Avec son cinquième thriller, Le disparu du Mékong, Marc Charuel ancien photographe et grand reporter, nous emmène dans une ville mythique : Saigon. Back to Vietnam en XXIème siècle à l’heure où le monde se dispute les terres rares.
Comme son héros, Marc Charuel n’avait pas vingt ans, quand il a débarqué à Saigon pour couvrir la fin de la guerre du Vietnam, la débâcle des troupes du Sud et des américains, la victoire de ceux du Nord. Le Vietnam, en 1975, était un mythe pour tous les jeunes reporters. Ils furent nombreux à vouloir suivre la piste des Larry Burrows, Philip Jones Griffiths, Henri Huet ou Gilles Caron.
Marc Charuel, fût de ceux-là. Cela donne de l’épaisseur historique à son « disparu du Mékong » Charuel mène brillamment durant 650 pages une histoire à dormir debout, mais qui vous prend par la main, de paragraphe en paragraphe, de rebondissement en rebondissement. Haletant.
C’est une histoire d’espionnage, de manipulation où se démènent les services secrets français, vietnamien, chinois et américain. La DGSE a perdu le contact avec son agent, un certain Philippe Rohde. Denis Perrin, le patron de la section « Asie » de la caserne Mortier a alors l’idée d’envoyer Vincent Caron, un « honorable correspondant », à sa recherche.
« Toutes ses années passées…. Il lui avait fallu batailler pour obtenir de pouvoir prendre un avion et seulement faire son métier. Epuisant »
Vincent Caron est un vieux reporter au bord de la retraite, un de ces baroudeurs qui ont, comme Marc Charuel, foutu leur nez dans toutes les guérillas des quarante dernières années. Avec cette intrigue, Marc Charuel nous fait profiter de sa connaissance de Saïgon et du Vietnam, de Bangkok et de la Thaïlande. Sans parler de ses connaissances géopolitiques. Les détails ethno-géographiques foisonnent et donnent une vraie crédibilité à l’incroyable magouille dans laquelle Vincent Caron se débat.
Qui connait un peu l’auteur, le photographe indépendant, le reporter de guerre puis le chef du service photo de Valeurs Actuelles et du mensuel Spectacle du Monde, ne sera pas étonné par certains propos d’un « anticommunisme primaire » très en vogue au siècle dernier. Mais, ne nous y trompons pas, le bougre a plus d’un tour dans son sac. Il est malin et ménage quelques belles surprises au lecteur qui croit avoir tout compris avant d’avoir lu.
L’avantage avec Marc Charuel, c’est qu’il parle de ce qu’il connait : la presse, les armées et les services auxquels tous les reporters sur les terrains chauds sont, un jour ou l’autre, confrontés. Il a en outre de la curiosité pour les acteurs des coups tordus : mercenaires, marginaux, soldats perdus… C’est son cinquième thriller, et tous sont des « pages turner ». L’armée, je devrais dire les armées, il connait. Les guérilleros aussi. Et quand ses personnages crapahutent dans la jungle, ça sonne juste et ça sent la pourriture végétale. Et, comme les reporters s’introduisent partout – quelquefois où il ne faut pas -, ces héros le sont souvent.
C’est particulièrement le cas pour ce Vincent Caron, personnage dont le curriculum vitae semble calqué sur celui de l’auteur. Comme lui, il connait la jungle birmane, les montagnes afghanes. Comme lui il a été blessé dans les maquis communistes des Philippines … Bref son Vincent Caron a du corps ! Et même des sentiments amoureux pour sa Pénélope de femme qui l’attend à la maison sans savoir quand il rentrera.
Bref, Marc Charuel a un vrai talent de conteur, doublé d’une belle agilité pour nous faire tourner avidement les pages. Le disparu du Mékong est un pavé, mais qu’on avale prestement et dans un format qui a une « bonne main » comme on disait jadis au temps de la « presse papier », et un petit prix, ce qui ne gâte rien. Idéal pour se changer les idées pendant ses vacances déconfinées.
Michel Puech
Le disparu du Mékong de Marc Charuel – Editions du Toucan noir 2020 – 650 pages 15€
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Dernière révision le 8 octobre 2024 à 1:28 pm GMT+0100 par
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Bernard,
« Avoir une bonne main », est un terme que j’ai appris de Maurice Siegel à VSD. Je pense que c’est un terme venu de l’imprimerie, mais je n’en suis pas certain. Il s’agissait de prendre en mail le magazine, le journal et surement le livre et de sentir si on l’avait bien en main. La bonne main dépend du grammage du papier, du type de papieer et du nombre de pages. En l’occurence avec ses 650 pages le bouquin de Charuel aurait pu être lourd et mal commode à lire, comme souvent les gros livres. Or ce n’est pas le cas.
Quand à « la presse d’en face »… Tu sais, avec l’expérience, j’ai appris que le titre ne fait pas le journaliste !
Je ne connaissais pas cette expression « avoir une bonne main ». Très joli, s’agissant des formats des journaux. Je me souviens seulement que fut un temps où tout le monde est passé au « Berlinois » … Tu vois, à la fin, c’est toujours les allemands qui gagnent !
Étonnant thriller dont tu nous parles, venu des horizons perdus de la presse d’en face … mais pourquoi pas ( dés lors que ceux d’en face demeurent républicains …) En revanche, quelle étrange idée que d’avoir donné à son héros le patronyme de Caron … dont le titre du livre semble confirmer la source d’inspiration. Vais le lire avec grande curiosité.