat démocratique des législatives au profit d’un jeu télévisé où les « belles gueules », la coiffure, le costume, la taille du tour de ventre, les « petites phrases » comptent plus que le programme politique.
Quelques phrases de moins de 140 caractères assorties d’un ou deux coups de menton pour montrer « qu’on en a » deviennent un programme politique.
Une armée de confrères, journalistes, animateurs, intermittents du spectacle de nos
antennes nationales sont là pour faire l’orchestre. Du matin jusqu’au soir, ils scandent dans tous les tuyaux disponibles les « éléments de langage » du jour. Quelle belle propagande !
Voir mon pays séduit par les sirènes des nouveaux Pétain, constater l’effondrement de la presse traditionnelle et avec elle, de grands pans de nos traditions déontologiques, sans parler de notre droit du travail m’a rendu un peu insensible au flux d’informations concernant le photojournalisme.
Soudain, les dizaines d’invitations à des expositions ou à des manifestations photographiques me sont apparues quelque peu futiles… Bref, comme mes lecteurs l’ont peut-être constaté, le clavier m’est tombé des mains.
Je ne peux écrire que par passion pour le journalisme et, ces temps ci, la flamme brûle d’un côté qui ne me plait pas.
Mais, après quelques mois de réflexion, je reprends le collier avec, peut-être, une plume plus combative. Ce sera à vous de juger.
Merci de votre fidélité, et rassurez vous, je vais vous reparler de photojournalisme !
Michel Puech
Dernière révision le 26 mars 2024 à 5:46 pm GMT+0100 par