Du 3 au 9 octobre 2022, Bayeux accueille l’annuel Prix des correspondants de guerre. Au salon du livre, cette année Goran Tomasevic signera son « livre-évènement ». Alain Mingam qui, avec Lois Lamerhubber l’éditeur, a été a ses cotés pour la sélection des photos nous raconte cette aventure éditoriale.
« In », spontanément nous l’avons clamé. « On la garde ». Le verdict est positif. Une autre image suit comme vont se succéder 500 et quelques autres photos, pour Goran et moi, face à nos écrans afin de parfaire l’editing indispensable à la prémaquette qui doit naitre de cette honorable obligation et évident plaisir.
« Out », celle-là mérite discussion car il y a mieux dans l’incomparable hiérarchie iconique en excellence, de tous ces reportages vécus depuis 1999 au Kosovo jusqu’en 2019. Il nous faudra une journée entière à Paris, qu’a rejoint à cet effet Goran, pour nous retrouver une semaine plus tard à Baden en Autriche dans le bureau de Lois Lammerhuber, éditeur de renom international, très expérimenté dans le livre de guerre. Toujours anobli au rang d’ouvrage hors du commun après avoir déjà publié Pascal Maître, Noël Quidu et son livre Et Dieu créa la guerre.
Pour l’heure nous sommes les meilleurs apôtres possibles, afin de restituer, sans nul recours au divin, par un choix très rigoureux sans complaisance aucune, toute une vie dévouée à la « couverture » des conflits majeurs de notre histoire contemporaine.
Goran Tomasevic l’a toujours souligné dans une interview en 2021 lors de sa participation au Jury des Istanbul Photo Awards :
« Le message porté par une photographie est primordial »
A Paris comme à Baden, Goran Tomasevic s’est félicité de nous voir tous aller « dans la même direction et dispenser le même esprit » à chacune des 447 pages de cet ouvrage, pour donner à voir dans tous les sens du terme, la force et la beauté de ses images.
Car il est loin le temps où les grands photographes des prestigieuses agences filaires, Afp, Reuters, AP, UPI … devaient produire trois photos sur belin pour assurer l’actualité du jour.
Avec l’omniprésence de la révolution numérique, le photojournalisme s’est fait plus ouvert et plus exigeant. « Si dans la photographie d’actualité, vous manquez les moments difficiles, ils ne reviendront jamais » rappelle Goran, photographe parmi les plus primés au monde … « Alors vous devez être concentré sur l’objectif et travailler dur ».
Ce livre est le mérite de cette passion du métier que conserve plus que jamais intacte Goran Tomasevic, en Asie, en Afrique, en Europe et de par le monde. La multitude de ces fameuses photos témoigne de la prodigieuse palette de son talent, qu’il cultive en totale lucidité, source d’une évidente humilité et de rigueur revendiquée.
Ses photos peuvent parfois choquer, par l’insolence de sa présence au cœur même des combats, jamais à côté, de par le monde.
Il a toujours l’arme à l’œil dans le seul viseur de ses Canon. Autant que de vraies larmes en son for intérieur qu’il soulage avec un humour voulu, en devenant un Steinbeck de l’instant décisif, adepte des raisins d’une colère syrienne devant un combattant tirant avec son AK-47, agrémentée d’une grappe bien fournie sur une position des islamistes à Syrte en Lybie en 2011. Ces gamins qui pratiquent un football très joyeux qui n’a pour but que d’oublier la guerre qui noircit à quelques centaines de mètres près, leur terrain de vie et de jeu sous les colonnes des bombardements en cours. Les pleurs de la petite Mave Grace en République du Congo en 2009, des mères à Beit Lahia dans la bande de Gaza en 2005, au Soudan en 2012, la chute du buste de Saddam Hussein à Bagdad en 2003 – objet de plus de 150 couvertures de magazines et quotidiens. La liste serait ici trop longue de toutes ces images, objet d’un sens esthétique, garantie d’une composition, d’un cadrage exemplaire.
Sans donner dans une compassion jamais virtuelle ; ses images parlent pour lui, pour mieux donner la parole à toutes les victimes sur le terrain des conflits. Et ce n’est point par hasard si le choix de la 4ème de couverture est une des photos préférées de Goran : la fillette aux yeux bleus tout ébahie de stupeur, d’incompréhension dans le camp des déplacés qui l’accueille au Cachemire après le tremblement de terre de 2005. Depuis la Serbie de son enfance, premier champ de bataille « naturel » au Kosovo de son existence et d’épreuves alors argentiques, son regard foudroyé s’est fait foudroyant. Pour prouver à travers la puissance et la beauté pathétique de ses images que la guerre n’est jamais belle mais toujours sale. Elles sont là pour instaurer entre nous lectrices et lecteurs de cet exceptionnel ouvrage, une réelle complicité, qui dans le climat anxiogène ambiant de Kaboul à Kiev ou Téhéran fait de nous sans nous voiler la face, des citoyens solidaires et vigilants. Dans le droit fil de ce qu’écrit fort à propos son ami et employeur David Thomson : « Les photographies de Goran sont imprégnées de bruit, d’odeur et de ces essences de lieu. La peur personnelle est absente partout et les compositions rayonnent une force de vie, fragile et noble. Le spectateur est très conscient du mouvement et du danger de trouver ces fils humains qui nous lient tous ».
Un livre – évènement ! Merci la photographie, grand merci Goran.
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Le Livre
GORAN TOMAŠEVIĆ
Book concept Lois Lammerhuber & Alain Mingam
Photography Goran Tomašević
Photo editing Goran Tomašević, Steve Crisp, Petar Kujundzic, Matej Leskovsek, Alain Mingam, Lois Lammerhuber
Textes d’Alain Mingam, David Thomson, Jean-François Leroy et Vincent Jolly
254 photos – 29 × 31 cmA – 444 pages Relié 4 kg
Anglais, Français, Allemand
ISBN 978-3-903101-91-3 – EUR 59,00 – Publication : août 2022
Site de l’éditeurDernière révision le 9 octobre 2024 à 9:56 am GMT+0100 par la rédaction
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