A l’œil a envoyé une série de trois questions à des agences de presse, à des agences photographiques et à des collectifs de photographes pour connaître la situation face à cette crise sanitaire mondiale. Aujourd’hui, la réponse de Wilfrid Estève, directeur de la plateforme collaborative Hans Lucas.
« Hans Lucas existe depuis 2006, deux activités conditionnent le fonctionnement de la structure, une agence photo (code APE est 6391Z) et une plateforme dédiée à l’activité de photographe indépendant.
A ce jour, Hans Lucas c’est plus de 700 photographes répartis à travers 60 pays. La diffusion des archives de nos membres se fait via Hans Lucas (1 200 clients), PixPalace, AFP, Reuters, Imago et Belga.
Au-delà de la diffusion, nous formons nos membres sur des problématiques métiers et les accompagnons dans leur parcours professionnel. »
1/ Est-ce que des collaborateurs de votre agence sont malades et/ou absents (combien par rapport à l’effectif ?
« Nous avons beaucoup d’échanges au quotidien au sein des groupes de discussions et forums, à ma connaissance il n’y a pas eu de COVID-19 contracté par les photographes. »
2/ Quelles consignes et équipements ont été donnés à vos photographes sur le terrain ? Et ont-ils rencontré des difficultés avec les forces de l’ordre ?
« Les photographes sont tenus de respecter les précautions demandées : distance de sécurité d’un mètre cinquante, port du masque, parfois port de blouse ou combinaison en milieu hospitalier se nettoyer les mains fréquemment ainsi que le matériel utilisé.
Les attestations ou la carte pro que nous avons produites ont permis aux photographes de travailler correctement, pas de souci avec les forces de l’ordre qui se sont montrées coopératives.
Je note que certaines situations durant la couverture du COVID-19, notamment vécues en milieu hospitalier ou durant des maraudes, ont été parfois lourdes à gérer sur le plan psychologique pour les photographes, malgré des discussions téléphoniques ce malaise a été renforcé par le fait d’être confiné. »
3/ Craignez-vous que cette pandémie vous conduise à revoir vos projets ou même à fermer votre agence ? Quels incidences sur votre chiffre d’affaire ?
Au niveau de l’agence photo, les journées de commande corporate ont été heureusement décalées à juin mais pas annulées. Au niveau de la plateforme de photographes, des productions ont été annulées. Les médias ont ralenti clairement l’activité mais continuent de passer néanmoins des commandes.
« Nous tentons de nous adapter au contexte en échangeant entre membres. Par exemple les discussions ont provoqué des productions de mises en scène ou de séries réalisées autour du confinement chez eux ou en famille. Ces photographies ont donné lieu à des Unes de quotidiens, de suppléments week-end ou des publications d’illustration dans les médias.
Même si sur la plateforme ils sont rémunérés directement avec les clients médias d’Hans Lucas, mon rôle est aussi d’alimenter la réflexion des membres autour des productions qu’ils envisagent ou font. Hans Lucas n’est pas qu’un outil « technique », il accompagne les parcours professionnels.
Nous avons eu la chance de travailler fortement sur la diffusion à l’international juste avant la pandémie et de mettre en place les choses au niveau technique, le confinement a profité aux membres dans le sens où ils ont fortement travaillé la mise en ligne de leurs archives sur trois agences partenaires : Reuters, Imago et Belga.
Ce travail n’aurait pas pu se faire en temps normal car ils sont absorbés par les productions. Cette période de confinement a vu le nombre d’échanges mails multiplié par trois mais a permis la mise à plat du travail sur les métadonnées et leur indexation.
A l’heure actuelle pas d’incidence sur le chiffre d’affaire de la structure car c’est trop tôt. Nous avons encaissé uniquement les factures d’avant le confinement.
Au niveau des photographes certaines situations sont en flux tendu par manque de production, annulation d’exposition ou de vente de tirages, les logiques mises en place autour de la diffusion des archives ont pris le relais pour certains.
Le contexte d’annulation des évènements notamment culturels va réduire dans les mois à venir les productions qui étaient prévues, au-delà du confinement, la fin de l’année 2020 sera compliquée économiquement. Nous essayons d’anticiper cela dès maintenant.
Je tiens à souligner que la période de confinement nous a apporté aussi de jolies surprises, Romain Laurendeau est le premier prix lauréat « Story of the Year » des projets à long terme du World Press Photo 2020 avec sa série « Kho, la genèse d’une révolte », Pierre Faure a eu un superbe folio dans XXI et nous avons eu en trois semaines de belles publications issues des discussions entamées dans les groupes.
Propos recueillis par courriel le 23 avril 2020
MP