A l’occasion de la sortie de son Dictionnaire amoureux de New York, l’ancien directeur de Libération expose jusqu’au 26 octobre 2019 dix sept photographies de reflets sur les bâtiments de la ville à la Galerie Basia Embiricos dans le Marais parisien.
Reflets de la transparence par Serge July
Texte d’accompagnement de l’exposition
New York est à l’image de « l’homme de verre » de Paul Valéry : « je me reflète et me répercute, je frémis à l’infini des miroirs, je suis de verre ».
La métropole atlantique est en effet la première ville de verre au monde, celle de la réverbération rêvée en 1914, par le poète allemand Paul Scheerbart, et après la première guerre par les architectes Mies van der Rohe et Le Corbusier, par le philosophe Walter Benjamin.
New York aura été pionnière en matière de transparence : le capitalisme sauvage des tycoons de la fin du XIXe et des débuts du XXe siècle s’y montre et s’y impose sans vergogne, se revendique et s’affiche haut et fort, avec ses orgueilleux gratte ciels électriques qui se reflètent à l’infini, sur les parois d’autres immeubles, sur les vitrines, sur la carrosserie des camions et des voitures, dans les rétroviseurs comme dans les flaques d’eau où ils paradent comme autant de totems de la réussite.
« L’alliage de l’opacité du fer et de la légèreté du verre permet selon Walter Benjamin l’érection d’un temple érigé à la gloire de la marchandise, d’un panthéon dans la Rome moderne, où la Bourgeoisie mondiale expose les dieux qu’elle a fabriqué pour elle-même ». Le verre rend hommage au marché, au libre-échange, à la concurrence : car la liberté du commerce voyage de pair avec la liberté d’expression.
Un autre utopiste du verre, l’historien Anthony Vidler voit dans ce matériau, un idéal des lumières – sans jeu de mots – : « la transparence éradiquerait tous les domaines du mythe, la suspicion, la tyrannie et avant tout l’irrationnel »
Gorbatchev n’était pas architecte mais lorsqu’il invente la Glasnost dans les années 1980, il entend transformer la société communiste en imposant la transparence, la liberté d’expression, et la publicité. Il ne le sait pas encore mais avec les réseaux sociaux, la transparence va dévaluer tous les secrets, mêmes les plus intimes. Et pas seulement ceux du régime policier.
New York aime les reflets aléatoires. Ils sont partout et transforment les rues en de vertigineux kaléidoscopes. Toutes les rues saisies par ces jeux de lumière sont annexées dans le même univers commercial où la rue prolonge l’appartement, où le magasin se fond dans un espace privé : le dedans et le dehors s’interpénètrent à New York, comme nulle part ailleurs. D’un coup, le réel apparait dans sa complexité.
Ces cathédrales de verre sont menacées par le dérèglement climatique : véritables passoires énergétiques, ces tours sont responsables de 71% des émissions de gaz à effets de serre. Ils devront réduire leurs émissions de 40% d’ici 2030 selon le plan de Bill de Blasio le maire de New York, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Un impôt devrait les y contraindre
De nombreux photographes ont joué avec cette ville miroir : le grand Saul Leiter en avait fait son crédo, et Ernst Haas un opéra de couleurs.
J’ai essayé à mon tour de courir après ces sarabandes de formes et de couleurs.
Serge July
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Pratique
Dictionnaire amoureux de New York
Serge July
Editions Plon
https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/dictionnaire-amoureux-de-new-york-9782259248419/
Exposition jusqu’au 26 octobre 2019
Galerie Basia Embiricos
14, rue des Jardins Saint-Paul Paris
http://www.galeriebasiaembiricos.com/Dernière révision le 8 octobre 2024 à 1:27 pm GMT+0100 par