Ce sont des tourbillons de couleurs, de délicates abstractions, des formes florales qui ne prennent un sens que lorsque l’on réalise qu’il s’agit de photographies de vêtements, accrochés à des cordes à linge et agités par le vent. La force éolienne transforme ces simples linges en autant de fleurs bigarrées, de tourbillons laiteux, de vols d’oiseaux ou d’algues chatoyantes dans une chorégraphie céleste et marine tout à la fois. Une jupe bouffante devient corolle de fleur, un coquelicot rouge s’épanouit, une méduse multicolore ondule dans une brise invisible, est-ce un requin qui fend les flots ?
Dans une belle métaphore visuelle, les lignes parallèles des cordes à linge ressemblent aux portées d’une partition musicale sur lesquelles sont posées les notes colorées d’une symphonie qui décoiffe. Instant décisif quand le drap d’un lit d’enfant isolé sur un ciel bleu devient une voute céleste de lunes et d’étoiles suspendues dans la nuit noire. Objets ordinaires qui s’envolent dans la brise, débarrassés de tout élément permettant de donner une échelle, et qui deviennent des abstractions flottantes, des éclats de couleur mystérieux.
Lors d’un voyage en Sicile en 2014, la photographe new-yorkaise Sally Gall a visité des ruines grecques, des mosaïques byzantines et le mont Etna. Le volcan en activité aurait pu être un choix de sujet évident pour elle dont le travail est axé sur la nature, des jardins à la française aux grottes souterraines. Mais c’est dans la vieille ville de Syracuse que le déclic s’est produit : « Alors que je marchais dans les rues étroites, dit-elle, mon regard a été attiré vers le haut par un tourbillon de couleurs en mouvement, qui s’est avéré être du linge accroché pour sécher sur les balcons. » Fascinée par cette découverte, elle se rend les deux années suivantes dans des villes de bord de mer en Italie, à Cuba et en Croatie pour capter le mouvement et les formes du linge séchant dans les rues. Inspirée par les peintures non figuratives de Kandinsky et Miró, elle ne garde que les détails essentiels, créant des compositions abstraites sur fond d’azur. C’est une idée photographique toute simple mais exécutée avec beaucoup de délicatesse et de talent rappelant que même les sujets les plus banals peuvent aussi répondre à une recherche de poésie dans le quotidien et de miraculeux dans l’ordinaire.
Le site de l’artiste : https://www.sallygall.com
Dernière révision le 9 octobre 2024 à 9:56 am GMT+0100 par
- Kiana Haveri & Melissa Cornet
No Woman’s Land, Prix Carmignac du photojournalisme - 25 octobre 2024 - Olivier Jobard
Notre famille afghane, souvenirs d’une vie envolée - 18 octobre 2024 - Prix Bayeux Calvados-Normandie
Le palmarès 2024, de l’Ukraine à Gaza - 18 octobre 2024