Cinquante ans après les événements du Bloody Sunday, lorsque l’armée britannique a attaqué les manifestants pacifistes faisant une dizaine de morts et de nombreux blessés, le musée Niépce présente deux expositions qui proposent un double regard photographique, historique et contemporain, sur la situation nord-irlandaise.
Tout d’abord le travail de Gilles Caron réalisé en août 1969 à Londonderry où avait lieu un défilé orangiste près du quartier ouvrier et catholique, défiant la population. Les nationalistes ripostent à la provocation et la bataille du Bogside éclate marquant le début d’une guerre civile en Irlande du Nord qui durera près de 30 ans.
« J’étais en Irlande avant tous les autres. La veille des bagarres, j’étais parti là-bas pour faire un défilé qui devait avoir lieu. Tout était calme et même pittoresque. Les manifestants défilaient tranquillement en chapeaux mous et fleur à la boutonnière. À quatre heures de l’après-midi, ça a commencé à se bagarrer. Ça a commencé doucement, trois, quatre, cinq cailloux et subitement c’est devenu important, ils ont mis le feu à des quartiers entiers, et ça a duré comme ça pendant trois jours. […] Les manifestants ont pris l’arrivée de l’armée anglaise comme une victoire des catholiques. J’ai cru que c’était fini, j’allais rentrer quand ça a recommencé à Belfast. De Londonderry j’ai pris le taxi pour Belfast. J’ai travaillé une journée et une nuit, j’ai pris l’avion pour aller à Londres et j’ai donné mes photos à un passager qui revenait à Paris. C’est-à-dire que le lendemain à Gamma ils avaient les originaux avant les « belins » des journaux anglais. Les types de Match sont arrivés le samedi quand moi je repartais. » (Gilles Caron dans le magazine Zoom n°2 mars-avril 1970.)
Autre regard sur le même pays avec Our Day Will come de Stephen Dock dont le titre Notre jour viendra reprend un slogan populaire des républicains d’Irlande du Nord qui évoque à la fois l’espoir de liberté et l’envie de vaincre la communauté adverse.
En 2012, le photographe se rend à Belfast à l’occasion du centenaire du pacte d’Ulster célébré par les unionistes. Bien que les accords de paix aient été signés depuis 14 ans et qu’il ne se passe rien, la tension reste très réelle et la cohabitation se fait dans une paix fragile où la violence, culturelle, sociale et politique, habite et hante les individus. Cela se lit sur les visages et sur les murs, marquant les habitants comme le territoire, les stigmates de la guerre sont partout. Stephen Dock se rendra sur place onze fois pour essayer de comprendre cette incapacité à trouver la paix et constituera un corpus photographique constitué de matières et de signes extraits de l’environnement quotidien : portraits, détails d’architecture, scènes de rue, traces parfois infimes du passé qui font écho au travail de Gilles Caron.
Gilles Courtinat
Lire tous les articles de Gilles Courtinat
Irlande du Nord : Gilles Caron et Stephen Dock
Exposition, Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône
12 février / 22 mai 2022
Le site du Musée
Le site de Gilles Caron
Le site de Stephen Dock
Dernière révision le 8 octobre 2024 à 6:43 pm GMT+0100 par
- Bastien Ohier
Aux âmes bien nées… - 15 novembre 2024 - Paris Photo
« C’est à voir qu’il nous faut ! » - 8 novembre 2024 - Martine Franck
100 photos pour la liberté de la presse RSF - 8 novembre 2024