A l’œil a envoyé une série de trois questions à des patrons d’agences de presse photo pour connaître la situation face à cette « guerre » mondiale et sanitaire. Aujourd’hui, les réponses de Robert Pledge directeur-fondateur de l’agence américaine Contact Press Images.
Le 12 janvier 1970, Robert Pledge, un journaliste franco-britannique spécialiste de l’Afrique s’embarque avec Raymond Depardon et Gilles Caron pour la première tentative de reportage sur les rebelles Toubous du Tibesti (Tchad). A l’aéroport, il y a Donald McCullin. La rencontre de ces trois photojournalistes va décider de la vie de Robert Pledge.
Après quelques aventures au service de l’agence de presse Gamma à Paris comme à New York, en avril 1975, il fonde, avec David Burnett, l’agence Contact Press Images à New York. Depuis Contact Press Images s’est étoffée avec des photographes de grand talent. Livres, expositions complètent l’activité presse de l’agence qui est présente sur tous les continents et dont le bureau de Paris est dirigé par Dominique Dechavanne.
1/ Est-ce que des collaborateurs de votre agence sont malades et/ou absents (combien par rapport à l’effectif) ?
Le staff de l’agence travaille à partir de chez eux puisque l’agence est fermée à New York comme à Paris depuis le début du mois de mars. Les quelques photographes qui travaillent sur et autour de l’épidémie se déplacent en bicyclette ou en voiture et font preuve de grandes précautions.
Les risques pris par les photographes qui suivent de près la pandémie du Covid-19 pour informer le public sont au moins aussi grands que ceux pris par les photographes de conflit tels les Robert Capa, Don McCullin, Catherine Leroy, Gilles Caron, James Nachtwey et Lynsey Addario par exemple.
2/ Quelles consignes et équipements ont été donnés à vos photographes sur le terrain ? Et ont-ils rencontré des difficultés avec les forces de l’ordre ?
Masques, gants en latex, désinfectant pour les mains ainsi que le respect de la consigne de garder une distance suffisante d’au moins deux mètres avec les autres.
A New York et aux USA en général pas de problème avec la police car la pratique journalistique est encore considérée comme “l’exercice d’un métier essentiel”. En Chine, en revanche, cela a été et demeure plus problématique.
3/ Craignez-vous que cette pandémie vous conduise à revoir vos projets ou même à fermer votre agence ? Quels incidences sur votre chiffre d’affaire ?
Les conséquences économiques sont et seront très sérieuses voire dévastatrices. Je pense que le métier de photographe d’information tel qu’il a continué à se développer depuis la seconde guerre mondiale — avec des difficultés grandissantes depuis la fin du siècle passé et le 11 Septembre 2001 — est très sérieusement érodé et sera complétement changé, entraînant dans la foulée la disparition de la plupart des agences actuelles qui ne peuvent pas ou ne pourront plus fonctionner dans le cadre de l’économie et du marché post-pandémiques.
Le monde est en train de se transformer en grande profondeur et le concept même d’agence n’a guère plus de sens dans sa formulation et ses pratiques antérieures.
MP
Propos recueillis par courriel le 2 avril 2020