Ma chère Eliane, depuis, qu’à 18 heures et 7 minutes (Heure de Paris), tu as posté sur Facebook, ce 25 mai 2021, cette photographie issue des archives de Jean-Pierre Laffont conservées à Miami, je suis fasciné par la merveilleuse complicité qui émane de vos sourires, de vos visages rayonnants. Le trio du succès !
C’est l’image du triomphe du « photojournalisme à la française ». L’icône de ce fameux « âge d’or » des années 1960 à l’avènement de l’ère numérique. Le photojournalisme est devenu un art, les reporters des auteurs à part entière. C’est l’époque où Sygma signe une multitude de « UNE », engrange encore des « assigments » et développe son partenariat avec les stars. L’époque de la gloire dans le petit monde de la photographie d’actualité. Une grande famille d’amitié et de solidarité. Mais pas que…
Les photographes sont publiés dans les magazines et leurs images se faufilent dans les galeries et les musées. Ils doivent leur succès à leur talent, mais également aux, détestés ou admirés, patronnes et patrons des agences et des journaux, aux exigeantes et exigeants picture-editors, et aux chevaliers de la Vespa ou de la BMW. Avant et après que le Tintin eut fait son reportage, il y a le travail de l’ombre : éditorial, editing, commercialisation. Et quand, au travail à la commande a succédé l’aventure de la spéculation, des enchères, de la flambée des prix de vente. Grâce à la concurrence que se livraient les magazines, l’imagination devint payante.
Toi, Eliane Laffont, Monique Kouznetzoff alias « Kouzo », Hubert Henrotte alias « HH » avez été les « boss » de ce fantastique marché mondial qui fit le succès de Gamma puis de Sygma. Vous et Gökşin Sipahioğlu avez géré le « look » de la presse mondiale pendant plus de trois décennies. Sur ce cliché, vous en êtes fiers et heureux. Une vraie lune de miel au lendemain de la première guerre du Golfe.
Août 1991, date où Eliane tu situes la photographie, « un jour où on rigolait bien » as-tu commenté sur Facebook. Une époque où, « Entre Hubert Henrotte et Bruno Rohmer, c’est la lune de miel » selon Le Monde du 2 mars de cette année-là. Bruno Rohmer est le financier de Sygma : « Pour me présenter son agence, Hubert Henrotte a étalé sous mes yeux une cinquantaine de couvertures de magazines réalisées par Sygma en quinze jours. C’était impressionnant. Le patron de l’agence, ce n’est donc pas moi, c’est Henrotte. Un homme remarquable, le plus grand professionnel. »
Ce bonheur, hélas ne va pas durer contrairement à votre inaltérable amitié. La mutation technologique s’accélère, la presse souffre, la trésorerie manque pour des investissements. Cinq ans après la lune de miel, les affaires vont moins bien. Un autre financier arrive et finalement la lune de miel prend un goût amer pour Hubert quand « Kouzo » et lui doivent quitter « leur » bébé.
Lui, qui a été, grâce à toi et « Kouzo », de fait, un des rares picture-editors à influencer visuellement la presse mondiale, n’a pas été reconnu par un large public. Les photographes qui vous doivent, peu ou prou, leur moment de gloire professionnelle ; eux, ont les expositions, les festivals, les prix pour être reconnus.
Homme de l’ombre, HH n’a pas connu la lumière de son vivant. Cette photographie de Jean-Pierre Laffont, en raison de son caractère familial, a d’autant plus de poids. Elle est émouvante, pour ceux qui ont connu l’homme en des jours plus besogneux, puis plus sombres.
Cette photographie rassure sur la qualité de la vie d’Henrotte, elle le montre en vacances. Elle m’incite, Eliane, à te suggérer un bel album photographique de tes souvenirs et de ceux immortalisés par Jean-Pierre et vos amis photographes. Merci d’avance.
Michel Puech
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