Pour sa quatrième exposition au festival international de photojournalisme Visa pour l’image, le photographe Goran Tomašević de l’agence de presse Reuters, publie un livre regroupant 254 photographies des innombrables conflits qu’il a couverts depuis ses débuts en Yougoslavie en 1991. Une exposition et un livre à ne pas manquer.
« Son père vient de vendre un vélo et lui offre son premier appareil photo, un historique FED 5V [1]. Goran a 13 ans et ne sait pas encore que cet ancêtre du Leica va lui permettre de réaliser des progrès fulgurants, avec la complicité du compagnon de sa sœur aînée, un photographe professionnel. Pour faire de sa vie une aventure permanente – comme en témoignent les 444 pages de cet exceptionnel ouvrage, contribution à la grande épopée du photojournalisme et à l’incontournable histoire des 30 dernières années. » écrit Alain Mingam, concepteur avec Goran Tomašević de ce merveilleux ouvrage, un évènement, qui retrace les presque trente ans de carrière du photojournaliste de l’agence de presse Reuters. Alain Mingam, qui fut grand reporter pour l’agence Sipa Press sait de quoi il parle quand il écrit à propos de Goran « Sur les traces ou compagnon de James Nachtwey, il est aussi le digne héritier des Robert Capa, Larry Burrows, Don Mc Cullin et va devenir l’un des plus grands professionnels de sa génération. Il est à sa manière un Mathew Brady qui, lors de la guerre civile en 1861, voulait faire sentir « l’odeur de la mort » dans les chaumières américaines ».
« Je voulais être aussi près que possible des combattants, à l’extrême limite de la ligne de front, pour montrer avec précision ce qu’ils faisaient, leurs émotions, pour les voir courir, tirer, pour voir comment ils réagissaient face aux obus », expliquait-il lors de sa première exposition Combat en 2013 à Visa pour l’image. « Si l’on veut rendre les faits dans leur authenticité, il faut être là où ils se déroulent [2] »
Goran Tomašević n’a pas choisi la guerre, c’est elle qui est venue le chercher chez lui, en Serbie lors des guerres des Balkans des années 90. Il travaille alors pour Pristina, un quotidien kosovar. « Le plus difficile c’est de couvrir un conflit qui se déroule chez soi » nous confiait-il dans un podcast en septembre 2015 à Visa pour l’image. Il ajoutait que le plus important était d’oublier l’émotion pour se concentrer sur les faits. Et, c’est en cela, qu’il est le digne héritier des grands photojournalistes cités par Alain Mingam dans cet ouvrage. Une réputation incontestée pour tous ses confrères.
« Dans une profession pourtant en pleine mutation, secouée par une profusion d’images qui vient brouiller la frontière entre information et sensation, son travail ne fait jamais débat. Jamais. Peut-être parce qu’il exerce ce métier comme tous devraient le faire ? Dans une époque où, trop souvent, le photographe se met en avant jusqu’à devenir lui-même l’information, les clichés de Tomašević nous montrent comment il couvre ses sujets : à fond. En laissant une place totale aux complexités et aux complexions de l’histoire qu’il documente. « Sur le terrain, je ne choisis jamais un camp », déclarait-il dans l’une de ses rares interviews accordées à ses confrères, tranchant avec le militantisme actuel qui émousse la plume du journalisme. » écrivent à quatre mains Jean-François Leroy directeur de Visa pour l’image et Vincent Jolly grand reporter au Figaro Magazine.
La cinquantaine passée, Goran Tomašević, couvert de prix (World Press, Pulitzer) n’a pas fini de nous montrer de quoi l’homme est capable dans sa cruauté comme dans son héroïsme.
« Il prête son regard pour mieux enrichir le nôtre et nous libérer de tout préjugé ou de caricature aisée sur le monde en (r)évolution permanente. Au risque d’images insoutenables qui sont les remparts inespérés contre le linceul de l’oubli de ces femmes jeunes et de ces mères amputées en pleurs … Dans un échange lors du vernissage de son exposition en 2013 au « Couvent des minimes » à Perpignan à l’occasion du plus grand des festivals de photojournalisme, Goran a tenu à le rappeler : « Quand je commence à couvrir un combat, pour moi mentalement tout retrait est exclu. J’aurais honte de moi si je ne le suivais pas jusqu’à la fin. [3] »
Le Livre
GORAN TOMAŠEVIĆ
Book concept Lois Lammerhuber & Alain Mingam
Photography Goran Tomašević
Photo editing Goran Tomašević, Steve Crisp, Petar Kujundzic, Matej Leskovsek, Alain Mingam, Lois Lammerhuber
Textes d’Alain Mingam, David Thomson, Jean-François Leroy et Vincent Jolly
254 photos – 29 × 31 cmA – 444 pages Relié 4 kg
Anglais, Français, Allemand
ISBN 978-3-903101-91-3 – EUR 59,00 – Publication : août 2022
[1] « FED-5B est la version « de base » de la gamme FED-5. Il n’a pas de light meter et de lignes de cadre dans le viseur. La bonne façon d’identifier cette caméra est FED-5V car le « В » cyrillique est équivalent au « V » anglais. Les caméras FED-5 étaient la dernière génération de caméras FED qui remontent aux années 1930. FED-1 était une copie presque identique réalisée par les Russes de l’appareil photo allemand Leica II, tandis qu’avec FED-2, les Soviétiques ont commencé à innover sur leur première plate-forme pour ajouter des fonctionnalités et rationaliser la production. Comme vous l’avez peut-être remarqué, FED-5 s’est considérablement détourné des modèles de télémètres Leica. Il a l’air et se sent moins cher, plus volumineux et moins raffiné. Les FED sont fabriqués avec l’objectif à monture à vis M39, tandis que Leica est depuis longtemps passé aux montures M et autres. Mais c’était aussi un appareil photo immensément populaire avec plus de 8,6 millions d’unités fabriquées. » Source : https://www.analog.cafe/r/fed-5b-gz28
[2] Citation de l’exposition Combat à Visa pour l’image – Perpignan 2013
[3] Alain Mingam dans le texte qu’il a écrit pour le livre.Dernière révision le 9 octobre 2024 à 9:43 am GMT+0100 par la rédaction