La Galerie Basia Embiricos, située 14 rue des Jardins Saint-Paul dans le Marais parisien est un bel endroit qui a accueilli Gökşin Sipahioğlu mais également, entre autres, David Douglas Duncan. Basia Embiricos fait face au « confinement » en racontant dans sa newsletter quelques souvenirs dont celui-ci.
Samedi 25 avril 2020
Le festival International de photojournalisme Visa pour l’Image, à Perpignan, existe depuis 1989, créé par Roger Thérond et dirigé depuis brillamment par Jean-François Leroy.
Un matin, en 2010, j’y croise dans la rue Gökşin Sipahioğlu, journaliste, grand reporter et fondateur de l’agence Sipa Press.
Nous bavardons, « pourquoi nous ne faisons pas quelque chose ensemble » lui ai-je demandé. Ce fut au moment de sa grande rétrospective à la MEP (Maison Européenne de la Photographie).
« OK, si tu peux montrer les images que Monterosso, alors directeur de la MEP, n’a pas voulu montrer » …
« Parfait. Carte Blanche ».
Revenus à Paris, nous regardons des petits tirages noir et blanc de ses nombreuses guerres en Afrique, en Orient, des enfants-soldats, des militaires qui s’apprêtent à tirer vers l’observateur…
Gökşin, un conteur surprenant par des raccourcis de sa narration parle du danger, de l’angoisse, des journées remplies de tensions et de son « repos du guerrier » le soir.
Les images ont l’air d’être prises à la sauvette. J’hésite.
Après une deuxième lecture, j’y vois une terrible accusation contre les guerres. Et les situations des femmes. Elles restent à prendre soin de la famille. Installées près des champs de bataille, elles sont jeunes, souvent en tenues de paysannes, une valise misérable sous le lit… buvant une bière pour se donner du courage… Leur « travail » va faire vivre leurs enfants et les parents en l’absence des hommes.
La guerre, qui crée ce genre de situations extrêmes et dramatiques, aussi violentes que les tirs des carabines. Mais aussi un témoignage d’un lieu où deux personnes ont besoin d’être consolées, Gökşin et la femme qu’il serre dans ses bras.
Je décide de faire cette exposition.
On sélectionne quelques photos-reportages de guerre, qu’on expose dans la première pièce de la galerie. Derrière, dans la deuxième pièce, j’accroche le rideau noir qui cache les petits tirages des photos des bordels, fixés sur un transparent dans les boîtes-lumière noires avec des fils électriques qui pendent, s’entremêlent.
J’espère avoir présenté ces situations guerrières qui me font peur et horreur, comme un hommage à ces jeunes femmes et à leur courage. Yves Simon, son ami de toujours a bien voulu accompagner l’exposition d’un texte :
» Gökşin Sipahioğlu a bourlingué sous toutes les longitudes et latitudes de la planète. Armé de son seul courage il affronta le regard noir des fusils pointés sur lui, il a promené sa longue silhouette sur les fronts que la guerre ensanglantait, là où la canonnade se faisait entendre, là où on mourait, là où la vie faisait mal. Mais comme s’il voulait aussi garder les traces des interstices du malheur, il prit le temps de s’arrêter sur les visages, ceux des femmes, il les photographia, non dans l’urgence, mais dans une sorte de paix, les laissant s’offrir à l’argentique dans l’intensité de leur grâce d’un instant.
Brèves rencontres d’un objectif et d’un corps, d’un homme et d’une femme, ces madones de combat sont prises là, au moment où elles respirent enfin, à l’abri des armes, à l’heure où la vitalité reprend le dessus, où le danger, provisoirement écarté, elles renouent avec la sensualité, que leur corps est redevenu leur propriété et non une marchandise de guerre que les belligérants pouvaient anéantir d’un seul mouvement de gâchette, quelques secondes plus tôt. Ces corps se donnent, ils sont vivants et montrent dans la pénombre le seul bien qui leur reste : leur beauté.
Images de guerre, images de femmes, SIPAHIOĞLU navigue entre deux eaux, entre deux zones de réalité : la rage et la volupté, la nudité et la mort. Les visages, anonymes ou célèbres, héros toujours d’un mystère qui les dépasse, gardent leur mystère photogénique à jamais. » Yves Simon
L’exposition « Passions » en 2010, fut une de dernières de Gökşin qui nous quitte en 2011.
En 2018, avec l’aide précieuse de son complice Ferit Duzyol, nous exposons des images pertinentes de Mai 1968, où Gökşin a été évidemment sur toutes les barricades.
Avec les remerciements d’A l’œil
La page de Gökşin Sipahioğlu dans A l’oeil
GALERIE BASIA EMBIRICOS
Site officiel de la galerie : https://www.galeriebasiaembiricos.com/
14 rue des Jardins Saint-Paul, 75004 PARIS
M° Saint-Paul, Pont Marie ou Sully-Morland
+33 6 60 66 85 90Dernière révision le 8 octobre 2024 à 1:28 pm GMT+0100 par