Editorial

Homai Vyarawalla
Quand l’Inde s’est réveillée

Homai Vyawalla lors d’une séance photo avec le Premier ministre Indira Gandhi fin des années 60. © Homai Vyarawalla Archive/The Alkazi Collection of Photography

Considérée comme la première femme photographe de presse en Inde, connue également sous le pseudonyme Dalda 13, Homai Vyarawalla a documenté les derniers jours de l’Empire britannique dans son pays et sa transformation en un état indépendant à travers un précieux témoignage de la vie politique, sociale et culturelle de l’Inde devenue autonome.

Née en 1913 dans une famille Parsi de la classe moyenne, Homai Vyarawalla étudie la photographie dans une école d’art, où elle commence à prendre ses première images en photographiant ses camarades de classe. Ensuite, elle commence sa carrière en 1938 en travaillant pour le Bombay Chronicle et The Illustrated Weekly Magazine of India, chose peu commune pour une femme à l’époque.

« Je n’avais pas la moindre idée que je serais photographe. Je voulais être médecin mais c’est la seule fois de ma vie où ma mère a refusé de me laisser faire quelque chose. Elle avait vu des médecins de nuit et ne voulait pas de moi dans une profession comme celle-là. Elle ne se rendait pas compte que la photographie de presse serait bien pire ! »

Elle part s’installer à Delhi en 1942, en compagnie de son mari également photographe, et travaille pour les services d’information britanniques. Si une femme en sari maniant un Rolleiflex pouvait lui valoir des remarques peu encourageantes, cela avait l’avantage de lui procurer un grande liberté lui permettant de se déplacer et d’approcher ses sujets plus facilement.

« Les gens étaient plutôt orthodoxes. Ils ne voulaient pas que les femmes se déplacent partout et quand ils m’ont vue en sari avec la caméra, en train de traîner, ils ont pensé que c’était un spectacle très étrange. Et au début, ils pensaient que je ne faisais que m’amuser avec l’appareil, que je me vantais ou quelque chose comme ça et ils ne m’ont pas prise au sérieux. Mais c’était à mon avantage car je pouvais aussi aller dans les zones sensibles pour prendre des photos et personne ne m’arrêterait. J’ai donc pu prendre de meilleures photos et les faire publier. Ce n’est que lorsqu’elles ont été publiées que les gens ont réalisé à quel point je travaillais sérieusement sur place. »

Son travail gagne peu à peu une renommée nationale et elle commence à photographier des personnalités politiques et des événements importants du mouvement indépendantiste indien. Elle réalisera ainsi certaines des images les plus emblématiques de la transition de son pays vers une nation indépendante, comme l’arrivée et le départ de Lord Mountbatten en tant que dernier vice-roi, le vote positif du Parti du Congrès en faveur de la partition, les troubles qui s’ensuivirent, le premier lever du drapeau de l’Inde indépendante, la fuite du Dalaï Lama du Tibet, les derniers jours et les funérailles du Mahatma Gandhi. A ce propos, le 30 janvier 1948, alors qu’elle a l’intention de se rendre auprès de ce dernier pour le photographier lors de sa prière quotidienne, elle y renonce finalement, ce qu’elle regrettera toute sa vie. En effet, ce jour-là, Gandhi sera assassiné. Elle prendra également des photos de la première femme Premier ministre de l’Inde, Indira Gandhi, de dignitaires étrangers en visite et surtout de nombreux portraits de Jawaharlal Nehru son sujet de prédilection.

Elle mettra définitivement fin à sa carrière en 1970 et expliquera que cela était dû à la grande désillusion qu’elle éprouvait face à une nouvelle culture de presse de style paparazzi avec laquelle elle ne voulait pas être associée.

« Cela n’en valait plus la peine. Nous avions des règles pour les photographes, nous suivions même un code vestimentaire. Nous nous traitions avec respect, comme des collègues. Mais ensuite, les choses ont changé pour le pire. Je ne voulais plus faire partie de la meute. »

Jusqu’à sa disparition en 2012 elle ne tiendra plus jamais un appareil photo et ce n’est qu’en 1998 qu’un documentaire relancera l’intérêt pour le travail de cette femme pionnière qui déclarait humblement : « Tout ce que je veux aujourd’hui, c’est que les gens, surtout les jeunes, voient ce que c’était de vivre à cette époque. C’était un monde complètement différent. »

Le site de l’Alkazi Collection of Photography qui conserve ses image

Gilles Courtinat


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