Le diagnostic est là percutant, transcendant, terrible mais poignant et rassurant.
Les signes de reconnaissance d’un livre autobiographique des plus remarquables et indispensables. Il est une ordonnance à double sens : médicalement humanitaire et historiquement géopolitique ; « pour la santé du corps et de l’âme », pour les lectrices et lecteurs de ces allers-retours exceptionnels dans 215 pages dans les « Fracas du monde ».
Fracas qui se prolongent depuis plus de 50 ans et débutent avec la création de Médecins sans frontières (MSF) en 1968 lors de la guerre du Biafra. C’est aussi une saisissante péremption humaniste en ces temps de menaces « ukraino-poutiniennes – politiques – militaires – économiques » qui menacent à nouveau l’Europe.
Le cardiologue Patrick Aeberhard est au cœur de tous les drames qui ébranlent notre fragile monde en guerre. Du Vietnam au Liban, au Kurdistan, au Rwanda jusqu’en Afghanistan ; ou, aux cataclysmes naturels tels les tremblements de terre dévastateurs d’Haïti à l’Arménie parmi tant d’autres, il est là !
La liste serait top longue comme celles des adhésions des éminents confrères et réputées consœurs qui rejoignent Médecins sans Frontières, et plus tard Médecins du Monde ou les nombreuses ONG locales ou internationales qui depuis se sont, fort heureusement, multipliées.
« Étions-nous plus politiques que médecins,
plus médecins que politiques ? »
« Nous voulions accomplir quelque chose qui soit juste » souligne Patrick Aeberhard en posant la vraie question des débats incontournables de la période : « Étions-nous plus politiques que médecins, plus médecins que politiques ? »
Mais une évidence s’impose, commune à tous les fondateurs de ces ONG sur tous les fronts intérieurs, commune aux yeux de Bernard Kouchner, Jacques Bérez, Patrick Aeberhard, Xavier Emmanuelli, Claude Malhuret, Rony Brauman, s’opposer à la neutralité rigoureuse de plus en plus insupportable de la Croix–Rouge.
Finie cette fameuse culture du secret de l’époque : « l’alpha et l’oméga du CICR qui laisse espérer l’impunité aux tortionnaires devant le tribunal de l’Histoire » étaye Patrick Aeberhard. Il fallait mettre fin selon les mots d’André Glucksmann « à la barbarie de l’infâme ».
L’ouvrage fourmille d’anecdotes, qui témoignent toujours du souci permanent de l’auteur de témoigner de la vérité des faits ; et garantir l’urgence première qui obsédait tous ces French doctors. Patrick Aeberhard rend à la fois et, pour y avoir tant participé de l’intérieur, le plus modeste et plus vibrant hommage pour avoir toujours voulu garantir sur tous les continents la première des urgences : intervenir pour sauver, soigner, témoigner. Comme il eût à le faire en rentrant chez lui à 100 mètres près des attentats le soir du 13 novembre 2015 à Paris.
Il est à sa manière l’Albert Londres de l’humanitaire pour « porter la plume dans la plaie » sans jamais inverser : la plaie dans la plume. Quand l’écriture ciselée, qui est sienne, maîtrise avec talent et pudeur, toutes les émotions vécues d’une vie entièrement dévouée à la plus noble des causes : la solidarité qui toujours nous grandit.
Dans son dernier ouvrage publié, son ami fidèle, André Glucksmann le rappelait : « Le silence et le laisser-faire tuent les lointains d’abord et les proches ensuite. A force de regarder creuser la tombe des autres, on ouvre la sienne. »
Sans prise en charge par la sécurité sociale – cela va de soi -, un ouvrage à offrir à tous les étudiant(e)s en faculté de médecine pour assurer déjà la sécurité civique de notre folle planète.
Alain Mingam
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Dans les fracas du monde
Patrick Aeberhard (France, Paris, 13 février 1945) est un cardiologue français. Il a principalement contribué à la création de Médecins sans frontières (1971), puis de Médecins du monde (1980). Il est cardiologue au centre cardiologique du nord à Saint Denis, chef du service de réadaptation cardiaque depuis juin 2002. Dernière révision le 9 octobre 2024 à 9:43 am GMT+0100 par
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