A l’œil a envoyé une série de trois questions à des agences de presse, des agences photographiques, des collectifs de photographes, des photographes indépendants et des institutions ou festivals pour connaître la situation face à cette crise sanitaire mondiale. Aujourd’hui, la réponse d’Edouard Elias.
Edouard Elias est un cas. Il est né le 29 juin 1991. Il n’a pas trente ans et est déjà un photojournaliste mondialement connu et respecté. Respecté, car ce jeune homme a une maturité exceptionnelle forgée par de dures épreuves personnelles et professionnelles. On se souvient qu’il fut otage des terroristes islamiques en Syrie. Mais, avant cette épreuve, il avait déjà la tête bien faite et les pieds bien ancrés sur terre. Depuis ses reportages dans la Syrie en guerre, il a continué à en faire sur différents fronts, mais également sur des histoires moins dangereuses. Marc Simon qui fut le directeur photo de VSD me disait : « Ce qui est formidable avec Edouard, c’est qu’il fait tout avec sérieux, même les petites histoires. » Edouard Elias est tout l’inverse d’un baroudeur fanfaron, c’est un vrai photographe passionné de technique de prise de vue et de laboratoire. Un photographe attentif qui réfléchit.
MP
1/ Votre santé est-elle affectée par le virus ? Depuis quand êtes-vous confiné(e) et dans quelles conditions ?
Ma santé, heureusement, n’a pas eu de problème par rapport au virus, ni au niveau familial. J’ai la chance de pouvoir être confiné chez moi, à Bagnolet, avec une terrasse et des semis qui ont bien pris.
Par rapport à un autre confinement passé, celui-ci a plusieurs avantages : des livres à foison, des fichiers à traiter, de la nourriture, du soleil et du calme, beaucoup de calme. Etant en général plutôt « ours » qui donne peu de nouvelles et qui aime la solitude, le confinement ne m’affecte que très peu.
2/ Avez-vous cessé de travailler « sur le terrain », sinon comment vous protégez-vous ? Si vous ne travaillez plus en extérieur que faites-vous ?
J’ai préféré ne pas chercher à travailler sur de nouveaux reportages, j’étais sur le départ pour un projet au long cours à l’étranger, qui bien sûr, a été annulé. J’ai donc pris le temps d’étoffer ma documentation et mes connaissances sur l’histoire du sujet. De plus, la présence de mon laboratoire m’a permis de réaliser une multitude de tirages, des tests avec la chimie couleur, etc…
J’ai eu la chance d’avoir une commande pour Le Monde, ce qui m’a permis de me balader un peu. C’est une rédaction avec laquelle j’ai plaisir à travailler. De plus, un bistrot où j’ai l’habitude de me rendre (Quartier Rouge, rue de Bagnolet) fait des collectes / cuisine solidaire, je leur ai réalisé des images pour les bénévoles, j’ai ensuite tiré ces dernières pour leur remettre, mais je n’ai gardé aucun exemplaire, ne voulant ni communiquer, ni commercialiser le projet.
3/ Quelles sont pour vous les conséquences financières ? Quelles relations avec vos clients ? Et pensez-vous bénéficier d’aides financières ?
Les relations avec les clients fidèles, sont surtout reportées. Le lancement de mon dernier ouvrage sur la guerre dans le Donbass est tombé à l’eau, les différentes ventes de ce dernier ont été repoussées, me laissant avec une trésorerie en berne (lourd investissement de matériaux et d’artisans pour le réaliser). Mes interventions avec l’Education nationale aussi. J’ai demandé des aides pour le mois de mars, refusées à cause d’un chèque encaissé les premiers jours du mois. On verra bien pour avril. N’étant pas du bon côté de la chaine alimentaire, je ne compte pas spécialement sur l’Etat pour quoi que ce soit.
C’est assez frustrant de perdre cet élan où tout s’agençait plutôt bien sur cette période. Mais, il faudra y faire face. Je n’ai pas l’impression que l’âge d’or (que je n’ai jamais connu) reviendra tout de suite. De toute façon, se plaindre ne serait qu’une perte d’énergie inutile, je vais donc voir ce qu’il est possible de faire, à mon rythme et de la façon la plus intéressante possible !
Propos recueillis par courriel le 5 mai 2020
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