A l’œil a envoyé une série de trois questions à des agences de presse, des agences photographiques, des collectifs de photographes, des photographes indépendants et des institutions ou festivals pour connaître la situation face à cette crise sanitaire mondiale. Aujourd’hui, la réponse de Philippe Guionie, directeur de la Résidence 1+2 de Toulouse.
« Créée fin 2015 par Philippe Guionie, la Résidence 1+2 est un programme annuel de résidences artistiques associant la photographie (toutes pratiques confondues) et les sciences (toutes disciplines concernées). En associant chaque année, pendant deux mois de production, trois photographes d’horizons, de générations et de pratiques différentes, la Résidence 1+2 se revendique comme un champ de confluences et un laboratoire d’expérimentations. »
« A mi-chemin entre création et partage des savoirs, elle associe depuis cinq ans la photographie avec les sciences, produit, valorise et promeut une photographie d’auteur en liens étroits avec un patrimoine scientifique exceptionnel présent à Toulouse et en région Occitanie. »
1 – Est-ce que des collaborateurs de votre résidence sont malades et/ou absents ?
« Nos trois photographes actuellement en résidence et l’ensemble des membres de nos équipes à Toulouse et à Paris sont confinés. A ce jour, seul Emeric Lhuisset, notre photographe de renom 2020, a été touché par le Covid-19 mais il est sorti d’affaire et reste confiné à son domicile parisien. Il s’est remis au travail à distance depuis quelques jours. »
2 – Quelles consignes et équipements ont été donnés à vos photographes sur le terrain ? Et ont-ils rencontré des difficultés avec les forces de l’ordre ?
« Je suis en contact au quotidien avec chacun et chacune pour assurer la production de leurs contenus photographiques respectifs tout en veillant au bon respect des règles du confinement actuel à commencer par le maintien des gestes barrières. Notre groupe est solidaire et très sensibilisé à la situation sanitaire que nous traversons. En cas de besoin à caractère exceptionnel, nous leur fournissons une attestation de déplacement dérogatoire. »
3 – Craignez-vous que cette pandémie vous conduise à revoir vos projets ou même mettre en péril votre programme de résidence ? Quelles incidences sur votre situation budgétaire ?
« En accord avec les photographes concernés, à savoir Emeric Lhuisset, Coline Jourdan et Lucía Peluffo, nous avons fait le choix ensemble de poursuivre la Résidence 1+2. Cela participe aussi pour nous d’une démarche volontariste de les accompagner en tant qu’auteurs en cette période économique très délicate. »
« A ce titre, nous avons maintenu leurs rémunérations respectives ainsi que toutes les prises en charges actées par convention avant le début de notre programme (frais de production, per diem journalier, …). Certes, leurs projets sont ralentis et/ou reformulés par l’impossibilité de circuler sur le territoire mais chacun et chacune se sont engagés à revenir en juin prochain à Toulouse pour un second séjour de production en espérant bien entendu que les nombreuses interactions avec la communauté scientifique qui nous accompagne depuis cinq ans soient redevenues possibles sur le terrain. Nous l’espérons vivement ! »
« D’ailleurs, je salue l’implication totale du CNRS Occitanie Ouest et des nombreux laboratoires et institutions de recherche qui sont restés, malgré le confinement, disponibles et à l’écoute de nos photographes. Je suis le témoin privilégié de ces interactions à distance. Photographes et scientifiques partagent des réflexions et des ressources, composent des savoirs inédits dans une sorte de fabrique des possibles. Cela fait sens et nous encourage en tant que programme à tenir le cap de cette édition 2020, décidément pas comme les autres. »
« Bien évidemment, certains projets notamment avec des partenaires privés sont reportés ou annulés tandis que certains financements sont revus à la baisse. »
« Ce contexte délicat nous oblige aussi à travailler différemment en redéfinissant certaines priorités. En tant que directeur, je dois prendre des décisions parfois difficiles et définir de nouvelles orientations. Mais, à ce jour, nous maintenons la semaine d’ouverture de la Résidence 1+2 à Toulouse à partir du 7 octobre 2020 avec notamment nos deux temps forts, le vernissage de l’exposition collective à la Chapelle des Cordeliers (9 octobre) et le colloque national « Photographie & Sciences » au Muséum (10 octobre). »
« A une époque où les frontières s’effritent entre toutes les disciplines, réunir dans un même projet photographes et scientifiques, c’est les inviter à unir leurs forces, à impulser de nouvelles transversalités, à renouveler les formes créatives pour nous aider ensemble à mieux comprendre et agir face aux enjeux du monde contemporain. Quelque part, c’est notre modeste contribution à penser le monde de l’après-pandémie. »
Propos recueillis par courriel le mercredi 29 avril 2020