Deux documentaires ont marqué ce passage à une nouvelle année, une année d’élection, une année de tous les dangers pour le journalisme.
L’un est produit et diffusé par France Télévisions dans l’émission Complément d’enquête sur France 2, l’autre est diffusé sur LCP, la chaine parlementaire. Merci le service public de l’audiovisuel !
Virus, regards de photographes
Les deux sont passionnants à plus d’un titre. Virus, regards de photographes d’Anouk Burel, ancienne grand reporter d’Envoyé Spécial montre l’engagement de Laurence Geai, d’Éric Bouvet, d’Antoine d’Agata, de Peter Turnley et de Corentin Fohlen, durant le premier confinement de la crise du Covid.
Les paroles des uns et des autres sont émouvantes, en particulier celles de Laurence Geai et d’Éric Bouvet. Comme Antoine d’Agata et Peter Turnley, ils ont parfois les larmes aux yeux en se souvenant des scènes photographiées, que parfois, ils n’ont pas pu montrer tant l’horreur l’imposait.
Ils nous donnent tous une grande leçon de journalisme sur un sujet, qui pour être exceptionnel, n’en est pas moins ordinaire et, loin des terrains de guerres, en bas de chez eux, à Paris. Merci à eux.
L’autre est évidemment d’un autre genre ! Mimi Marchand, l’influente de la République, est un portrait sans complaisance, mais avec quelques lacunes, de la maintenant célèbre Mimi, « patronne » de l’agence de presse Bestimage.
Pour les professionnels du photojournalisme elle n’est pas une inconnue. Photographes, patrons d’agences et directeurs de publications ont quotidiennement affaire avec ses appels téléphoniques. Habituée des boites de nuits dans sa jeunesse, pensionnaire régulière à Fresnes ou à La Santé, elle est également une afficionada des couloirs du pouvoir, amie de Carla Bruni et de Brigitte Macron, elle fréquente assidûment, entre autres, Sarkozy et Macron ; et, fait la loi dans le monde des paparazzi.
Les paparazzi font, eux aussi, partie du photojournalisme puisqu’ils illustrent la presse comme d’autres photographes shootent la mode, les animaux sauvages, les fonds sous-marins ou les sports. Reste la question des « paparazzades », ces prises de vue arrangées avec les protagonistes… Mais, pourquoi pas ? A vrai dire, cela s’apparente un peu au genre du portrait. Certes il y a mensonge, mais ce sont surtout les patrons des publications qui trompent leurs lectrices ou leurs lecteurs, pas les photographes.
L’influente de la République
Et finalement, le problème est ailleurs, à l’Elysée en particulier où le couple présidentiel accepte de recevoir Madame Marchand pour produire des marchandises frelatées. Que Mimi ait trimbalé 500 kg de shit, payé seulement de deux mois de prison, ne serait pas scandaleux, si la Présidence souhaitait légaliser cette consommation, mais ce n’est pas le cas.
Le documentaire de Complément d’enquête, réalisé en grande partie grâce aux investigations de Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon (Mimi Editions Grasset 2018) et à l’acharnement de l’équipe de Mediapart, n’apporte aucune information nouvelle sur le fondement des relations de Mimi avec l’Elysée. Il y a là mystère. Le Président de la République ne peut ignorer le passé sulfureux de Madame Marchand ! Quels sont donc les dossiers de la patronne de l’agence de presse Bestimage pour que la Présidence lui ouvre sa porte ?
Pire, Mimi a réussi à faire agréer son agence de presse au sein du très fermé club qu’est le Comité de Liaison de la Presse [1], une association qui « assure la liaison entre les pouvoirs publics et les organisations professionnelles de la presse. » Ce comité fixe la participation des divers médias (Texte, Photo, TV) aux manifestations nationales et internationales notamment par l’établissement de pools et la distribution d’invitations et d’accréditations. En cas de pool, les journalistes et photographes qui opèrent doivent communiquer le plus rapidement possible leur production aux autres membres du Comité. Une disposition, qui garantit de multiples discussions et disputes entre les différents médias, en particulier entre agences de photo.
La détention de Madame Marchand, en 2021, a jeté le trouble entre les membres de ce comité et, certains se sont interrogés sur la pertinence de conserver un siège à Bestimage… Mais off, l’un des membres avoue « C’est elle qui est allée en prison, pas son agence. Et puis, elle nous gênait plus dehors que dedans ! De toute façon, elle a ses entrées à l’Elysée ! » Reste qu’une agence de presse doit réaliser 51% de son chiffre d’affaire avec la Presse… Mais pour de l’information, pas pour de la communication !Le règne de « La reine des paparazzi » touche-t-il à sa fin ?
La campagne électorale en cours nous apportera peut-être la réponse, mais de toute façon, il est certain que comme lors des dernières campagnes, les images seront contrôlées et généreusement fournies gratuitement par les candidats ! Une pratique en vogue depuis Sarkozy, reprise par tous les partis ; et, malheureusement, acceptée par toutes les télévisions et de nombreux magazines.
Après on s’étonnera que le « bon peuple » vocifère contre la Presse et malmène les reporters.
Michel Puech
A voir
Virus, regards de photographes
Documentaire écrit et réalisé par Anouk Burel – Durée : 52’/ Année : 2021 – Produit par Tony Comiti – Coproduction : Kalisté Productions/ LCP-Assemblée nationale
Prochaine diffusion: vendredi 4 février à 20h30 et vendredi 11 février à 00h30
Mimi Marchand, l’influente de la République
Complément d’enquête – France 2
Site de replay : https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/3002505-mimi-marchand-l-influente-de-la-republique.html
Tristan Waleckx , présentateur de Complément d’enquête, et Thomas Lelong, journaliste, en disent plus sur le reportage inédit sur Michèle Marchand alias « Mimi »
Note
[1] Comité de liaison de la Presse, est une association en activité depuis 38 ans qui réunit des représentants de tous les médias. Adresse : 7 Rue Galilée 75016 Paris. Pas de site web.Dernière révision le 8 octobre 2024 à 6:41 pm GMT+0100 par Michel Puech
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