Il y a des nouvelles qui vous plombent le moral pour un bout de temps. L’annonce du décès de Tim Page est de celles-ci.
Notre dernière rencontre date de 2013, alors qu’il venait me remettre la préface qu’il avait tenue à écrire en présentation de mon livre Chambres de reportages. Nous étions amis depuis une dizaine d’années, depuis je l’avais croisé par hasard dans la rue Đồng Khởi, lors de nos innombrables retours à Hô Chi Minh-Ville. Lui comme moi, comme tant d’autres témoins des heures tragiques du Viêt-Nam, ne parvenions pas à solder cette expérience qui fut effroyable, mais grandiose aussi, et souvent excitante. En tout cas inégalable pour nous.
Lui dire que j’avais couvert une partie des derniers mois du conflit avait suffi pour qu’il offre une bière au mythique café Brodard, me pose mille questions et finisse par me proposer d’autres rendez-vous à Hanoi, Bangkok ou Phnom Penh, au gré de nos déplacements, si d’aventure nous devions nous y trouver en même temps.
Tim était une légende, mais il était ainsi : un homme simple et tendre, animé d’une vraie passion pour les confrères qui avaient partagé son métier et ses difficultés.
Les reporters qui ont eu la chance de l’approcher sur les champs de bataille ont, à l’unisson, toujours célébré sa gentillesse, sa droiture, sa morale, son courage tranquille, en même temps que son œil et son sens de l’évènement. Mais, par-dessus tout, c’était un homme sans ennemis. Il l’avait exprimé dans Requiem, publié en France en 1997 en collaboration avec Horst Faas, son camarade et complice dans la tourmente vietnamienne. Certainement l’un des plus beaux livres consacrés à la profession. Une sorte de monument funéraire élevé à la mémoire des photographes tombés au cours des guerres d’Indochine et du Viêt-Nam dans les deux camps. Quels que furent les engagements des uns et des autres.
Nous nous étions revus à Bangkok, encore à Hô Chi Minh-Ville. Puis à Paris. Ensuite, avec l’éloignement, nous avions correspondu un peu via Internet. Il m’encourageait à publier d’autres livres photos. Notamment, avec les images des guérillas de Birmanie qu’il avait dit vouloir aussi préfacer.
Et je ne me suis jamais lancé, gêné qu’un maître de sa trempe puisse m’offrir si obligeamment sa caution et son talent de conteur. Car, au-delà d’un photographe hors pair, Tim était aussi un écrivain magnifique. Et c’en est même gênant aujourd’hui de l’évoquer dans la mesure où tout hommage rendu à quelqu’un qu’on chérissait revient inéluctablement à parler aussi de soi !
Adieu l’Ami !
Marc Charuel
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- Tim Page
Adieu l’Ami ! - 26 août 2022